Raphaël Imbert
Music Is My Hope
Sortie le 26 janvier 2018
Label : Jazz Village
Dans ce nouveau chapitre de ses aventures, plus militant et aussi plus intime, Raphaël Imbert tisse un fil rouge entre un jazz vocal inspiré et une soul torride ancrée dans le gospel, le tout baigné dans une énergie rock. Avec son groupe étincelant et sur fond de paroles humanistes – il convoque notamment Paul Robeson, Joni Mitchell et Pete Seeger -, le souffle de son saxophone est l’architecte d’une musique à l’urgence brûlante, profonde et habitée.
Raphaël Imbert – saxophones, clarinette basse
Manu Barthélémy – chant
Pierre-François Blanchard – claviers
Pierre Durand – guitare
Jean-Luc Di Fraya – batterie
Aurore Imbert – chant
Marion Rampal – chant
Thomas Weirich – guitare
Raphaël Imbert – saxophones, clarinette basse
Manu Barthélémy – chant
Pierre-François Blanchard – claviers
Pierre Durand – guitare
Jean-Luc Di Fraya – batterie
Aurore Imbert – chant
Marion Rampal – chant
Thomas Weirich – guitare
Raphaël Imbert – Jazz Village
Music Is My Home – Act 2
Introduction
Vous rappelez-vous la dernière fois que votre vie a changé ? Que vous avez eu l’impression de passer un cap ? Que le destin, aidé par l’Histoire, l’actualité ou de simples circonstances, vous semblait tout à coup palpable, comme une entité attendue désormais à portée de main et de rêve ? Vous rappelez-vous ces rêves qui se nourrissaient malgré tout d’angoisses et d’espoirs déçus, de cauchemars larvés autant que d’utopies plus ou moins assumées ?
Alors, vous vous rappelez ce long automne qui n’avait plus de fin. Vous vous rappelez ces années qui commençaient couleur de sang et n’en finissaient plus de chercher à s’achever dans d’autres teintes. Vous vous dites que, oui, ces années auront été notre fardeau, mais aussi notre entrée dans un autre siècle. Et vous vous dites que c’est bien, qu’il faut faire avec, et si possible mieux. Vous aimez le penser et vous en satisfaire, mais vous savez que vous ne dormirez plus, que vos larmes ne sécheront pas, et que vous n’êtes pas seul dans ce tourment. Nos nerfs avaient été mis à rude épreuve, c’est un fait. Vous n’êtes pas seul à avoir vécu ce moment, ce long moment comme un passage obligé, un sombre rituel contraint par les affaires intérieures et extérieures, un des ces rares instants prolongés qui rendent l’existence douloureuse mais intense. Vous n’êtes pas seul, c’est bien. Mais déjà, une solitude étrange s’est emparée de vous. Pas (que) celle du dépit amoureux, de l’abandon des êtres chers, du deuil simple et nécessaire. C’est une solitude naissant justement de la multitude des êtres qui partagent votre sentiment, et ne peuvent pourtant ni l’échanger ni l’oublier. Vous êtes seul avec les autres, avec chacun, avec tous, dans une immense théorie de solitaires conscients de leur propre collectivité. Vous êtes « seul ensemble », avec cette particularité que votre vie personnelle s’entremêle et se nourrit de cet empirisme collectif. Est-ce si terrible à vivre ? Doit-on à tout prix en faire un élément de frayeur et de peur en l’avenir ? N’y-a-t-il pas finalement matière à penser, à agir, à méditer ?
J’ai vécu ce moment, ce changement radical de point de vue et de destin. Je l’ai vécu comme tout le monde, oserais-je dire. Au même moment. À ce mitan d’une année à l’autre, d’une vie à l’autre. Chacun l’a vécu différemment, je l’ai vécu pleinement et périlleusement.
Raphaël Imbert
Argument
Music Is My Hope est donc un combat d’espérance. Après Music Is My Home, il s’agit ici d’un témoignage intime tout autant qu’une invitation au partage.
Car c’est d’espoir dont il est question ici, entre actualité planétaire et vécu intime. À une époque où il semble manquer, l’espoir se dévoile partout, et se déniche ici entre un chant populaire provençal radicalement revisité par la voix de Manu Barthélémy et ma passion du saxophone free, et le prêche habité de Marion Rampal dans Show Boat to Delphi, ou encore dans l’introspection poétique d’Aurore Imbert sur Lady on Earth.
Music Is My Hope emmène à cet endroit où la musique est essentielle et brûlante, et réunit dans un même geste la protestation, la prière, l’activisme, l’amour, le sacré et le profane. La musique ravive les flammes de nos espérances amoureuses, politiques, universelles et intimes. Car elle peut, par sa force salvatrice, nous remettre en mouvement et nous rassembler.
Au-delà du blues des origines, j’invoque ici les appels du spiritual, les revendications de la soul et du protest song, les introspections du folk et des chants populaires qui font œuvre commune et collective. La musique retrouve sa source, elle réveille la fraternité, la contestation, l’affirmation, le désir et l’allégresse, avec le swing comme langage commun.
Autant de notions pour autant de voix qui dressent un paysage de ce qui nous relie. Car Music Is My Hope, idéalement construit avec les guitares de Pierre Durand et Thomas Weirich, les claviers de Pierre-François Blanchard, la batterie de Jean-Luc Di Fraya, est avant tout un album de voix.
Celles d’Aurore Imbert et Marion Rampal ; celle de Manu Barthélémy ; celle qui clôture le disque, révélation américaine du précédent album, le blues lumineux de Big Ron Hunter. Et celles des instrumentistes cités auparavant. Ils sont les voix familières de mon bonheur musical et fraternel, pétris d’un talent immense, d’une humanité chaleureuse et d’une amitié sans faille. Soyez tous remerciés pour votre créativité incroyable et votre présence bienveillante si nécessaire à un tel projet.
La musique est notre espoir, le chant de l’âme qui aime et qui s’affirme. Elle peut l’être, elle doit l’être, et Music Is My Hope le revendique.
Raphaël Imbert
Présence de Paul Robeson
Durant l’été 2016, j’ai répondu à l’invitation de Bernard Foccroulle pour une carte blanche au Festival d’Aix-en-Provence, et à Dominique Delorme et Richard Robert du festival Les Nuits de Fourvière, pour rendre hommage à Paul Robeson (1878-1976) à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition. L’opportunité m’était donnée de réunir l’orchestre qui fait l’objet du présent album, et de célébrer un grand homme dans le cadre d’un anniversaire passé un peu inaperçu. Paul Robeson est une haute figure de l’histoire moderne, un géant de notre culture contemporaine. Lors de la rédaction de mon livre Jazz supreme (Éditions de l’Éclat, 2014) sur le spirituel dans le jazz, j’avais constaté à quel point il avait valeur d’exemple pour de très nombreux musiciens, artistes, intellectuels, activistes afro-américains et progressistes.
Paul Robeson, l’artiste, l’acteur, l’athlète, le chanteur, le militant et l’activiste, représente (malgré les questions que soulèvent désormais son intransigeance vis-à-vis du régime soviétique. Au-delà de son communisme assumé, il n’aura jamais renié son admiration et sa fidélité à la révolution russe), l’archétype de l’artiste comme conscience, comme porteur de valeur et comme vecteur de conviction inaliénable. Ayant gravement payé son dogmatisme, persona non grata dans son propre pays et « blacklisté » durant tout le maccarthysme, mais aussi… star d’Hollywood et de Broadway, il n’aura pas failli, faisant preuve d’une exigence morale hors norme. Ses récitals, pourtant d’un format académique et classique, sont des chefs-d’œuvre d’universalisme ; les chants populaires en hébreu, en chinois, en russe et les negro-spirituals y côtoient les mélodies de Dvorak et les chorals de Bach.
Dans la lignée des Will Marion Cook, Harry Burleigh et Marian Anderson, la fierté de la culture afro-américaine est d’autant plus assumée par Paul Robeson qu’elle s’inscrit dans un classicisme qui met les traditions du monde entier sur un même piédestal au service de leur dimension la plus populaire, en y ajoutant une conscience politique inédite. Dans cet album qui est une méditation sur le destin et les convictions à l’épreuve de la musique, la présence de Paul Robeson, au destin si profond et tragique, est indispensable et évidente. Plusieurs titres de son répertoire y sont traités, comme le fameux chant antifasciste Peat Bog Soldiers, le negro-spiritual Didn’t My Lord Deliver Daniel et la superbe et sombre balade Blue Prelude (citons aussi dans les bonus du double vinyle et de la version numérique de l’album le traditionnel Shenandoah et le choral de Bach Christ Lag in Todesbanden). D’autres titres font référence à son action, comme Turn ! Turn ! Turn !, interprétation toute personnelle d’un passage de l’Ecclésiaste par un autre grand chanteur militant progressiste, Pete Seeger ; Vaqui lo Polit Mes de Mai, qui intègre la tradition occitane dans ce vaste paysage populaire mondial cher à Paul Robeson. Quant à ma composition Show Boat To Delphi (avec des paroles de Marion Rampal), elle fait explicitement référence à Show Boat, le film du réalisateur britannique James Whale qui a rendu célèbre Paul Robeson en 1936.
Raphaël Imbert
Les titres
Peat Bog Soldiers
(texte de Wolfgang Langhoff, musique de Rudi Goguel)
L’album s’ouvre donc sur la voix de Paul Robeson, récitant le monologue d’Othello (seul grand personnage « africain » du théâtre occidental classique) de Shakespeare, lors d’un récital triomphal au Carnegie Hall en 1958, qui marquait son retour sur les planches après dix ans d’exil forcé dans son propre pays à cause de son militantisme communiste. Dernier monologue d’Othello avant qu’il ne se donne la mort, ce texte donne à Robeson l’occasion de rappeler la dignité inaltérable de l’homme face à l’adversité et à la trahison. Il introduit une version remaniée de ce célèbre Die Moorsoldaten (Peat Bog Soldiers en anglais) qui fut composé par des prisonniers politiques du camp de concentration nazi de Börgermoor en 1933, au tout début de la prise du pouvoir par le parti national-socialiste en Allemagne. Le chant devient très rapidement un hymne antifasciste repris partout, traduit en plusieurs langues. Paul Robeson, dont la conscience politique s’était éveillée durant la guerre civile espagnole, prenant fait et cause pour les républicains, l’intégrera dans ses récitals. Ce chant puissant, qui démontre la force d’espérance dans les situations les plus terrifiantes, est interprété ici, en anglais et en allemand, par Aurore Imbert et Marion Rampal.
A Letter to the Muse
(texte d’Aurore Imbert, musique de Raphaël Imbert)
Une lettre à la Muse, en plein désarroi personnel, politique, moral, suite aux événements collectifs et intimes qui ont émaillés les années 2016 et 2017. L’inspiration est le sujet primordial de ces crises existentielles qui nous surprennent dans ces moments-là. Elle est le ciment de nos vies et de nos destinées. Qu’est ce qui nous inspire ? Qu’inspirons-nous ? Alors, avide d’inspiration, la Muse s’incarne enfin, une personne, une étoile, un souffle, telle que chantée par Aurore Imbert à la fin de cette mélodie aux accents latins et poétiques.
Blue Prelude
(texte de Gordon Jenkins, musique de Joe Bishop)
Cette mélodie chantée par Marion Rampal est un cri d’amour brisé, une plainte qui dit notre désœuvrement face à l’oubli. L’esseulement, marque profonde et intime du destin, est une étape acérée de notre vie, et c’est en l’absence d’espoir que celui-ci devient palpable et désirable. Composée en 1933 et popularisée par Nina Simone, cette mélodie sera l’une des rares chansons d’amour chantées par Paul Robeson. Son ambition politique et humaniste ne s’encombrait pas de bluettes ! Mais ce remarquable conteur d’histoires ne pouvait que s’accommoder de ce récit simple et touchant d’une solitude forcée. Pierre Durand et Thomas Weirich s’y livrent un duel guitaristique intense et fraternel.
Lady On Earth
(texte d’Aurore Imbert, musique de Stephan Caracci, Aurore Imbert, Gabriel Mimouni, Aurélien Naffrichoux et Simon Tailleu)
Composition issue du répertoire de Dawn, groupe pop d’Aurore Imbert, qui la réinterprète ici, Lady on Earth évoque la problématique d’être une femme sur cette terre, de tous temps, dans toutes les cultures. « Dans l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de système symétrique au patriarcat, c’est à dire une situation où la femme dominerait l’homme dans tous les domaines, politique, économique, domestique, religieux, culturel », expliquait l’anthropologue Françoise Héritier dans Le Monde de l’éducation en 2001. De cette hallucinante injustice doit naître une attention globale à réparer et à changer l’ordre des choses. Lady on Earth, le suggère poétiquement, au fil d’une observation d’où émerge l’espoir d’un monde qui évolue vers plus d’égalité, de justice et de sororité pour tous.
Didn’t My Lord Deliver Daniel
(morceau traditionnel, musique arrangée par Raphaël Imbert)
Ancien negro-spiritual anonyme très présent dans le répertoire de Paul Robeson, ce chant exhorte à la liberté de tous : « Mon Seigneur n’a-t-il pas délivré le prophète Daniel de l’antre du lion, Jonas du ventre de la baleine, les enfants hébreux de la fournaise… ? … And Why Not Every Man ? » Ici, nous plongeons dans le génie créatif du peuple afro-américain qui a inventé les bases de la musique moderne en créant une manière d’hurler à la face de l’esclavagiste, du négrier, du policier, du contremaître et du monde entier son plus ardant désir de liberté et d’humanité. Au-delà d’une foi religieuse évidente, c’est une foi en l’homme et en son progrès qui est également revendiquée dans ce chant intense. Aucune contradiction donc pour Paul Robeson, communiste convaincu, de chanter la musique sacrée de son peuple pour mieux défendre l’idéal de progrès, de liberté et d’émancipation de tous. Ici, soutenu par le piano solide et groove de Pierre-François Blanchard, c’est Marion Rampal qui emporte un chœur spontanément constitué des musiciens et des membres de toute l’équipe présente, des Studios Saint Germain à Jazz Village en passant par des amis de passage !
Turn ! Turn ! Turn !
(texte de l’Ecclésiaste adapté par Pete Seeger, musique de Pete Seeger)
C’est d’une autre conscience dont il est question ici. Un homme grand et rare, Pete Seeger, qui nous a quittés en 2014, à l’âge de 94 ans ! C’est donc un témoin privilégié de notre époque, ainsi qu’un activiste remarquable qui a composé ce Turn ! Turn ! Turn !, popularisé en 1965 par le groupe The Byrds. S’inspirant d’un passage célèbre de l’Ecclésiaste, Pete Seeger évoque l’idée qu’il faut un temps pour tout. Seul morceau instrumental de Music Is My Hope, j’avais envie ici d’une couleur très limpide, sereine, plus proche de mes expériences avec les musiciens classiques, qui rende justice à l’esprit invoqué par Pete Seeger dans ce chef-d’œuvre. Jouer Pete Seeger, c’est rendre hommage à ces ouvriers de la liberté qu’ont été Paul Robeson, Woody Guthrie, Leadbelly, Odetta, Harry Belafonte, remplis d’une spiritualité profonde et d’une foi inexorable en l’humanité. Pete Seeger est un artisan des droits civiques, un activiste antiraciste et un artiste dont l’influence a eu réellement un rôle sur le cours de l’Histoire – il a notamment redécouvert le spiritual We Shall Overcome pour le populariser auprès des manifestants des droits civiques. En 2009, il jouera pour l’investiture de Barack Obama. L’histoire retiendra qu’il disparaîtra avant de pouvoir connaître le funeste successeur de ce dernier… Gardons espoir, We Shall Overcome !
Vaqui Lo Polit Mes de Mai
(morceau traditionnel, texte adapté par Manu Barthélémy et musique arrangée par Raphaël Imbert)
En juin 2016, nous étions quelques musiciens à inaugurer la magnifique boulangerie de notre ami Manu Barthélemy à Forcalquier. Heureux hasard, Pierre Durand était là, arrivé depuis Paris, avec Simon Sieger et Thomas Weirich, ainsi que mon fils Timon à la batterie. En bref, quelques éléments majeurs du présent album ! Surprise, Manu Barthélémy, merveilleux boulanger et artiste pizzaïolo, mais aussi ancien du Cor de la Plana dirigé par le remarquable Manu Théron, vint chanter avec nous ce Vaqui Lo Polit Mes de Mai ! Un moment magique où poésie, chant populaire et improvisation se rejoignent, et tout ça entre le fourneau et les sacs de farine ! Pour nous tous, il était hors de question que Music Is My Hope se fasse sans Manu. Il nous rejoignit donc un an après aux Studios Saint Germain pour enregistrer ce chant si emblématique de la tradition provençale et occitane. Jusqu’au début du vingtième siècle, la coutume voulait que l’on plante un arbre sous la fenêtre de la femme qu’on aimait et avec qui on souhaitait se marier. L’histoire raconte ici que le jeune homme qui plante son arbre et chante à la fenêtre de sa mie part à Marseille pour son métier, trop longtemps visiblement… Quand il revient, elle est mariée à un autre, un bourgeois, et il ne lui reste que ses yeux pour pleurer. Vincent d’Indy, le célèbre compositeur d’origine ardéchoise, intitule ce chant Le retour au pays dans son recueil – opus 52 – de 1900 Chansons populaires du Vivarais. C’est de nostalgie et de dépit amoureux dont il est question ici. La musique populaire n’est pas ce que les gens écoutent le plus ou consomment le plus, c’est ce qui émane d’un peuple, c’est ce qui sonne comme l’âme de son identité. Et comme selon nous le free jazz est aussi la parole populaire de cette âme musicale, nous avons traité ce chant provençal comme un superbe prétexte à improvisations incandescentes, avec un Jean-Luc Di Fraya particulièrement inspiré.
Easter Queen
(texte d’Aurore Imbert, musique de Raphaël Imbert)
Cette « reine de Pâques » représente le renouveau intime, l’incroyable espoir d’une renaissance fragile mais évidente. Autour d’une note perpétuellement jouée (un do au piano électrique Wurlitzer), ce chant se déploie comme un printemps attendu, d’abord évanescent, ensuite pleinement présent, qu’Aurore Imbert chante avec passion. Valse pop et aérienne, Easter Queen célèbre l’amour dans son incarnation la plus palpable et rend hommage au règne de ma reine de Pâques.
Here’s a Song
(texte de Marion Rampal, musique de Raphaël Imbert)
C’est au fond d’un « drink house » et avec une fanfare bavaroise, drôle de rencontre, que nous avons rendez-vous. Une mélodie que j’avais composée il y a longtemps, et dont Marion Rampal s’est emparée pour créer cet hymne à la musique, au chant, au partage. Il n’est pas question ici de compétition, de virtuosité, d’exigence orchestrale. C’est l’énergie des « Old Timers », du « rag », des « juke joints » qui est invoquée, avec un sens de l’expérimentation qui est l’apanage des musiques populaires rurales et oubliées. Pierre-François Blanchard y fait œuvre d’aventure et de risque, prouvant que cette énergie est toujours créative.
The Circle Game
(texte et musique de Joni Mitchell)
Joni Mitchell écrit cette chanson en 1966 en réponse au Sugar Mountain de Neil Young qui parle du destin sans avenir d’un jeune Canadien de vingt-et-un ans qui habite justement cette Sugar Mountain. Elle juge cette évocation bien trop pessimiste et elle le dit lors d’un concert en 1970 : « … Et j’ai pensé, mon Dieu, si tout est fini à vingt-et-un ans, quel triste futur ! Donc j’ai écrit une chanson pour ce jeune homme, et pour moi-même, simplement pour me donner un peu d’espoir. Elle s’appelle The Circle Game. »
Un jour, j’étais en voiture avec mes enfants, écoutant pour la énième fois ce Circle Game. A force de l’écouter, mes enfants m’ont demandé ce que voulaient dire les paroles. Tentant de les traduire en direct, j’ai éclaté en sanglots ! C’était une révélation, la meilleure description poétique jamais faite de ce qu’était le destin d’un homme, ses contradictions, ses espoirs déçus et ses nouveaux espoirs qui ne manquent pas d’arriver. Le manège de la vie n’est pas un circuit fermé, il tourne sur lui-même sans redites, se nourrissant des échecs, des déceptions, des accidents et des aléas. Aurore Imbert chante avec Marion Rampal ces cycles sublimes, avec une longue coda tournoyante qui allégorise ce manège perpétuel, source de progrès ou d’enfermement selon les choix que l’on fait.
Show Boat to Delphi
(texte de Marion Rampal, musique de Raphaël Imbert)
D’un navire perdu, un jeune homme arrive à Delphes et, miracle, retrouve la pythie légendaire ! Loin des mystères d’Eleusis et des transes extatiques décrites dans les textes antiques, la pythie embrasse le temple comme une église baptiste. La révélation faite au jeune homme devient soudainement un flow puissant, un « shout » de prédicatrice possédée mais parfaitement consciente de son message. Le chemin est long vers l’accomplissement, il ne tient qu’à nos choix et à nos désirs, mais il est à portée de main et… de voix !
Marion Rampal incarne totalement cette transe révélatrice, avec des allures d’orchestre de gospel et de soul, de musique répétitive et de funk harmolodique. La coda en boucle des deux guitares de Pierre Durand et Thomas Weirich sonne alors comme le générique cinématographique de l’album, avant de repartir vers la Caroline du Nord de Big Ron Hunter.
Play your Cards Right
(texte et musique de Big Ron Hunter)
En guise d’adieu magnifique et de cerise sur le gâteau, nous retrouvons celui qui aura été pour beaucoup la révélation du précédent album Music is My Home : le guitariste et chanteur de Caroline du Nord Big Ron Hunter. Enregistré en duo juste avant un concert à Aix-en-Provence par Cyril Pèlegrin, ce petit bijou est l’une des très nombreuses compositions de cet auteur prolixe. « Tu as les cartes en main, à toi de les jouer correctement ! », nous dit-il. Comme à son habitude, Big Ron expose avec simplicité, spiritualité et humanité les règles d’une vie bien remplie. Prenons donc notre destin en main, la musique est notre espoir !
BONUS TRACKS
Shenandoah
(morceau traditionnel, musique arrangée par Raphaël Imbert)
Mélodie aux origines incertaines, Oh Shenandoah est pourtant une folksong particulièrement populaire aux USA, quasiment un hymne officieux de l’État de Virginie. Conte ancestral du voyage et de la rencontre des cultures amérindiennes et américaines, il évoque les grandes traversées transatlantiques comme celles des trappeurs et aventuriers à travers l’immense territoire continental. C’est aussi le chant des espoirs amoureux de ceux qui partent trop longtemps loin de chez eux. Présent dans de très nombreux recueils de chants de marins dès le début du dix-neuvième siècle – son origine afro-américaine ou afro-antillaise est également souvent évoquée –, il est chanté par les ouvriers et travailleurs noirs des villes portuaires de la côte, du Mississippi et du Missouri, et devient rapidement un classique de la musique folk et country.
C’est sans doute à cause de ces origines populaires diverses, et pour la beauté de sa mélodie, que Paul Robeson intégra ce chant dans ses concerts, et l’enregistra à de nombreuses reprises, tel un « popular anthem » universel. Traitée ici quasiment comme un choral de Bach, cette chanson démontre le génie musical d’un peuple et de ses communautés avides de poésie, de nostalgie et de récits épiques.
Christ lag In Todesbanden
(Johann Sebastian Bach, arranged by Raphaël Imbert)
La présence d’un choral de Bach dans ce projet pourrait paraître incongru. Mais outre que Bach me poursuit et me hante, il est notable de constater que ce choral issu d’une de ses premières cantates (BWV 4) était également chanté par Paul Robeson, notamment lors de son fameux concert au Carnegie Hall en 1958. Cantate de Pâques, dont le texte a été composé par Martin Luther lui-même, évaluant notre relation à la vie et à la mort à travers la Passion du Christ, ce choral est une véritable introspection collective, et sans aucun doute pour Paul Robeson une affirmation face à l’adversité. Pour lui, chanter du Bach n’est pas intégrer le « grand répertoire » au milieu des chants populaires et des negro-spirituals, mais démontrer l’universelle beauté du genre humain tel qu’il se manifeste dans la musique. Avec mon solo de clarinette basse enregistré en deux fois, j’ai voulu accentuer ici son caractère de « spiritual » primordial, pour redire la parenté évidente entre les œuvres du maître de Leipzig et la musique sacrée populaire du monde protestant et américain.
Raphaël Imbert
Remerciements
À une époque où il est de bon ton de prétendre tout faire soi-même, j’affirme ici qu’un album et un projet musical sont avant tout une affaire d’équipe.
C’est pourquoi je tiens à remercier avant tout les musiciens qui jouent avec moi. L’orchestre qui constitue cet album est issu de rencontres inédites, de longues amitiés, de passions communes. Pour la première fois, je collabore sur un de mes projets avec ma sœur Aurore Imbert, et c’est magnifiquement émouvant et inspirant. Depuis longtemps, je sais le talent original d’Aurore, et il se déploie ici avec intensité et évidence. Marion Rampal est une autre « sœur » en musique et sans aucun doute la musicienne avec qui je partage le plus d’affinités sur notre intérêt commun pour le dialogue pluridisciplinaire et les racines sudistes de notre musique. Elle est toujours là, et c’est chaque fois différent. C’est aussi elle qui m’a présenté le claviériste Pierre-François Blanchard qui donne toute l’ampleur harmonique et rythmique à cet album. D’une polyvalence unique, proche de la pensée de Pierre Barouh qu’il accompagna longtemps, curieux de tout, il est pour moi une révélation. Thomas Weirich est un véritable compagnon de route, un ami indéfectible, un pilier guitaristique doublé d’un amoureux de la nature, du patrimoine et des expérimentations sonores les plus aventureuses. Depuis plusieurs albums, il est présent quoiqu’il arrive, imposant son autorité naturelle sur toutes les musiques que l’on propose. Rencontré dans l’orchestre Attica Blues d’Archie Shepp, Pierre Durand partage avec moi une expérience de la Louisiane passionnée et intime. Poète unique de la guitare, pétri de blues et d’énergies brutes, il donne une dimension inspirante et lyrique à Music Is My Hope. Quant à Jean-Luc Di Fraya, il est mon ami et le musicien avec qui je travaille depuis le plus longtemps, depuis mes seize ans quand je l’avais rencontré dans une manifestation écologiste près d’Aix-en-Provence… Je connais peu de batteurs qui allient groove, swing et colorisation sonore avec autant de pertinence, et personne ne pouvait comprendre mieux que lui l’aspect personnel et intime de ce projet, si ce n’est peut-être Manu Barthélemy, mon ami boulanger, chanteur et poète, qui sait tout de moi et porte le chant populaire pour ce qu’il est : un lien immarcescible entre les générations et les communautés. Enfin, retrouver la jovialité et la voix chaleureuse de Big Ron Hunter est un plaisir immense et l’occasion de souvenirs avec lui, tous plus magnifiques les uns que les autres. Je remercie également Simon Sieger, qui a contribué grandement à l’élaboration de ce projet, et que j’espère retrouver rapidement pour d’autres aventures !
Rien de tout cela ne serait possible sans Olivier Corchia, l’administrateur de notre Compagnie Nine Spirit, sise à Marseille. Son professionnalisme complet, son calme olympien, son regard critique ainsi que son amitié indéfectible rendent nos rêves et nos envies réalisables, ce qui est précieux au plus haut point !
Avec Pascal Bussy, nous nous sommes battus à tous les niveaux pour que cet album voie le jour. Je crois que tout musicien rêve d’avoir comme ami et comme producteur cet homme cultivé, précis et spirituel. Je remercie également toute l’équipe de Jazz Village / Harmonia Mundi / Pias avec qui nous avons élaboré toutes les étapes de ce projet, Stéphanie Laurans, Frédérique Domingues. Mon éditrice Petra Gehrmann et Adrien Deniel et toute l’équipe de Métisse Music, autant de partenaires indispensables dans cette démarche, que je remercie du fond du cœur pour leurs conseils et leur fidélité. Simon Veyssière, par son humour et son acuité, est l’attaché de presse idéal pour un tel projet, en plus d’un compagnon de route des plus agréables.
Alban Moraud, qui a enregistré ce disque, est bien plus qu’un ingénieur du son. C’est un véritable musicien et merveilleux directeur artistique qui sait mettre en valeur mes idées et nos talents. Je ne crois jamais être mon meilleur juge, et je fais entièrement confiance à son écoute et sa concentration, plus que je ne fais confiance à la mienne. De plus, je défends quiconque de trouver un directeur artistique aussi drôle !
La présence chaleureuse de Fatou Sow durant l’enregistrement a été déterminante à sa bonne réalisation. Son catering est le meilleur qui soit, et on sait que cela a son importance en de telles circonstances !
Un grand merci à toute l’équipe des Studios Saint Germain et à Raphaël Hamburger pour leur accueil et leur efficacité. C’est un lieu mythique et habité, et nous sommes heureux de le voir ainsi vivre et renaître.
Jean-Hervé Michel et Nueva Onda m’accompagnent depuis Music Is My Home, représentant notre musique auprès des festivals et salles de concerts d’une manière éminemment efficace. Partir sur les routes sous leurs auspices est un plaisir renouvelé, et je ne peux que me réjouir de profiter de leur expertise et de leur amitié.
Je préfère toujours expérimenter un projet sur scène avant de l’enregistrer. C’est pourquoi je tiens à remercier Dominique Delorme et Richard Robert des Nuits de Fourvière, ainsi que Bernard Foccroulle du festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence. Ils nous ont invité en 2016 pour rendre hommage à Paul Robeson pour les quarante ans de sa disparition. Outre le fait qu’ils ont été les seuls à penser à le faire, ils nous ont permis ainsi de jouer devant un public nombreux, afin de constater l’impact que pouvait avoir un tel répertoire. Je les remercie d’autant plus qu’ils sont des compagnons de longue date de la Compagnie Nine Spirit et de mes projets, et je mesure la chance d’avoir ces deux structures prestigieuses comme partenaires réguliers.
Je remercie le directeur du conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en- Provence Jean-Philippe Dambreville de nous avoir permis d’enregistrer le duo avec Big Ron Hunter juste avant un concert dans son magnifique auditorium. Mon ami Cyril Pèlegrin a capturé avec brio et complicité ce moment impromptu qui figure à la fin du disque, qu’il en soit mille fois remercié !
J’ai la joie d’être accompagné par une maison prestigieuse, Henri Selmer Paris. J’ai changé sans hésiter mes instruments (saxophones, clarinette basse) pour leurs nouveaux modèles, notamment la gamme SeleS, pour la polyvalence et l’extrême beauté qu’ils représentent. Je m’estime chanceux d’avoir à disposition de tels instruments et je remercie chaleureusement Florent Milhaud et Stéphane Gentil pour leur écoute et leur amitié.
Enfin, j’ai une pensée émue pour mes trois enfants Timon, Garance et Malo, pour mon père Nicolas, son épouse Bénédicte, mes sœurs Aurore et Églantine, mon frère Thibaud et ma famille. Leur amour, même parfois trop géographiquement éloigné, est un mouvement perpétuel de chaleur filiale et fraternelle, et ils ont été un soutien indispensable dans ce moment de quête existentielle parfois mouvementée.
Et je ne peux que remercier Annabelle, reine de Pâques et Muse plus qu’épistolaire !
Raphaël Imbert
Rappel
Music Is My Home – Prologue
Vinyle 25 cm 33 tours Jazz Village JV33570085
Music Is My Home – Act 1
CD digibook Jazz Village JV570090
Music Is My Home – Act 2
Introduction
Vous rappelez-vous la dernière fois que votre vie a changé ? Que vous avez eu l’impression de passer un cap ? Que le destin, aidé par l’Histoire, l’actualité ou de simples circonstances, vous semblait tout à coup palpable, comme une entité attendue désormais à portée de main et de rêve ? Vous rappelez-vous ces rêves qui se nourrissaient malgré tout d’angoisses et d’espoirs déçus, de cauchemars larvés autant que d’utopies plus ou moins assumées ?
Alors, vous vous rappelez ce long automne qui n’avait plus de fin. Vous vous rappelez ces années qui commençaient couleur de sang et n’en finissaient plus de chercher à s’achever dans d’autres teintes. Vous vous dites que, oui, ces années auront été notre fardeau, mais aussi notre entrée dans un autre siècle. Et vous vous dites que c’est bien, qu’il faut faire avec, et si possible mieux. Vous aimez le penser et vous en satisfaire, mais vous savez que vous ne dormirez plus, que vos larmes ne sécheront pas, et que vous n’êtes pas seul dans ce tourment. Nos nerfs avaient été mis à rude épreuve, c’est un fait. Vous n’êtes pas seul à avoir vécu ce moment, ce long moment comme un passage obligé, un sombre rituel contraint par les affaires intérieures et extérieures, un des ces rares instants prolongés qui rendent l’existence douloureuse mais intense. Vous n’êtes pas seul, c’est bien. Mais déjà, une solitude étrange s’est emparée de vous. Pas (que) celle du dépit amoureux, de l’abandon des êtres chers, du deuil simple et nécessaire. C’est une solitude naissant justement de la multitude des êtres qui partagent votre sentiment, et ne peuvent pourtant ni l’échanger ni l’oublier. Vous êtes seul avec les autres, avec chacun, avec tous, dans une immense théorie de solitaires conscients de leur propre collectivité. Vous êtes « seul ensemble », avec cette particularité que votre vie personnelle s’entremêle et se nourrit de cet empirisme collectif. Est-ce si terrible à vivre ? Doit-on à tout prix en faire un élément de frayeur et de peur en l’avenir ? N’y-a-t-il pas finalement matière à penser, à agir, à méditer ?
J’ai vécu ce moment, ce changement radical de point de vue et de destin. Je l’ai vécu comme tout le monde, oserais-je dire. Au même moment. À ce mitan d’une année à l’autre, d’une vie à l’autre. Chacun l’a vécu différemment, je l’ai vécu pleinement et périlleusement.
Raphaël Imbert
Argument
Music Is My Hope est donc un combat d’espérance. Après Music Is My Home, il s’agit ici d’un témoignage intime tout autant qu’une invitation au partage.
Car c’est d’espoir dont il est question ici, entre actualité planétaire et vécu intime. À une époque où il semble manquer, l’espoir se dévoile partout, et se déniche ici entre un chant populaire provençal radicalement revisité par la voix de Manu Barthélémy et ma passion du saxophone free, et le prêche habité de Marion Rampal dans Show Boat to Delphi, ou encore dans l’introspection poétique d’Aurore Imbert sur Lady on Earth.
Music Is My Hope emmène à cet endroit où la musique est essentielle et brûlante, et réunit dans un même geste la protestation, la prière, l’activisme, l’amour, le sacré et le profane. La musique ravive les flammes de nos espérances amoureuses, politiques, universelles et intimes. Car elle peut, par sa force salvatrice, nous remettre en mouvement et nous rassembler.
Au-delà du blues des origines, j’invoque ici les appels du spiritual, les revendications de la soul et du protest song, les introspections du folk et des chants populaires qui font œuvre commune et collective. La musique retrouve sa source, elle réveille la fraternité, la contestation, l’affirmation, le désir et l’allégresse, avec le swing comme langage commun.
Autant de notions pour autant de voix qui dressent un paysage de ce qui nous relie. Car Music Is My Hope, idéalement construit avec les guitares de Pierre Durand et Thomas Weirich, les claviers de Pierre-François Blanchard, la batterie de Jean-Luc Di Fraya, est avant tout un album de voix.
Celles d’Aurore Imbert et Marion Rampal ; celle de Manu Barthélémy ; celle qui clôture le disque, révélation américaine du précédent album, le blues lumineux de Big Ron Hunter. Et celles des instrumentistes cités auparavant. Ils sont les voix familières de mon bonheur musical et fraternel, pétris d’un talent immense, d’une humanité chaleureuse et d’une amitié sans faille. Soyez tous remerciés pour votre créativité incroyable et votre présence bienveillante si nécessaire à un tel projet.
La musique est notre espoir, le chant de l’âme qui aime et qui s’affirme. Elle peut l’être, elle doit l’être, et Music Is My Hope le revendique.
Raphaël Imbert
Présence de Paul Robeson
Durant l’été 2016, j’ai répondu à l’invitation de Bernard Foccroulle pour une carte blanche au Festival d’Aix-en-Provence, et à Dominique Delorme et Richard Robert du festival Les Nuits de Fourvière, pour rendre hommage à Paul Robeson (1878-1976) à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition. L’opportunité m’était donnée de réunir l’orchestre qui fait l’objet du présent album, et de célébrer un grand homme dans le cadre d’un anniversaire passé un peu inaperçu. Paul Robeson est une haute figure de l’histoire moderne, un géant de notre culture contemporaine. Lors de la rédaction de mon livre Jazz supreme (Éditions de l’Éclat, 2014) sur le spirituel dans le jazz, j’avais constaté à quel point il avait valeur d’exemple pour de très nombreux musiciens, artistes, intellectuels, activistes afro-américains et progressistes.
Paul Robeson, l’artiste, l’acteur, l’athlète, le chanteur, le militant et l’activiste, représente (malgré les questions que soulèvent désormais son intransigeance vis-à-vis du régime soviétique. Au-delà de son communisme assumé, il n’aura jamais renié son admiration et sa fidélité à la révolution russe), l’archétype de l’artiste comme conscience, comme porteur de valeur et comme vecteur de conviction inaliénable. Ayant gravement payé son dogmatisme, persona non grata dans son propre pays et « blacklisté » durant tout le maccarthysme, mais aussi… star d’Hollywood et de Broadway, il n’aura pas failli, faisant preuve d’une exigence morale hors norme. Ses récitals, pourtant d’un format académique et classique, sont des chefs-d’œuvre d’universalisme ; les chants populaires en hébreu, en chinois, en russe et les negro-spirituals y côtoient les mélodies de Dvorak et les chorals de Bach.
Dans la lignée des Will Marion Cook, Harry Burleigh et Marian Anderson, la fierté de la culture afro-américaine est d’autant plus assumée par Paul Robeson qu’elle s’inscrit dans un classicisme qui met les traditions du monde entier sur un même piédestal au service de leur dimension la plus populaire, en y ajoutant une conscience politique inédite. Dans cet album qui est une méditation sur le destin et les convictions à l’épreuve de la musique, la présence de Paul Robeson, au destin si profond et tragique, est indispensable et évidente. Plusieurs titres de son répertoire y sont traités, comme le fameux chant antifasciste Peat Bog Soldiers, le negro-spiritual Didn’t My Lord Deliver Daniel et la superbe et sombre balade Blue Prelude (citons aussi dans les bonus du double vinyle et de la version numérique de l’album le traditionnel Shenandoah et le choral de Bach Christ Lag in Todesbanden). D’autres titres font référence à son action, comme Turn ! Turn ! Turn !, interprétation toute personnelle d’un passage de l’Ecclésiaste par un autre grand chanteur militant progressiste, Pete Seeger ; Vaqui lo Polit Mes de Mai, qui intègre la tradition occitane dans ce vaste paysage populaire mondial cher à Paul Robeson. Quant à ma composition Show Boat To Delphi (avec des paroles de Marion Rampal), elle fait explicitement référence à Show Boat, le film du réalisateur britannique James Whale qui a rendu célèbre Paul Robeson en 1936.
Raphaël Imbert
Les titres
Peat Bog Soldiers
(texte de Wolfgang Langhoff, musique de Rudi Goguel)
L’album s’ouvre donc sur la voix de Paul Robeson, récitant le monologue d’Othello (seul grand personnage « africain » du théâtre occidental classique) de Shakespeare, lors d’un récital triomphal au Carnegie Hall en 1958, qui marquait son retour sur les planches après dix ans d’exil forcé dans son propre pays à cause de son militantisme communiste. Dernier monologue d’Othello avant qu’il ne se donne la mort, ce texte donne à Robeson l’occasion de rappeler la dignité inaltérable de l’homme face à l’adversité et à la trahison. Il introduit une version remaniée de ce célèbre Die Moorsoldaten (Peat Bog Soldiers en anglais) qui fut composé par des prisonniers politiques du camp de concentration nazi de Börgermoor en 1933, au tout début de la prise du pouvoir par le parti national-socialiste en Allemagne. Le chant devient très rapidement un hymne antifasciste repris partout, traduit en plusieurs langues. Paul Robeson, dont la conscience politique s’était éveillée durant la guerre civile espagnole, prenant fait et cause pour les républicains, l’intégrera dans ses récitals. Ce chant puissant, qui démontre la force d’espérance dans les situations les plus terrifiantes, est interprété ici, en anglais et en allemand, par Aurore Imbert et Marion Rampal.
A Letter to the Muse
(texte d’Aurore Imbert, musique de Raphaël Imbert)
Une lettre à la Muse, en plein désarroi personnel, politique, moral, suite aux événements collectifs et intimes qui ont émaillés les années 2016 et 2017. L’inspiration est le sujet primordial de ces crises existentielles qui nous surprennent dans ces moments-là. Elle est le ciment de nos vies et de nos destinées. Qu’est ce qui nous inspire ? Qu’inspirons-nous ? Alors, avide d’inspiration, la Muse s’incarne enfin, une personne, une étoile, un souffle, telle que chantée par Aurore Imbert à la fin de cette mélodie aux accents latins et poétiques.
Blue Prelude
(texte de Gordon Jenkins, musique de Joe Bishop)
Cette mélodie chantée par Marion Rampal est un cri d’amour brisé, une plainte qui dit notre désœuvrement face à l’oubli. L’esseulement, marque profonde et intime du destin, est une étape acérée de notre vie, et c’est en l’absence d’espoir que celui-ci devient palpable et désirable. Composée en 1933 et popularisée par Nina Simone, cette mélodie sera l’une des rares chansons d’amour chantées par Paul Robeson. Son ambition politique et humaniste ne s’encombrait pas de bluettes ! Mais ce remarquable conteur d’histoires ne pouvait que s’accommoder de ce récit simple et touchant d’une solitude forcée. Pierre Durand et Thomas Weirich s’y livrent un duel guitaristique intense et fraternel.
Lady On Earth
(texte d’Aurore Imbert, musique de Stephan Caracci, Aurore Imbert, Gabriel Mimouni, Aurélien Naffrichoux et Simon Tailleu)
Composition issue du répertoire de Dawn, groupe pop d’Aurore Imbert, qui la réinterprète ici, Lady on Earth évoque la problématique d’être une femme sur cette terre, de tous temps, dans toutes les cultures. « Dans l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de système symétrique au patriarcat, c’est à dire une situation où la femme dominerait l’homme dans tous les domaines, politique, économique, domestique, religieux, culturel », expliquait l’anthropologue Françoise Héritier dans Le Monde de l’éducation en 2001. De cette hallucinante injustice doit naître une attention globale à réparer et à changer l’ordre des choses. Lady on Earth, le suggère poétiquement, au fil d’une observation d’où émerge l’espoir d’un monde qui évolue vers plus d’égalité, de justice et de sororité pour tous.
Didn’t My Lord Deliver Daniel
(morceau traditionnel, musique arrangée par Raphaël Imbert)
Ancien negro-spiritual anonyme très présent dans le répertoire de Paul Robeson, ce chant exhorte à la liberté de tous : « Mon Seigneur n’a-t-il pas délivré le prophète Daniel de l’antre du lion, Jonas du ventre de la baleine, les enfants hébreux de la fournaise… ? … And Why Not Every Man ? » Ici, nous plongeons dans le génie créatif du peuple afro-américain qui a inventé les bases de la musique moderne en créant une manière d’hurler à la face de l’esclavagiste, du négrier, du policier, du contremaître et du monde entier son plus ardant désir de liberté et d’humanité. Au-delà d’une foi religieuse évidente, c’est une foi en l’homme et en son progrès qui est également revendiquée dans ce chant intense. Aucune contradiction donc pour Paul Robeson, communiste convaincu, de chanter la musique sacrée de son peuple pour mieux défendre l’idéal de progrès, de liberté et d’émancipation de tous. Ici, soutenu par le piano solide et groove de Pierre-François Blanchard, c’est Marion Rampal qui emporte un chœur spontanément constitué des musiciens et des membres de toute l’équipe présente, des Studios Saint Germain à Jazz Village en passant par des amis de passage !
Turn ! Turn ! Turn !
(texte de l’Ecclésiaste adapté par Pete Seeger, musique de Pete Seeger)
C’est d’une autre conscience dont il est question ici. Un homme grand et rare, Pete Seeger, qui nous a quittés en 2014, à l’âge de 94 ans ! C’est donc un témoin privilégié de notre époque, ainsi qu’un activiste remarquable qui a composé ce Turn ! Turn ! Turn !, popularisé en 1965 par le groupe The Byrds. S’inspirant d’un passage célèbre de l’Ecclésiaste, Pete Seeger évoque l’idée qu’il faut un temps pour tout. Seul morceau instrumental de Music Is My Hope, j’avais envie ici d’une couleur très limpide, sereine, plus proche de mes expériences avec les musiciens classiques, qui rende justice à l’esprit invoqué par Pete Seeger dans ce chef-d’œuvre. Jouer Pete Seeger, c’est rendre hommage à ces ouvriers de la liberté qu’ont été Paul Robeson, Woody Guthrie, Leadbelly, Odetta, Harry Belafonte, remplis d’une spiritualité profonde et d’une foi inexorable en l’humanité. Pete Seeger est un artisan des droits civiques, un activiste antiraciste et un artiste dont l’influence a eu réellement un rôle sur le cours de l’Histoire – il a notamment redécouvert le spiritual We Shall Overcome pour le populariser auprès des manifestants des droits civiques. En 2009, il jouera pour l’investiture de Barack Obama. L’histoire retiendra qu’il disparaîtra avant de pouvoir connaître le funeste successeur de ce dernier… Gardons espoir, We Shall Overcome !
Vaqui Lo Polit Mes de Mai
(morceau traditionnel, texte adapté par Manu Barthélémy et musique arrangée par Raphaël Imbert)
En juin 2016, nous étions quelques musiciens à inaugurer la magnifique boulangerie de notre ami Manu Barthélemy à Forcalquier. Heureux hasard, Pierre Durand était là, arrivé depuis Paris, avec Simon Sieger et Thomas Weirich, ainsi que mon fils Timon à la batterie. En bref, quelques éléments majeurs du présent album ! Surprise, Manu Barthélémy, merveilleux boulanger et artiste pizzaïolo, mais aussi ancien du Cor de la Plana dirigé par le remarquable Manu Théron, vint chanter avec nous ce Vaqui Lo Polit Mes de Mai ! Un moment magique où poésie, chant populaire et improvisation se rejoignent, et tout ça entre le fourneau et les sacs de farine ! Pour nous tous, il était hors de question que Music Is My Hope se fasse sans Manu. Il nous rejoignit donc un an après aux Studios Saint Germain pour enregistrer ce chant si emblématique de la tradition provençale et occitane. Jusqu’au début du vingtième siècle, la coutume voulait que l’on plante un arbre sous la fenêtre de la femme qu’on aimait et avec qui on souhaitait se marier. L’histoire raconte ici que le jeune homme qui plante son arbre et chante à la fenêtre de sa mie part à Marseille pour son métier, trop longtemps visiblement… Quand il revient, elle est mariée à un autre, un bourgeois, et il ne lui reste que ses yeux pour pleurer. Vincent d’Indy, le célèbre compositeur d’origine ardéchoise, intitule ce chant Le retour au pays dans son recueil – opus 52 – de 1900 Chansons populaires du Vivarais. C’est de nostalgie et de dépit amoureux dont il est question ici. La musique populaire n’est pas ce que les gens écoutent le plus ou consomment le plus, c’est ce qui émane d’un peuple, c’est ce qui sonne comme l’âme de son identité. Et comme selon nous le free jazz est aussi la parole populaire de cette âme musicale, nous avons traité ce chant provençal comme un superbe prétexte à improvisations incandescentes, avec un Jean-Luc Di Fraya particulièrement inspiré.
Easter Queen
(texte d’Aurore Imbert, musique de Raphaël Imbert)
Cette « reine de Pâques » représente le renouveau intime, l’incroyable espoir d’une renaissance fragile mais évidente. Autour d’une note perpétuellement jouée (un do au piano électrique Wurlitzer), ce chant se déploie comme un printemps attendu, d’abord évanescent, ensuite pleinement présent, qu’Aurore Imbert chante avec passion. Valse pop et aérienne, Easter Queen célèbre l’amour dans son incarnation la plus palpable et rend hommage au règne de ma reine de Pâques.
Here’s a Song
(texte de Marion Rampal, musique de Raphaël Imbert)
C’est au fond d’un « drink house » et avec une fanfare bavaroise, drôle de rencontre, que nous avons rendez-vous. Une mélodie que j’avais composée il y a longtemps, et dont Marion Rampal s’est emparée pour créer cet hymne à la musique, au chant, au partage. Il n’est pas question ici de compétition, de virtuosité, d’exigence orchestrale. C’est l’énergie des « Old Timers », du « rag », des « juke joints » qui est invoquée, avec un sens de l’expérimentation qui est l’apanage des musiques populaires rurales et oubliées. Pierre-François Blanchard y fait œuvre d’aventure et de risque, prouvant que cette énergie est toujours créative.
The Circle Game
(texte et musique de Joni Mitchell)
Joni Mitchell écrit cette chanson en 1966 en réponse au Sugar Mountain de Neil Young qui parle du destin sans avenir d’un jeune Canadien de vingt-et-un ans qui habite justement cette Sugar Mountain. Elle juge cette évocation bien trop pessimiste et elle le dit lors d’un concert en 1970 : « … Et j’ai pensé, mon Dieu, si tout est fini à vingt-et-un ans, quel triste futur ! Donc j’ai écrit une chanson pour ce jeune homme, et pour moi-même, simplement pour me donner un peu d’espoir. Elle s’appelle The Circle Game. »
Un jour, j’étais en voiture avec mes enfants, écoutant pour la énième fois ce Circle Game. A force de l’écouter, mes enfants m’ont demandé ce que voulaient dire les paroles. Tentant de les traduire en direct, j’ai éclaté en sanglots ! C’était une révélation, la meilleure description poétique jamais faite de ce qu’était le destin d’un homme, ses contradictions, ses espoirs déçus et ses nouveaux espoirs qui ne manquent pas d’arriver. Le manège de la vie n’est pas un circuit fermé, il tourne sur lui-même sans redites, se nourrissant des échecs, des déceptions, des accidents et des aléas. Aurore Imbert chante avec Marion Rampal ces cycles sublimes, avec une longue coda tournoyante qui allégorise ce manège perpétuel, source de progrès ou d’enfermement selon les choix que l’on fait.
Show Boat to Delphi
(texte de Marion Rampal, musique de Raphaël Imbert)
D’un navire perdu, un jeune homme arrive à Delphes et, miracle, retrouve la pythie légendaire ! Loin des mystères d’Eleusis et des transes extatiques décrites dans les textes antiques, la pythie embrasse le temple comme une église baptiste. La révélation faite au jeune homme devient soudainement un flow puissant, un « shout » de prédicatrice possédée mais parfaitement consciente de son message. Le chemin est long vers l’accomplissement, il ne tient qu’à nos choix et à nos désirs, mais il est à portée de main et… de voix !
Marion Rampal incarne totalement cette transe révélatrice, avec des allures d’orchestre de gospel et de soul, de musique répétitive et de funk harmolodique. La coda en boucle des deux guitares de Pierre Durand et Thomas Weirich sonne alors comme le générique cinématographique de l’album, avant de repartir vers la Caroline du Nord de Big Ron Hunter.
Play your Cards Right
(texte et musique de Big Ron Hunter)
En guise d’adieu magnifique et de cerise sur le gâteau, nous retrouvons celui qui aura été pour beaucoup la révélation du précédent album Music is My Home : le guitariste et chanteur de Caroline du Nord Big Ron Hunter. Enregistré en duo juste avant un concert à Aix-en-Provence par Cyril Pèlegrin, ce petit bijou est l’une des très nombreuses compositions de cet auteur prolixe. « Tu as les cartes en main, à toi de les jouer correctement ! », nous dit-il. Comme à son habitude, Big Ron expose avec simplicité, spiritualité et humanité les règles d’une vie bien remplie. Prenons donc notre destin en main, la musique est notre espoir !
BONUS TRACKS
Shenandoah
(morceau traditionnel, musique arrangée par Raphaël Imbert)
Mélodie aux origines incertaines, Oh Shenandoah est pourtant une folksong particulièrement populaire aux USA, quasiment un hymne officieux de l’État de Virginie. Conte ancestral du voyage et de la rencontre des cultures amérindiennes et américaines, il évoque les grandes traversées transatlantiques comme celles des trappeurs et aventuriers à travers l’immense territoire continental. C’est aussi le chant des espoirs amoureux de ceux qui partent trop longtemps loin de chez eux. Présent dans de très nombreux recueils de chants de marins dès le début du dix-neuvième siècle – son origine afro-américaine ou afro-antillaise est également souvent évoquée –, il est chanté par les ouvriers et travailleurs noirs des villes portuaires de la côte, du Mississippi et du Missouri, et devient rapidement un classique de la musique folk et country.
C’est sans doute à cause de ces origines populaires diverses, et pour la beauté de sa mélodie, que Paul Robeson intégra ce chant dans ses concerts, et l’enregistra à de nombreuses reprises, tel un « popular anthem » universel. Traitée ici quasiment comme un choral de Bach, cette chanson démontre le génie musical d’un peuple et de ses communautés avides de poésie, de nostalgie et de récits épiques.
Christ lag In Todesbanden
(Johann Sebastian Bach, arranged by Raphaël Imbert)
La présence d’un choral de Bach dans ce projet pourrait paraître incongru. Mais outre que Bach me poursuit et me hante, il est notable de constater que ce choral issu d’une de ses premières cantates (BWV 4) était également chanté par Paul Robeson, notamment lors de son fameux concert au Carnegie Hall en 1958. Cantate de Pâques, dont le texte a été composé par Martin Luther lui-même, évaluant notre relation à la vie et à la mort à travers la Passion du Christ, ce choral est une véritable introspection collective, et sans aucun doute pour Paul Robeson une affirmation face à l’adversité. Pour lui, chanter du Bach n’est pas intégrer le « grand répertoire » au milieu des chants populaires et des negro-spirituals, mais démontrer l’universelle beauté du genre humain tel qu’il se manifeste dans la musique. Avec mon solo de clarinette basse enregistré en deux fois, j’ai voulu accentuer ici son caractère de « spiritual » primordial, pour redire la parenté évidente entre les œuvres du maître de Leipzig et la musique sacrée populaire du monde protestant et américain.
Raphaël Imbert
Remerciements
À une époque où il est de bon ton de prétendre tout faire soi-même, j’affirme ici qu’un album et un projet musical sont avant tout une affaire d’équipe.
C’est pourquoi je tiens à remercier avant tout les musiciens qui jouent avec moi. L’orchestre qui constitue cet album est issu de rencontres inédites, de longues amitiés, de passions communes. Pour la première fois, je collabore sur un de mes projets avec ma sœur Aurore Imbert, et c’est magnifiquement émouvant et inspirant. Depuis longtemps, je sais le talent original d’Aurore, et il se déploie ici avec intensité et évidence. Marion Rampal est une autre « sœur » en musique et sans aucun doute la musicienne avec qui je partage le plus d’affinités sur notre intérêt commun pour le dialogue pluridisciplinaire et les racines sudistes de notre musique. Elle est toujours là, et c’est chaque fois différent. C’est aussi elle qui m’a présenté le claviériste Pierre-François Blanchard qui donne toute l’ampleur harmonique et rythmique à cet album. D’une polyvalence unique, proche de la pensée de Pierre Barouh qu’il accompagna longtemps, curieux de tout, il est pour moi une révélation. Thomas Weirich est un véritable compagnon de route, un ami indéfectible, un pilier guitaristique doublé d’un amoureux de la nature, du patrimoine et des expérimentations sonores les plus aventureuses. Depuis plusieurs albums, il est présent quoiqu’il arrive, imposant son autorité naturelle sur toutes les musiques que l’on propose. Rencontré dans l’orchestre Attica Blues d’Archie Shepp, Pierre Durand partage avec moi une expérience de la Louisiane passionnée et intime. Poète unique de la guitare, pétri de blues et d’énergies brutes, il donne une dimension inspirante et lyrique à Music Is My Hope. Quant à Jean-Luc Di Fraya, il est mon ami et le musicien avec qui je travaille depuis le plus longtemps, depuis mes seize ans quand je l’avais rencontré dans une manifestation écologiste près d’Aix-en-Provence… Je connais peu de batteurs qui allient groove, swing et colorisation sonore avec autant de pertinence, et personne ne pouvait comprendre mieux que lui l’aspect personnel et intime de ce projet, si ce n’est peut-être Manu Barthélemy, mon ami boulanger, chanteur et poète, qui sait tout de moi et porte le chant populaire pour ce qu’il est : un lien immarcescible entre les générations et les communautés. Enfin, retrouver la jovialité et la voix chaleureuse de Big Ron Hunter est un plaisir immense et l’occasion de souvenirs avec lui, tous plus magnifiques les uns que les autres. Je remercie également Simon Sieger, qui a contribué grandement à l’élaboration de ce projet, et que j’espère retrouver rapidement pour d’autres aventures !
Rien de tout cela ne serait possible sans Olivier Corchia, l’administrateur de notre Compagnie Nine Spirit, sise à Marseille. Son professionnalisme complet, son calme olympien, son regard critique ainsi que son amitié indéfectible rendent nos rêves et nos envies réalisables, ce qui est précieux au plus haut point !
Avec Pascal Bussy, nous nous sommes battus à tous les niveaux pour que cet album voie le jour. Je crois que tout musicien rêve d’avoir comme ami et comme producteur cet homme cultivé, précis et spirituel. Je remercie également toute l’équipe de Jazz Village / Harmonia Mundi / Pias avec qui nous avons élaboré toutes les étapes de ce projet, Stéphanie Laurans, Frédérique Domingues. Mon éditrice Petra Gehrmann et Adrien Deniel et toute l’équipe de Métisse Music, autant de partenaires indispensables dans cette démarche, que je remercie du fond du cœur pour leurs conseils et leur fidélité. Simon Veyssière, par son humour et son acuité, est l’attaché de presse idéal pour un tel projet, en plus d’un compagnon de route des plus agréables.
Alban Moraud, qui a enregistré ce disque, est bien plus qu’un ingénieur du son. C’est un véritable musicien et merveilleux directeur artistique qui sait mettre en valeur mes idées et nos talents. Je ne crois jamais être mon meilleur juge, et je fais entièrement confiance à son écoute et sa concentration, plus que je ne fais confiance à la mienne. De plus, je défends quiconque de trouver un directeur artistique aussi drôle !
La présence chaleureuse de Fatou Sow durant l’enregistrement a été déterminante à sa bonne réalisation. Son catering est le meilleur qui soit, et on sait que cela a son importance en de telles circonstances !
Un grand merci à toute l’équipe des Studios Saint Germain et à Raphaël Hamburger pour leur accueil et leur efficacité. C’est un lieu mythique et habité, et nous sommes heureux de le voir ainsi vivre et renaître.
Jean-Hervé Michel et Nueva Onda m’accompagnent depuis Music Is My Home, représentant notre musique auprès des festivals et salles de concerts d’une manière éminemment efficace. Partir sur les routes sous leurs auspices est un plaisir renouvelé, et je ne peux que me réjouir de profiter de leur expertise et de leur amitié.
Je préfère toujours expérimenter un projet sur scène avant de l’enregistrer. C’est pourquoi je tiens à remercier Dominique Delorme et Richard Robert des Nuits de Fourvière, ainsi que Bernard Foccroulle du festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence. Ils nous ont invité en 2016 pour rendre hommage à Paul Robeson pour les quarante ans de sa disparition. Outre le fait qu’ils ont été les seuls à penser à le faire, ils nous ont permis ainsi de jouer devant un public nombreux, afin de constater l’impact que pouvait avoir un tel répertoire. Je les remercie d’autant plus qu’ils sont des compagnons de longue date de la Compagnie Nine Spirit et de mes projets, et je mesure la chance d’avoir ces deux structures prestigieuses comme partenaires réguliers.
Je remercie le directeur du conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en- Provence Jean-Philippe Dambreville de nous avoir permis d’enregistrer le duo avec Big Ron Hunter juste avant un concert dans son magnifique auditorium. Mon ami Cyril Pèlegrin a capturé avec brio et complicité ce moment impromptu qui figure à la fin du disque, qu’il en soit mille fois remercié !
J’ai la joie d’être accompagné par une maison prestigieuse, Henri Selmer Paris. J’ai changé sans hésiter mes instruments (saxophones, clarinette basse) pour leurs nouveaux modèles, notamment la gamme SeleS, pour la polyvalence et l’extrême beauté qu’ils représentent. Je m’estime chanceux d’avoir à disposition de tels instruments et je remercie chaleureusement Florent Milhaud et Stéphane Gentil pour leur écoute et leur amitié.
Enfin, j’ai une pensée émue pour mes trois enfants Timon, Garance et Malo, pour mon père Nicolas, son épouse Bénédicte, mes sœurs Aurore et Églantine, mon frère Thibaud et ma famille. Leur amour, même parfois trop géographiquement éloigné, est un mouvement perpétuel de chaleur filiale et fraternelle, et ils ont été un soutien indispensable dans ce moment de quête existentielle parfois mouvementée.
Et je ne peux que remercier Annabelle, reine de Pâques et Muse plus qu’épistolaire !
Raphaël Imbert
Rappel
Music Is My Home – Prologue
Vinyle 25 cm 33 tours Jazz Village JV33570085
Music Is My Home – Act 1
CD digibook Jazz Village JV570090