Kyle Eastwood

Time Pieces
Sortie le 21 avril 2015
Label : Jazz Village
Ce nouvel album du contrebassiste est un parfait reflet de son parcours artistique. D’abord, il sonne comme un aboutissement du travail entamé avec les jeunes Anglais qui l’accompagnent, désormais rejoints par un batteur cubain qui leur insuffle une pulsation impeccable. Au tour des compositions souvent collectives du quintet, le répertoire est aussi un autoportrait musical de Kyle Eastwood : les reprises choisies (Herbie Hancock et Horace Silver) révèlent sa passion pour le hard bop lyrique des années cinquante et soixante, et une relecture de son thème pour Letters from Iwo Jima confirme l’importance de son écriture pour le cinéma. Tout en élégance mélodique et en groove soutenu, nous voilà au coeur d’un songbook moderne du jazz d’aujourd’hui.

MUSICIENS

Kyle Eastwood, contrebasse, basse, basse fretless
Andrew Mc Cormack, piano
Ernesto Simpson, batterie
Quentin Collins, trompette et bugle
Brandon Allen, saxophones soprane et tenor
Après avoir fait paraître en 1998 son tout premier disque en leader, “From There to Here”, ancrant résolument ses références dans l’âge d’or du jazz orchestral des années 50, Kyle Eastwood aura passé l’essentiel des années 2000 à repousser toujours plus loin les frontières de son univers personnel en déclinant avec beaucoup d’élégance et de savoir faire toute l’étendue de ses goûts musicaux au fil d’albums aussi éclectiques que raffinés flirtant tour à tour avec l’électro-jazz cool et sophistiqué (“Paris Blues”), le smooth jazz aux accents « seventies » et résolument groovy (“Now”), voire le manifeste “arty”, chic et urbain, subtilement métissé (“Métropolitain”). C’est fort de cette exploration amoureuse et érudite des multiples tendances de la pop music mondialisée la plus contemporaine, que le con- trebassiste semble avoir entrepris depuis quelque temps de retourner tant dans la forme que dans l’esprit vers un jazz plus direct, lyrique et mélodique — en quête d’une relation à “la tradition” à la fois réaffirmée et renouvelée.

L’enregistrement en 2011 de l’album “Songs from the Château” fut l’amorce pour Kyle Eastwood de cette nouvelle phase décisive dans sa carrière. A la tête d’un tout nouveau quintet composé de jeunes musiciens anglais à peu près inconnus mais incontestablement talentueux et parfaitement en phase avec ses parti-pris musicaux, le contrebassiste y posait les jalons d’une musique mélodieuse et pleine de swing, à la fois simple dans ses formes et extrêmement raffinée dans son expression. En faisant paraître en 2013 “The View From Here” sur le label Jazz Village, le contrebassiste, accompagné toujours de la même formation, confirma avec brio cette nouvelle orientation esthétique, donnant souvent l’impression de chercher à renouer avec l’essence même du jazz en s’appropriant quelques-unes de ses formes archétypales mais surtout en fondant pour une grande part son discours sur le plaisir du jeu et de l’interaction collective. Aujourd’hui, tout en s’inscri- vant sans ambiguïté dans le prolongement de ces deux œuvres que l’on pourrait presque, avec du recul, qualifier de transition, “Time Pieces” vient incontestable- ment s’inscrire comme une borne essentielle dans la discographie de Kyle Eastwood en s’affirmant comme une sorte d’aboutissement de ce vaste mouvement introspectif à la fois personnel et esthétique entrepris par le contrebassiste aux fondements même de sa vocation de musicien.

“Ce que j’ai voulu faire dans ce disque, c’est payer ma dette au jazz de la fin des années 50 et du début des années 60“ explique Kyle Eastwood. “Ce hard bop lyrique, plein de groove et aux harmonies sophistiquées que jouaient les Jazz Messengers d’Art Blakey quand Lee Morgan et Wayne Shorter en faisaient partie, les formations d’Horace Silver sur le label Blue Note ou les différents quintets de Miles Davis tout au long des années 60 : c’est la musique que je préfère et qui n’a jamais cessé de me fasciner depuis que je l’ai découverte à l’adolescence... Ce qui était extraordinaire à l’époque c’est à quel point tous ces groupes possédaient une signature sonore immédiatement identifiable. Je me suis demandé d’où venait cette singularité et j’en ai conclu que c’était principalement le fruit d’un travail collectif sur le long terme... C’est avec cette façon de concevoir et de faire la musique que j’ai cherché à renouer sur ce nouvel album.”

Et de fait, si la musique de ce nouveau disque donne une telle impression de maturité, c’est qu’elle ne se contente pas d’emprunter des formes du passé de façon superficielle. Elle parvient constamment à trouver l’équilibre entre une référence toujours plus affirmée à l’esthétique hard bop du tournant des années 60 (dans ses liens au blues, dans ses grooves, dans son travail sur les potentialités orchestrales du quintet) et une façon résolument actuelle d’interpréter cette tradition. Chacun des musiciens impliqués dans le projet apporte son expérience singulière de l’histoire du jazz et des musiques populaires qui constituent la richesse et la diversité de la sono mondiale contemporaine (de la pop au rock en passant par l’électro, et la musique noire sous toutes ses formes).

“Le répertoire a vraiment été conçu et travaillé de façon collective,” précise Kyle. “J’ai apporté l’essentiel du matériel, des bribes de mélodies, des suites d’accords mais le plus souvent la forme terminale des morceaux s’est cristallisée dans le jeu et l’interaction au moment des répétitions. L’association que je forme avec le pianiste Andrew McCormack et le trompettiste Quentin Collins a presque 10 ans maintenant. C’est un luxe de pouvoir développer un projet sur une si longue durée. Ça s’entend évidemment dans la musique que l’on fait. Mais si notre complicité constitue le cœur de ce quintet qui possède désormais une vraie homogénéité au niveau du son, le fait que de nouveaux musiciens sont venus dans ce disque s’intégrer au groupe est très important. Brandon Allen aux saxophones et surtout Ernesto Simpson à la batte- rie, qui est originaire de Cuba et qui a amené au groupe toute sa fougue et ce swing latin si particulier, ont incontestablement enrichi la musique de cet album en l’ouvrant à d’autres horizons.”

Revisitant de façon extrêmement cohérente quelques grands standards du jazz des années 60 (“Dolphin Dance” d’Herbie Hancock et “Blowin’ The Blues Away” d’Horace Silver — les deux grandes références esthétiques de l’album) ; apportant toute une série de compositions originales très inspirées et renouant avec classe avec l’esprit de cette époque (“Prosecco Smile” et son groove typique de boogaloo ; “Incantation” ressuscitant le lyrisme de Wayne Shorter ; “Bullet Train” ou encore ”Peace of Silver” dédié à la mémoire d’Horace Silver décédé pendant la séance) ; intégrant même au répertoire pour la première fois, un thème emprunté à son travail pour le cinéma (la magnifique ballade extraite de “Letters From Iwo Jima” et réimaginée en duo avec McCormack), Kyle Eastwood signe avec “Time Pieces“ un disque aussi riche que séduisant et assurément son œuvre la plus personnelle à ce jour.

MUSICIENS

Kyle Eastwood, contrebasse, basse, basse fretless
Andrew Mc Cormack, piano
Ernesto Simpson, batterie
Quentin Collins, trompette et bugle
Brandon Allen, saxophones soprane et tenor

Enregistré aux Studios 7ème ciel Issy Les Moulineaux Juin 2014
Ingénieur du son : Jean Maurice Hayano
Mixé aux Studios La Buissonne Pernes Les Fontaines Juillet 2014
Ingénieur du son : Gerard de Haro
Mastering aux Studios La Buissonne Pernes les Fontaines Août 2014
Ingénieur du son : Nicolas Baillard