Ibrahim Maalouf
Diagnostic
Sortie le 29 Sept 2011
Label : Mi’ster Prod
Diagnostic est le 3ème volet d’un triptyque musical que le trompettiste Ibrahim Maalouf a entamé en 2007 avec Diasporas, son premier album, et enrichi avec Diachronism deux ans plus tard. Mieux qu’une continuation, ce disque est l’aboutissement d’un travail de recherche sur le jeu des harmonies, la dynamique des tonalités, leur acclimatation aux rythmes, les connivences insoupçonnables entre différents styles musicaux. On y reconnaîtra l’influence majeure des fanfares balkaniques, des batucadas brésiliennes, du latin jazz ou du heavy metal. Mais Diagnostic est surtout son oeuvre la plus personnelle, une manière de bande originale où est mise en scène avec un remarquable pouvoir de suggestion la vie affective d’un musicien qui a toujours envisagé son art comme une thérapie, avec ce que cet engagement impose de sincérité et d’abandon.
De Sting à Arthur H, de Disiz la Peste à Mathieu Chedid, d’Amadou & Mariam à Vanessa Paradis, le trompettiste Ibrahim Maalouf compte depuis plusieurs années parmi les musiciens les plus sollicités à la scène et en studio dans les styles les plus variés.
Pour autant le plaisir et l’enrichissement artistiques qu’il tire de ces multiples rencontres ne l’ont pas détourné de ses priorités qui demeurent la composition et le façonnement d’une œuvre personnelle où puissent s’exprimer l’étendue de ses talents d’instrumentiste et la diversité de ses influences. Diagnostic est son troisième album. Il constitue le troisième volet d’un triptyque ouvert avec ces deux précédents enregistrements que sont Diasporas paru en 2007 et Diachronism en 2009. Il clôt en beauté un cycle élaboré sur la recherche d’une esthétique originale dominée par la trompette à quart de ton et traçant son chemin à travers les univers du jazz, du classique, des musiques du monde, du rock, de l’électro, et même du rap comme le prouve ici la participation de Oxmo Puccino. Il achève la conquête d’une indépendance sur les astreintes des genres pour mieux répondre à un désir d’unité et d’harmonie. S’il permet au musicien de réunir toutes les sonorités qui nourrissent son imaginaire depuis l’enfance, qu’elles émanent de l’orient matriciel ou d’un occident émancipateur, ce disque lui offre aussi la possibilité de recomposer sa propre famille, chacun des 7 premiers morceaux étant inspiré par l’un de ses membres. Le dernier titre Beirut rend quant à lui un hommage émouvant à son pays d’origine, le Liban, extension déchirée elle aussi de sa famille. Musicien ouvert et instinctif, pour qui la technique doit nécessairement rester au service du feeling, Ibrahim Maalouf s’affirme comme un compositeur ayant acquis avec le temps et l’expérience une maîtrise et une assurance synonymes de liberté. « Ne rien s’interdire » fut la règle d’or lors de l’enregistrement de ces 8 pièces méticuleusement orchestrées et fiévreusement vivantes, réalisées dans le studio parisien du compositeur Armand Amar. Ibrahim se met ainsi pour la première fois au piano, instrument avec lequel il a débuté la musique, et au chant. Si l’épicentre géographique de ce disque se situe du côté des Balkans, dont il emprunte le style plein d’exubérance des fanfares, on y voyage aussi beaucoup du côté de Cuba, de l’Amérique Latine, voire de la Chine, selon une logique nomade qui le conduit également à une intro au piano à la Chopin, à une improvisation sur un thème de Michael Jackson (We’ll Always Care About You) ou à la mise à nue sans complexe d’une passion jamais démentie depuis l’adolescence pour le rock metal. Dans ce grand tourbillon au creux duquel s’enroule sa vie, sa trompette dispense mille émotions intimes : colère, nostalgie, désespoir, euphorie... Elle articule dans un souffle d’une rare intensité, d’une exceptionnelle profondeur, les douleurs et les douceurs du passé, elle témoigne des vastes ambitions d’un créateur devenu maître de son langage.
Biographie :
Diagnostic est le 3ème volet d’un triptyque musical que le trompettiste Ibrahim Maalouf a entamé en 2007 avec Diasporas, son premier album, et enrichi avec Diachronism deux ans plus tard. Mieux qu’une continuation, ce disque est l’aboutissement d’un travail de recherche sur le jeu des harmonies, la dynamique des tonalités, leur acclimatation aux rythmes, les connivences insoupçonnables entre différents styles musicaux. On y reconnaîtra l’influence majeure des fanfares balkaniques, des batucadas brésiliennes, du latin jazz ou du heavy metal. Mais Diagnostic est surtout son oeuvre la plus personnelle, une manière de bande originale où est mise en scène avec un remarquable pouvoir de suggestion la vie affective d’un musicien qui a toujours envisagé son art comme une thérapie, avec ce que cet engagement impose de sincérité et d’abandon. Enregistré en région parisienne, dans le studio du producteur et compositeur de musiques de film Armand Amar (Le Couperet, Indigènes), Diagnostic propose 11 compositions originales qui toutes formulent un sentiment, parfois une contradiction entre plusieurs, et plongent dans le mystérieux cloaque des émotions pour en libérer langueurs, envolées, fulgurances et flash-backs. On y entend pour la première fois Ibrahim jouer du piano, instrument avec lequel il a débuté son apprentissage musical. On l’entend aussi chanter. Bien que conceptuel, chacune des parties ayant été inspiré par un proche membre de sa famille, Diagnostic est davantage le témoignage d’un instinct mis à nu et d’une maîtrise technique au service exclusif du sensible, du fragile, du principe de plaisir. Il répond à cette nécessité de transcender les genres et de transmuer peines, colères, déprimes et doutes en forces vitales.
Il y a quatre ans, à l’orée d’une carrière prometteuse, Ibrahim Maalouf se posait pourtant encore des questions sur un choix d’ordre professionnel qui nous semblait à nous simples mélomanes, largement dépassé. « Je n’ai jamais tout à fait compris pourquoi je me suis mis à jouer de la trompette » se confiait d’une voix encore empreinte de timidité le musicien dont le brillant premier album Diasporas venait d’éclore. Ce disque inaugural, aux dix plages instrumentales balayées par le souffle de son instrument, au timbre tour à tour velouté, abrasif, spiralé, exalté, poignant, ne laissait pourtant guère de place au doute tant il concrétisait tous les espoirs entrevus chez lui à la faveur de nombreuses collaborations avec d’autres (Lhasa De Sela, Vincent Delerm, Jeanne Cherhal, Thomas Fersen...). Ce premier enregistrement ne se résumait pas à la simple confirmation d’un talent d’instrumentiste, ou à la singularité d’une sonorité produite par cette trompette orientale à quart de ton. Il ouvrait aussi de nouvelles perspectives en reliant entre eux des mondes qui d’ordinaire n’entretiennent pas de relations aussi privilégiées. Trouvant de nombreuses façons d’articuler entre elles musique soufie ottomane ou classique arabe, jazz ou électro, Ibrahim se forgeait déjà une signature indélébile tout en contribuant à l’évolution de la trompette, instrument dont les limites ont longtemps données l’impression d’avoir été établies de manière définitive par un certain Miles Davis.
Depuis 2007 la réputation d’Ibrahim n’a cessé de croître. De sorte qu’il a été beaucoup sollicité ces dernières années en studio et sur scène, par Sting, Amadou & Mariam, Salif Keita, Mathieu Chedid, Vanessa Paradis et bien d’autres. A travers chacune de ces expériences il a su prouver que son fort tempérament musical n’entravait en rien sa capacité d’adaptation aux contextes les plus divers. Avec le double album Diachronism paru en 2009, il a consolidé une esthétique qui n’appartient désormais qu’à lui. Comme son titre le suggère Diachronism tendait à réaliser une unité dans le chaos de ses multiples influences. Il visait aussi à assurer à son auteur un équilibre dans le conflit de ses attaches personnelles, territoriales ou familiales. Diagnostic parachève ce travail de reconstruction.
On ne peut comprendre tout à fait la portée de cette démarche qu’en remontant à ce 5 Décembre 1980 où Ibrahim naît à Beyrouth en plein bombardement. « En fait, je suis né le 5 Novembre mais à cause des bombes, mes parents ne purent me déclarer à l’état civil qu’un mois plus tard. » Le Liban vit alors le pire de la guerre. D’ailleurs les Maalouf ne tardent pas à quitter leur pays peu après sa naissance pour venir s’installer en France. Le père, musicien autodidacte, avait suivi des cours de trompette auprès du maître Maurice André dans les années soixante. Un jour, il avait eu l’idée d’ajouter un 4ème piston à son instrument de manière à reproduire toutes les nuances des modes orientaux, sans savoir que cette petite révolution aura de grandes conséquences musicologiques et sur le destin de son fils. Effectivement, 40 ans plus tard, après s’être consacré au piano, Ibrahim s’empare à son tour d’une trompette quart de ton pour ne plus la lâcher. S’en suivent des années d’études, de conservatoire, de concours internationaux, qu’il remporte brillamment. Avant de s’engager pleinement dans une carrière de musicien d’orchestre classique, Ibrahim hésite pourtant encore un peu avant d’abandonner d’autres études, d’architecture celles-ci.
De l’architecte, il montre sur Diagnostic beaucoup des qualités. Le soin méticuleux apporté aux orchestrations trahit tout du long un fort souci de l’équilibre, une quête permanente du mouvement bien ordonné. Si « ne rien s’interdire » fut la règle d’or de cet enregistrement, autoproduit comme les deux précédents, son application n’a pas eu pour effet d’exclure toute rigueur de son travail. Au contraire. C’est au prix de beaucoup d’exigence qu’Ibrahim parvient ici à une liberté et une plénitude perceptibles d’emblée à sa manière d’étirer au piano la mélancolie de Lily (is 2) pour lui faire rejoindre la syncope d’une fanfare balkanique (Will Soon Be A Woman), d’où montera bientôt un chœur enveloppant comme une brume. Maîtrisant les ambiances, Ibrahim ne tarde pas à montrer qu’il sait aussi jouer des ruptures avec une première partie de Maeva in Wonderland, tout aussi marquée par le style des fanfares macédonienne (que l’on retrouvera plus tard dans Never Serious) en démultipliant sa trompette, et bientôt dévoyée dans un montuno endiablé à la Cubaine.
« Ne rien s’interdire » impliquait aussi dans ce disque dont la matrice est la vie intime du musicien, le choix de ne rien dissimuler des déchirements personnels, des traumatismes profonds. Tirer de la douleur d’un conflit affectif la trâme d’une pièce majuscule permet ainsi de débuter Your Soul sur ce qui ressemble à une étude de Chopin avant de fluctuer avec Everything Is Nothing entre dhikr soufi, guitares heavy metal et ambiance crépusculaire à la Miles Davis, période Ascenseur pour l’Echafaud. En trouvant à chaque fois le point d’échange le plus fluide entre des sons aux identités hétérogènes, en évitant la cacophonie d’une world music aux attaches incertaines, Ibrahim fait aussi sur ce disque le diagnostic d’une certaine modernité et de là, peut beaucoup se permettre : improviser avec une liberté enivrante sur un thème de Michael Jackson dans We Always Care About You, ou inviter le rappeur Oxmo Puccino à répandre sa semence textuelle sur le très beau Douce. « Je me suis rendu compte que je pouvais utiliser la trompette comme j’avais envie de le faire confiait-il récemment. Et j’ai essayé de trouver une douceur, quelque chose d’un peu plus féminin dans cet instrument. » Cette féminité il ne pouvait mieux l’exprimer qu’en composant avec Beautiful Things un émouvant hommage à sa mère conclut par le très introverti Diagnostic, duo trompette et piano, tous deux joués par Ibrahim dans un style quasiment classique contemporain.
L’album s’achève naturellement avec Beirut, point de départ de son histoire. Sur cet autre hommage, rendu celui-ci à son pays d’origine, extension tout aussi déchirée de sa propre famille, Ibrahim trousse le souvenir particulier d’un moment de sa vie où il prit conscience du traumatisme d’une guerre qui venait juste de s’achever et dont les blessures et les stigmates étaient toujours apparents. A ce choc émotionnel s’ajouta celui esthétique d’avoir à ce moment précis et pour la première fois de sa vie (à 12 ans) un morceau de Led Zeppelin dans son baladeur, d’où la collusion entre l’atmosphère endolorie du début et l’explosion qui fait suite. Ainsi Diagnostic fait il au sens propre le bilan d’un parcours personnel comme celui d’une quête musicale sans équivalent aujourd’hui. Il articule dans un souffle d’une rare intensité, d’une exceptionnelle profondeur, les douleurs et les douceurs du passé. Et témoigne des vastes ambitions d’un créateur devenu totalement maître de son langage.
Pour autant le plaisir et l’enrichissement artistiques qu’il tire de ces multiples rencontres ne l’ont pas détourné de ses priorités qui demeurent la composition et le façonnement d’une œuvre personnelle où puissent s’exprimer l’étendue de ses talents d’instrumentiste et la diversité de ses influences. Diagnostic est son troisième album. Il constitue le troisième volet d’un triptyque ouvert avec ces deux précédents enregistrements que sont Diasporas paru en 2007 et Diachronism en 2009. Il clôt en beauté un cycle élaboré sur la recherche d’une esthétique originale dominée par la trompette à quart de ton et traçant son chemin à travers les univers du jazz, du classique, des musiques du monde, du rock, de l’électro, et même du rap comme le prouve ici la participation de Oxmo Puccino. Il achève la conquête d’une indépendance sur les astreintes des genres pour mieux répondre à un désir d’unité et d’harmonie. S’il permet au musicien de réunir toutes les sonorités qui nourrissent son imaginaire depuis l’enfance, qu’elles émanent de l’orient matriciel ou d’un occident émancipateur, ce disque lui offre aussi la possibilité de recomposer sa propre famille, chacun des 7 premiers morceaux étant inspiré par l’un de ses membres. Le dernier titre Beirut rend quant à lui un hommage émouvant à son pays d’origine, le Liban, extension déchirée elle aussi de sa famille. Musicien ouvert et instinctif, pour qui la technique doit nécessairement rester au service du feeling, Ibrahim Maalouf s’affirme comme un compositeur ayant acquis avec le temps et l’expérience une maîtrise et une assurance synonymes de liberté. « Ne rien s’interdire » fut la règle d’or lors de l’enregistrement de ces 8 pièces méticuleusement orchestrées et fiévreusement vivantes, réalisées dans le studio parisien du compositeur Armand Amar. Ibrahim se met ainsi pour la première fois au piano, instrument avec lequel il a débuté la musique, et au chant. Si l’épicentre géographique de ce disque se situe du côté des Balkans, dont il emprunte le style plein d’exubérance des fanfares, on y voyage aussi beaucoup du côté de Cuba, de l’Amérique Latine, voire de la Chine, selon une logique nomade qui le conduit également à une intro au piano à la Chopin, à une improvisation sur un thème de Michael Jackson (We’ll Always Care About You) ou à la mise à nue sans complexe d’une passion jamais démentie depuis l’adolescence pour le rock metal. Dans ce grand tourbillon au creux duquel s’enroule sa vie, sa trompette dispense mille émotions intimes : colère, nostalgie, désespoir, euphorie... Elle articule dans un souffle d’une rare intensité, d’une exceptionnelle profondeur, les douleurs et les douceurs du passé, elle témoigne des vastes ambitions d’un créateur devenu maître de son langage.
Biographie :
Diagnostic est le 3ème volet d’un triptyque musical que le trompettiste Ibrahim Maalouf a entamé en 2007 avec Diasporas, son premier album, et enrichi avec Diachronism deux ans plus tard. Mieux qu’une continuation, ce disque est l’aboutissement d’un travail de recherche sur le jeu des harmonies, la dynamique des tonalités, leur acclimatation aux rythmes, les connivences insoupçonnables entre différents styles musicaux. On y reconnaîtra l’influence majeure des fanfares balkaniques, des batucadas brésiliennes, du latin jazz ou du heavy metal. Mais Diagnostic est surtout son oeuvre la plus personnelle, une manière de bande originale où est mise en scène avec un remarquable pouvoir de suggestion la vie affective d’un musicien qui a toujours envisagé son art comme une thérapie, avec ce que cet engagement impose de sincérité et d’abandon. Enregistré en région parisienne, dans le studio du producteur et compositeur de musiques de film Armand Amar (Le Couperet, Indigènes), Diagnostic propose 11 compositions originales qui toutes formulent un sentiment, parfois une contradiction entre plusieurs, et plongent dans le mystérieux cloaque des émotions pour en libérer langueurs, envolées, fulgurances et flash-backs. On y entend pour la première fois Ibrahim jouer du piano, instrument avec lequel il a débuté son apprentissage musical. On l’entend aussi chanter. Bien que conceptuel, chacune des parties ayant été inspiré par un proche membre de sa famille, Diagnostic est davantage le témoignage d’un instinct mis à nu et d’une maîtrise technique au service exclusif du sensible, du fragile, du principe de plaisir. Il répond à cette nécessité de transcender les genres et de transmuer peines, colères, déprimes et doutes en forces vitales.
Il y a quatre ans, à l’orée d’une carrière prometteuse, Ibrahim Maalouf se posait pourtant encore des questions sur un choix d’ordre professionnel qui nous semblait à nous simples mélomanes, largement dépassé. « Je n’ai jamais tout à fait compris pourquoi je me suis mis à jouer de la trompette » se confiait d’une voix encore empreinte de timidité le musicien dont le brillant premier album Diasporas venait d’éclore. Ce disque inaugural, aux dix plages instrumentales balayées par le souffle de son instrument, au timbre tour à tour velouté, abrasif, spiralé, exalté, poignant, ne laissait pourtant guère de place au doute tant il concrétisait tous les espoirs entrevus chez lui à la faveur de nombreuses collaborations avec d’autres (Lhasa De Sela, Vincent Delerm, Jeanne Cherhal, Thomas Fersen...). Ce premier enregistrement ne se résumait pas à la simple confirmation d’un talent d’instrumentiste, ou à la singularité d’une sonorité produite par cette trompette orientale à quart de ton. Il ouvrait aussi de nouvelles perspectives en reliant entre eux des mondes qui d’ordinaire n’entretiennent pas de relations aussi privilégiées. Trouvant de nombreuses façons d’articuler entre elles musique soufie ottomane ou classique arabe, jazz ou électro, Ibrahim se forgeait déjà une signature indélébile tout en contribuant à l’évolution de la trompette, instrument dont les limites ont longtemps données l’impression d’avoir été établies de manière définitive par un certain Miles Davis.
Depuis 2007 la réputation d’Ibrahim n’a cessé de croître. De sorte qu’il a été beaucoup sollicité ces dernières années en studio et sur scène, par Sting, Amadou & Mariam, Salif Keita, Mathieu Chedid, Vanessa Paradis et bien d’autres. A travers chacune de ces expériences il a su prouver que son fort tempérament musical n’entravait en rien sa capacité d’adaptation aux contextes les plus divers. Avec le double album Diachronism paru en 2009, il a consolidé une esthétique qui n’appartient désormais qu’à lui. Comme son titre le suggère Diachronism tendait à réaliser une unité dans le chaos de ses multiples influences. Il visait aussi à assurer à son auteur un équilibre dans le conflit de ses attaches personnelles, territoriales ou familiales. Diagnostic parachève ce travail de reconstruction.
On ne peut comprendre tout à fait la portée de cette démarche qu’en remontant à ce 5 Décembre 1980 où Ibrahim naît à Beyrouth en plein bombardement. « En fait, je suis né le 5 Novembre mais à cause des bombes, mes parents ne purent me déclarer à l’état civil qu’un mois plus tard. » Le Liban vit alors le pire de la guerre. D’ailleurs les Maalouf ne tardent pas à quitter leur pays peu après sa naissance pour venir s’installer en France. Le père, musicien autodidacte, avait suivi des cours de trompette auprès du maître Maurice André dans les années soixante. Un jour, il avait eu l’idée d’ajouter un 4ème piston à son instrument de manière à reproduire toutes les nuances des modes orientaux, sans savoir que cette petite révolution aura de grandes conséquences musicologiques et sur le destin de son fils. Effectivement, 40 ans plus tard, après s’être consacré au piano, Ibrahim s’empare à son tour d’une trompette quart de ton pour ne plus la lâcher. S’en suivent des années d’études, de conservatoire, de concours internationaux, qu’il remporte brillamment. Avant de s’engager pleinement dans une carrière de musicien d’orchestre classique, Ibrahim hésite pourtant encore un peu avant d’abandonner d’autres études, d’architecture celles-ci.
De l’architecte, il montre sur Diagnostic beaucoup des qualités. Le soin méticuleux apporté aux orchestrations trahit tout du long un fort souci de l’équilibre, une quête permanente du mouvement bien ordonné. Si « ne rien s’interdire » fut la règle d’or de cet enregistrement, autoproduit comme les deux précédents, son application n’a pas eu pour effet d’exclure toute rigueur de son travail. Au contraire. C’est au prix de beaucoup d’exigence qu’Ibrahim parvient ici à une liberté et une plénitude perceptibles d’emblée à sa manière d’étirer au piano la mélancolie de Lily (is 2) pour lui faire rejoindre la syncope d’une fanfare balkanique (Will Soon Be A Woman), d’où montera bientôt un chœur enveloppant comme une brume. Maîtrisant les ambiances, Ibrahim ne tarde pas à montrer qu’il sait aussi jouer des ruptures avec une première partie de Maeva in Wonderland, tout aussi marquée par le style des fanfares macédonienne (que l’on retrouvera plus tard dans Never Serious) en démultipliant sa trompette, et bientôt dévoyée dans un montuno endiablé à la Cubaine.
« Ne rien s’interdire » impliquait aussi dans ce disque dont la matrice est la vie intime du musicien, le choix de ne rien dissimuler des déchirements personnels, des traumatismes profonds. Tirer de la douleur d’un conflit affectif la trâme d’une pièce majuscule permet ainsi de débuter Your Soul sur ce qui ressemble à une étude de Chopin avant de fluctuer avec Everything Is Nothing entre dhikr soufi, guitares heavy metal et ambiance crépusculaire à la Miles Davis, période Ascenseur pour l’Echafaud. En trouvant à chaque fois le point d’échange le plus fluide entre des sons aux identités hétérogènes, en évitant la cacophonie d’une world music aux attaches incertaines, Ibrahim fait aussi sur ce disque le diagnostic d’une certaine modernité et de là, peut beaucoup se permettre : improviser avec une liberté enivrante sur un thème de Michael Jackson dans We Always Care About You, ou inviter le rappeur Oxmo Puccino à répandre sa semence textuelle sur le très beau Douce. « Je me suis rendu compte que je pouvais utiliser la trompette comme j’avais envie de le faire confiait-il récemment. Et j’ai essayé de trouver une douceur, quelque chose d’un peu plus féminin dans cet instrument. » Cette féminité il ne pouvait mieux l’exprimer qu’en composant avec Beautiful Things un émouvant hommage à sa mère conclut par le très introverti Diagnostic, duo trompette et piano, tous deux joués par Ibrahim dans un style quasiment classique contemporain.
L’album s’achève naturellement avec Beirut, point de départ de son histoire. Sur cet autre hommage, rendu celui-ci à son pays d’origine, extension tout aussi déchirée de sa propre famille, Ibrahim trousse le souvenir particulier d’un moment de sa vie où il prit conscience du traumatisme d’une guerre qui venait juste de s’achever et dont les blessures et les stigmates étaient toujours apparents. A ce choc émotionnel s’ajouta celui esthétique d’avoir à ce moment précis et pour la première fois de sa vie (à 12 ans) un morceau de Led Zeppelin dans son baladeur, d’où la collusion entre l’atmosphère endolorie du début et l’explosion qui fait suite. Ainsi Diagnostic fait il au sens propre le bilan d’un parcours personnel comme celui d’une quête musicale sans équivalent aujourd’hui. Il articule dans un souffle d’une rare intensité, d’une exceptionnelle profondeur, les douleurs et les douceurs du passé. Et témoigne des vastes ambitions d’un créateur devenu totalement maître de son langage.