Collection Authenticité
Les premiers griots modernes
Sortie le 22 mai 2013
Label : Stern’s
LA COLLECTION DE REFERENCE…d’une période de l’histoire africaine où une nouvelle nation revendiqua son indépendance en plaçant la musique au premier plan de son identité culturelle.
Dans les années qui suivent la décolonisation de la Guinée, le nouveau président Sékou Touré se lança dans un immense programme de réformes, notamment au niveau culturel et musical. Afin de restaurer la fierté nationale et de retrouver une identité forte et moderne, la nouvelle politique culturelle s’inspira de l’idée d’authenticité. Les artistes furent encouragés par le gouvernement à composer et écrire de nouvelles chansons dans un style plus moderne sans pour autant renier l’influence des chants traditionnels africains. Une politique accompagnée par le label Syliphone, dont les enregistrements sont les véritables témoignages de la vitalité et de la créativité d’un peuple et d’une époque hors du commun qui feront de la Guinée le phare musical de l’Afrique.
Le label Sterns en partenariat avec RFI nous donne l’occasion de redécouvrir aujourd’hui les plus belles heures de ce mouvement culturel. Trois rééditions ainsi que deux albums inédits en France, dont une compilation de l’immense voix guinéenne Sory Kandia Kouyaté, véritable ambassadeur culturel de la révolution.
SORY KANDIA KOUYATE – LA VOIX DE LA REVOLUTION
Année de l’indépendance guinéenne, 1958 marque aussi l’apogée de la carrière de Sory Kandia Kouyaté, chanteur à la voix puissante. Le gouvernement se tourna naturellement vers lui et en fit l’ambassadeur musical du pays. Il devint ainsi « la voix de la révolution », et représenta la Guinée aux Nations Unies, partout en Afrique et même au delà du rideau de fer. Il est le lien manquant entre les chanteurs traditionnels d’avant la période d’enregistrement et la modernité.
KELETIGUI ET SES TAMBOURINIS – THE SYLIPHONE YEARS
Keletigui et ses Tambourinis étaient au cœur du projet culturel de l’Authenticité. Et si, selon le président Touré, la Guinée se devait de jouer de la musique de son propre pays, ceci n’excluait pas le jazz et la musique cubaine, musiques d’origine africaine. Ce mélange particulier, nourri notamment par l’échange ave la nouvelle nation révolutionnaire de Cuba, prend toute sa force dans les enregistrements de Keletigui et ses Tambourinis, dont le leader, Keletigui Traoré, nous a quitté récemment.
Le label Sterns en partenariat avec RFI nous donne l’occasion de redécouvrir aujourd’hui les plus belles heures de ce mouvement culturel. Trois rééditions ainsi que deux albums inédits en France, dont une compilation de l’immense voix guinéenne Sory Kandia Kouyaté, véritable ambassadeur culturel de la révolution.
SORY KANDIA KOUYATE – LA VOIX DE LA REVOLUTION
Année de l’indépendance guinéenne, 1958 marque aussi l’apogée de la carrière de Sory Kandia Kouyaté, chanteur à la voix puissante. Le gouvernement se tourna naturellement vers lui et en fit l’ambassadeur musical du pays. Il devint ainsi « la voix de la révolution », et représenta la Guinée aux Nations Unies, partout en Afrique et même au delà du rideau de fer. Il est le lien manquant entre les chanteurs traditionnels d’avant la période d’enregistrement et la modernité.
KELETIGUI ET SES TAMBOURINIS – THE SYLIPHONE YEARS
Keletigui et ses Tambourinis étaient au cœur du projet culturel de l’Authenticité. Et si, selon le président Touré, la Guinée se devait de jouer de la musique de son propre pays, ceci n’excluait pas le jazz et la musique cubaine, musiques d’origine africaine. Ce mélange particulier, nourri notamment par l’échange ave la nouvelle nation révolutionnaire de Cuba, prend toute sa force dans les enregistrements de Keletigui et ses Tambourinis, dont le leader, Keletigui Traoré, nous a quitté récemment.
Keletigui et ses Tamourinis étaient au coeur de l’explosion musicale guinéenne financée par le gouvernement et ils défendaient fidèlement les principes de l’authenticité adoptés par Sékou Touré, premier président de cette nation nouvellement indépendante, lorsqu’il déclarait à la radio : « si l’on ne sait pas jouer la musique de son propre pays, il est préférable d’arrêter de jouer complètement ».
Toutefois, cet injonction ne s’appliquait pas à la musique de Cuba ni au Jazz car d’une part, dans un monde en pleine guerre froide, Castro et Cuba étaient des alliés de la Guinée et d’autre part, ces deux musiques étaient jouées par des musiciens noirs, descendants africains et qui étaient par conséquent considérés comme faisant partie de la grande famille africaine. Le mélange résultant de tout cela fit de la Guinée un fer de lance de l’expérimentation musicale et contribua à planter le décor de la musique africaine actuelle.
Malheureusement, Keletigui Traoré, le chef de l’orchestre, décéda en Novembre 2008 à l’âge de 74 ans et, même si le groupe joue encore aujourd’hui (tous les samedi soir à "La Paillote" à Conakry), son décès représente une grande perte. La musique de ces CDs témoigne de son énergie exceptionnelle … et de conditions qui ne seront peut être plus jamais réunies.
"Lorsqu’un homme voit une femme de Touba, il doit faire attention, de peur que la chique lui tombe de la bouche » (extrait des paroles traduites de "Toubaka")
Dans la période post-indépendance des années 1960 et 1970, la musique guinéenne est au cœur de la renaissance culturelle africaine. Avec la fin de l’ère coloniale, les gouvernements à travers tout le continent cherchent un moyen d’insuffler une énergie culturelle nouvelle et de promouvoir le nationalisme. En Guinée, le gouvernement de Sékou Touré lance une politique culturelle révolutionnaire connue sous le nom d’authenticité qui va permettre de moderniser et de réhabiliter les arts de la scène par le biais de l’action directe du gouvernement. Les artistes sont invités à se pencher sur les pratiques culturelles autochtones et à les incorporer à leurs nouveaux travaux. Pour les musiciens, cela signifie puiser leur inspiration dans les styles musicaux traditionnels. L’impact de l’authenticité sur la musique guinéenne est si révolutionnaire qu’il change la face de la musique populaire, non seulement en Guinée mais à travers tout le continent. L’orchestre de Keletigui Traoré est à l’avant-garde de la révolution culturelle guinéenne et est le fer de lance du mouvement de l’authenticité. Leurs enregistrements Syliphone font partie des premiers morceaux sortis par le gouvernement et leur style si particulier ouvre la voie à leurs successeurs tels que le Bembeya Jazz.
“A chaque peuple sa culture”. Entre 1958 et 1984, la Guinée est dirigée par le Président Touré et son parti, le Parti Démocratique de Guinée (PDG). Sous son règne, Touré consacre une grande partie du budget national à la mise en œuvre de l’authenticité en Guinée. Des troupes d’artistes, comprenant un chœur, une compagnie de danseurs, une troupe de théâtre, et un ensemble musical traditionnel, sont alors créés dans les villes et villages de tout le pays. Ces formations s’affrontent lors de concours artistiques nationaux pour remporter les prix en jeu. Chacune des 35 régions guinéennes est également représentée par un orchestre modern. Pour former et équiper ces groupes, le gouvernement envoie des musiciens aguerris à travers le pays. Cette poignée de musiciens, dont Balla Onivogui et Keletigui Traoré, se sont déjà forgé une réputation avant l’indépendance. L’influence de ces deux musiciens est telle que le gouvernement guinéen les nomme tous les deux à la tête de leur propre orchestre national, d’où la création de Balla et les Balladins et de Keletigui et ses Tambourinis. L’influence de ces orchestres sur la musique guinéenne et africaine est incommensurable. Cette compilation sur double CD illustre le génie musical qui séduisit et inspira toute une génération. Beaucoup de chansons apparaissent pour la première fois sur CD, et ce travail recueille les efforts de collectionneurs et ainsi que des archives du monde entier.
Keletigui Traoré est né à Conakry le 26 mai 1934. Après avoir fini l’école primaire, il développe un vif intérêt pour la musique. Son premier instrument est le banjo, mais il joue également de l’accordéon, de la guitare et de la basse. En 1951, il intègre son premier groupe et prend des cours de saxophone auprès de deux français. De 1953 à 1956, il joue aux côtés du Joviale Symphonie, un orchestre créé dans les années 1930. Il joue de la musique européenne pour la clientèle française de l’Hôtel de France. L’orchestre compte alors parmi ses membres Kanfoury Sanoussi et Momo « Wandel » Soumah. En 1956, les gérants de l’Hôtel de France quittent la Guinée et Keletigui rachète les instruments de l’orchestre et forme un nouveau groupe, le Harlem Jazz.
Ils sont considérés comme le meilleur orchestre de Conakry et tiennent le devant de la scène musicale jusqu’à l’indépendance en septembre 1958. En mars 1959, lors du premier congrès de la Jeunesse de la Révolution Démocratique Africaine (JRDA), les jeunesses du PDG, il est décidé de dissoudre tous les groupes privés guinéens. Sous Sékou Touré, l’époque des groupes guinéens jouant de la musique étrangère ou française est révolue. Le président annonce à la radio nationale que « si l’on ne sait pas jouer la musique de son propre pays, il est préférable d’arrêter de jouer complètement ». Des musiciens tels que Keletigui, Momo Wandel et Balla Onivagui sont invités à rejoindre un nouveau groupe, le Syli Orchestre National, créé par le gouvernement guinéen et dirigé par Kanfori Sanoussi. Ce groupe « de chambre » rassemble l’élite des musiciens guinéens.
Le gouvernement confie aux membres de l’orchestre la lourde responsabilité de former de jeunes musiciens à travers le pays aux rudiments de la composition et de la technique. Le Syli Orchestre National forme donc un grand nombre des groupes qui vont constituer la trame du réseau d’orchestres régionaux de Guinée. Grâce à leurs efforts, la musique guinéenne se développe rapidement dès le début des années 1960 et l’orchestre Syli Orchestre National grandit tellement qu’il est dissout à son retour du 8ème Festival de la Jeunesse et des Étudiants (même si plus tard il se reformera lors de divers événements d’envergure tels que le premier Festival Culturel Panafricain organisé à Alger, en 1969, où ils remportent la médaille d’argent). La séparation de l’orchestre donne lieu à la création de deux nouveaux groupes. Keletigui est nommé chef d’orchestre de l’un, alors que Balla Onivogui prend la direction de l’autre. L’orchestre de Keletigui prend résidence à la Paillote et enregistre aux studios de la Voix de la Révolution à Conakry sous le nom de l’Orchestre de la Paillote. Au milieu des années 1960, l’orchestre est rebaptisé Keletigui et ses Tambourinis. En 1967, lors du premier « Concert Guinéen », il jouent en public une version de 60 minutes de Soundiata, l’épopée traditionnellement contée par les griots. C’est également le premier groupe guinéen à introduire dans un orchestre un orgue électronique, souvent remplacé par le balafon, instrument à bois d’Afrique de l’ouest proche d’un grand xylophone.
La juxtaposition d’instruments souligne le solide ancrage de l’orchestre dans le concept d’authenticité. Dans le but de réhabiliter la musique guinéenne, il fusionnent chansons traditionnelles locales et musique cubaine et jazz (des styles qui ne sont pas considérés comme occidentaux ou étrangers puisqu’à l’époque ils sont joués par des musiciens noirs, descendants africains). Les enregistrements Syliphone de l’orchestre leur vaut une renommée internationale et en 1971 on leur remet le prestigieux Grand Prix du Disque de l’Académie Charles-Cros pour leur 33 tours avec Kouyaté Sory Kandia. Seul Keletigui réussit à marier avec autant de mæstria les épopées des griots chantées par Kouyaté Sory Kandia et ses envolées vocales dans une formation d’orchestre. La tâche lui est toutefois rendue un peu moins ardue par la stature des musiciens du groupe. Momo « Wendel » Soumah au saxophone, par exemple , est un atout de poids à lui seul, ses solos rappelant ceux des grands du jazz tels que John Coltrane et Ornette Coleman. Les cuivres de l’orchestre, qui vont jusqu’à compter sept musiciens, un record en Guinée, sont les meilleurs du pays. Et on ne peut oublier Linke Condé à la guitare solo, l’un des meilleurs solistes avec Sékou « Diamond Fingers » Diabaté et son cousin Sékou « Le Docteur » Diabaté. Keletigui et ses Tambourinis sont les ambassadeurs de la musique guinéenne et une référence pour presque toute une génération. Ils parcourent le monde, ce qui, dans les années 1970, veut dire Berlin, Cuba, Moscou et bien d’autres destinations en Afrique.
Pourtant, dans les années 1980 la situation économique difficile de la Guinée oblige le gouvernement à revoir sa politique et le mène à une privatiser progressivement les entreprises nationales. En 1983, le président Sékou Touré rencontre les orchestres nationaux et leur propose de choisir entre continuer à être sponsorisés par l’état ou être privatisés. Les orchestres choisissent la deuxième option, et après 25 ans de carrière étant que fonctionnaires d’état, ils décrochent leur liberté. Mais tout cela prend fin brutalement l’année suivante. Sékou Touré meurt soudainement, suite à une opération du cœur, et le coup d’état militaire qui s’ensuit une semaine plus tard chasse le parti du pouvoir. La politique culturelle de l’authenticité et les concours d’art annuels qui avaient prospérés pendant une génération sont rapidement abandonnés. Nombre de ces orchestres ne rejoueront jamais, même si certains décident de persévérer malgré l’adversité. L’orchestre de Keletigui continue de se produire régulièrement à la Paillote et peut encore y être entendu aujourd’hui.
Tout au long de ces quarante années, le groupe a perdu un grand nombre de ses membres et Keletigui Traoré décède le 11 novembre 2008. Il est enterré lors de funérailles d’état au cimetière de Camayenne. Il était le père de la musique guinéenne moderne et son décès représente une perte immense.
Et même si l’authenticité n’existe plus aujourd’hui, elle a si bien rempli sa mission de donner un nouveau souffle à la musique guinéenne que d’autres pays de la région ont adopté des modèles semblables. Certains d’ailleurs, tel que la Biennale du Mali, existent encore aujourd’hui. Dans les années 60 et 70, la modernisation de la musique traditionnelle africaine relève néanmoins d’un concept radical et les compositions de Keletigui et ses Tambourinis sont révolutionnaires. L’héritage du groupe réside dans le fait qu’ils ont réussi à montrer au monde que les racines du jazz, du blues et de la musique cubaine sont en Afrique et qu’ils ont ainsi créer un style musical reconnu aujourd’hui comme un classique de la musique populaire africaine.
Toutefois, cet injonction ne s’appliquait pas à la musique de Cuba ni au Jazz car d’une part, dans un monde en pleine guerre froide, Castro et Cuba étaient des alliés de la Guinée et d’autre part, ces deux musiques étaient jouées par des musiciens noirs, descendants africains et qui étaient par conséquent considérés comme faisant partie de la grande famille africaine. Le mélange résultant de tout cela fit de la Guinée un fer de lance de l’expérimentation musicale et contribua à planter le décor de la musique africaine actuelle.
Malheureusement, Keletigui Traoré, le chef de l’orchestre, décéda en Novembre 2008 à l’âge de 74 ans et, même si le groupe joue encore aujourd’hui (tous les samedi soir à "La Paillote" à Conakry), son décès représente une grande perte. La musique de ces CDs témoigne de son énergie exceptionnelle … et de conditions qui ne seront peut être plus jamais réunies.
"Lorsqu’un homme voit une femme de Touba, il doit faire attention, de peur que la chique lui tombe de la bouche » (extrait des paroles traduites de "Toubaka")
Dans la période post-indépendance des années 1960 et 1970, la musique guinéenne est au cœur de la renaissance culturelle africaine. Avec la fin de l’ère coloniale, les gouvernements à travers tout le continent cherchent un moyen d’insuffler une énergie culturelle nouvelle et de promouvoir le nationalisme. En Guinée, le gouvernement de Sékou Touré lance une politique culturelle révolutionnaire connue sous le nom d’authenticité qui va permettre de moderniser et de réhabiliter les arts de la scène par le biais de l’action directe du gouvernement. Les artistes sont invités à se pencher sur les pratiques culturelles autochtones et à les incorporer à leurs nouveaux travaux. Pour les musiciens, cela signifie puiser leur inspiration dans les styles musicaux traditionnels. L’impact de l’authenticité sur la musique guinéenne est si révolutionnaire qu’il change la face de la musique populaire, non seulement en Guinée mais à travers tout le continent. L’orchestre de Keletigui Traoré est à l’avant-garde de la révolution culturelle guinéenne et est le fer de lance du mouvement de l’authenticité. Leurs enregistrements Syliphone font partie des premiers morceaux sortis par le gouvernement et leur style si particulier ouvre la voie à leurs successeurs tels que le Bembeya Jazz.
“A chaque peuple sa culture”. Entre 1958 et 1984, la Guinée est dirigée par le Président Touré et son parti, le Parti Démocratique de Guinée (PDG). Sous son règne, Touré consacre une grande partie du budget national à la mise en œuvre de l’authenticité en Guinée. Des troupes d’artistes, comprenant un chœur, une compagnie de danseurs, une troupe de théâtre, et un ensemble musical traditionnel, sont alors créés dans les villes et villages de tout le pays. Ces formations s’affrontent lors de concours artistiques nationaux pour remporter les prix en jeu. Chacune des 35 régions guinéennes est également représentée par un orchestre modern. Pour former et équiper ces groupes, le gouvernement envoie des musiciens aguerris à travers le pays. Cette poignée de musiciens, dont Balla Onivogui et Keletigui Traoré, se sont déjà forgé une réputation avant l’indépendance. L’influence de ces deux musiciens est telle que le gouvernement guinéen les nomme tous les deux à la tête de leur propre orchestre national, d’où la création de Balla et les Balladins et de Keletigui et ses Tambourinis. L’influence de ces orchestres sur la musique guinéenne et africaine est incommensurable. Cette compilation sur double CD illustre le génie musical qui séduisit et inspira toute une génération. Beaucoup de chansons apparaissent pour la première fois sur CD, et ce travail recueille les efforts de collectionneurs et ainsi que des archives du monde entier.
Keletigui Traoré est né à Conakry le 26 mai 1934. Après avoir fini l’école primaire, il développe un vif intérêt pour la musique. Son premier instrument est le banjo, mais il joue également de l’accordéon, de la guitare et de la basse. En 1951, il intègre son premier groupe et prend des cours de saxophone auprès de deux français. De 1953 à 1956, il joue aux côtés du Joviale Symphonie, un orchestre créé dans les années 1930. Il joue de la musique européenne pour la clientèle française de l’Hôtel de France. L’orchestre compte alors parmi ses membres Kanfoury Sanoussi et Momo « Wandel » Soumah. En 1956, les gérants de l’Hôtel de France quittent la Guinée et Keletigui rachète les instruments de l’orchestre et forme un nouveau groupe, le Harlem Jazz.
Ils sont considérés comme le meilleur orchestre de Conakry et tiennent le devant de la scène musicale jusqu’à l’indépendance en septembre 1958. En mars 1959, lors du premier congrès de la Jeunesse de la Révolution Démocratique Africaine (JRDA), les jeunesses du PDG, il est décidé de dissoudre tous les groupes privés guinéens. Sous Sékou Touré, l’époque des groupes guinéens jouant de la musique étrangère ou française est révolue. Le président annonce à la radio nationale que « si l’on ne sait pas jouer la musique de son propre pays, il est préférable d’arrêter de jouer complètement ». Des musiciens tels que Keletigui, Momo Wandel et Balla Onivagui sont invités à rejoindre un nouveau groupe, le Syli Orchestre National, créé par le gouvernement guinéen et dirigé par Kanfori Sanoussi. Ce groupe « de chambre » rassemble l’élite des musiciens guinéens.
Le gouvernement confie aux membres de l’orchestre la lourde responsabilité de former de jeunes musiciens à travers le pays aux rudiments de la composition et de la technique. Le Syli Orchestre National forme donc un grand nombre des groupes qui vont constituer la trame du réseau d’orchestres régionaux de Guinée. Grâce à leurs efforts, la musique guinéenne se développe rapidement dès le début des années 1960 et l’orchestre Syli Orchestre National grandit tellement qu’il est dissout à son retour du 8ème Festival de la Jeunesse et des Étudiants (même si plus tard il se reformera lors de divers événements d’envergure tels que le premier Festival Culturel Panafricain organisé à Alger, en 1969, où ils remportent la médaille d’argent). La séparation de l’orchestre donne lieu à la création de deux nouveaux groupes. Keletigui est nommé chef d’orchestre de l’un, alors que Balla Onivogui prend la direction de l’autre. L’orchestre de Keletigui prend résidence à la Paillote et enregistre aux studios de la Voix de la Révolution à Conakry sous le nom de l’Orchestre de la Paillote. Au milieu des années 1960, l’orchestre est rebaptisé Keletigui et ses Tambourinis. En 1967, lors du premier « Concert Guinéen », il jouent en public une version de 60 minutes de Soundiata, l’épopée traditionnellement contée par les griots. C’est également le premier groupe guinéen à introduire dans un orchestre un orgue électronique, souvent remplacé par le balafon, instrument à bois d’Afrique de l’ouest proche d’un grand xylophone.
La juxtaposition d’instruments souligne le solide ancrage de l’orchestre dans le concept d’authenticité. Dans le but de réhabiliter la musique guinéenne, il fusionnent chansons traditionnelles locales et musique cubaine et jazz (des styles qui ne sont pas considérés comme occidentaux ou étrangers puisqu’à l’époque ils sont joués par des musiciens noirs, descendants africains). Les enregistrements Syliphone de l’orchestre leur vaut une renommée internationale et en 1971 on leur remet le prestigieux Grand Prix du Disque de l’Académie Charles-Cros pour leur 33 tours avec Kouyaté Sory Kandia. Seul Keletigui réussit à marier avec autant de mæstria les épopées des griots chantées par Kouyaté Sory Kandia et ses envolées vocales dans une formation d’orchestre. La tâche lui est toutefois rendue un peu moins ardue par la stature des musiciens du groupe. Momo « Wendel » Soumah au saxophone, par exemple , est un atout de poids à lui seul, ses solos rappelant ceux des grands du jazz tels que John Coltrane et Ornette Coleman. Les cuivres de l’orchestre, qui vont jusqu’à compter sept musiciens, un record en Guinée, sont les meilleurs du pays. Et on ne peut oublier Linke Condé à la guitare solo, l’un des meilleurs solistes avec Sékou « Diamond Fingers » Diabaté et son cousin Sékou « Le Docteur » Diabaté. Keletigui et ses Tambourinis sont les ambassadeurs de la musique guinéenne et une référence pour presque toute une génération. Ils parcourent le monde, ce qui, dans les années 1970, veut dire Berlin, Cuba, Moscou et bien d’autres destinations en Afrique.
Pourtant, dans les années 1980 la situation économique difficile de la Guinée oblige le gouvernement à revoir sa politique et le mène à une privatiser progressivement les entreprises nationales. En 1983, le président Sékou Touré rencontre les orchestres nationaux et leur propose de choisir entre continuer à être sponsorisés par l’état ou être privatisés. Les orchestres choisissent la deuxième option, et après 25 ans de carrière étant que fonctionnaires d’état, ils décrochent leur liberté. Mais tout cela prend fin brutalement l’année suivante. Sékou Touré meurt soudainement, suite à une opération du cœur, et le coup d’état militaire qui s’ensuit une semaine plus tard chasse le parti du pouvoir. La politique culturelle de l’authenticité et les concours d’art annuels qui avaient prospérés pendant une génération sont rapidement abandonnés. Nombre de ces orchestres ne rejoueront jamais, même si certains décident de persévérer malgré l’adversité. L’orchestre de Keletigui continue de se produire régulièrement à la Paillote et peut encore y être entendu aujourd’hui.
Tout au long de ces quarante années, le groupe a perdu un grand nombre de ses membres et Keletigui Traoré décède le 11 novembre 2008. Il est enterré lors de funérailles d’état au cimetière de Camayenne. Il était le père de la musique guinéenne moderne et son décès représente une perte immense.
Et même si l’authenticité n’existe plus aujourd’hui, elle a si bien rempli sa mission de donner un nouveau souffle à la musique guinéenne que d’autres pays de la région ont adopté des modèles semblables. Certains d’ailleurs, tel que la Biennale du Mali, existent encore aujourd’hui. Dans les années 60 et 70, la modernisation de la musique traditionnelle africaine relève néanmoins d’un concept radical et les compositions de Keletigui et ses Tambourinis sont révolutionnaires. L’héritage du groupe réside dans le fait qu’ils ont réussi à montrer au monde que les racines du jazz, du blues et de la musique cubaine sont en Afrique et qu’ils ont ainsi créer un style musical reconnu aujourd’hui comme un classique de la musique populaire africaine.
Sory Kandia Kouyaté était un de ces hommes se trouvant au bon endroit au bon moment.
Issu d’une famille de musiciens et de conteurs, dans les jours foudreux précédant l’indépendance de la Guinée, il quitte la cour royale d’un dirigeant local pour rejoindre une communauté d’artistes et de futurs politiciens révolutionnaires. Jusqu’en 1958, l’année de l’indépendance de la Guinée, il était au summum de son pouvoir.
Le président et son gouvernement l’ont compris et Sorry Kandia Kouyaté, à son tour, a comprit et embrassé la révolution. Il devient ’l’ambassadeur musical’ de sa nouvelle nation indépendante et, en tant que ’ la voix de la Révolution’, représenta la Guinée aux Nations Unies, à travers l’Afrique et derriere le rideau de fer.
Sur cet opus de 2 CD, nous présentons deux facettes de sa musique, la contemporaine et la traditionnelle pour expliquer pourquoi aujourd’hui, près de quarante ans après sa mort, il reste un artiste aimé et respecté.
« DE L’EPOPEE MANDINGUE AUX SOLEILS DES INDEPENDANCES »
Ceux qui ne l’ont jamais rencontré ou vraiment connu de son vivant, sont
encore plus prolixes pour décrire la somptuosité de la voix de ce phénomène
artistique, la majesté de ses gestes, la sublimité de son vocabulaire,
constamment enrichi par la tradition. La voix de Sory Kandia Kouyaté - car il
s’agit bien de lui- est fidèle aux canons de la musique africaine : langage et
rythme, fonctionnalité et historicité.
Parlant de Sory Kandia Kouyaté, l’ethnomusicologue Henri Lecomte écrit : «
Celui-ci, a été une des voix les plus aimées de l’ouest africain … Sa mort, le 25
décembre 1977, a été douloureusement ressentie dans toute l’Afrique de
l’ouest. Comme nombre de musiciens de la région, il s’est aussi bien exprimé
dans un contexte très traditionnel, accompagné par son propre ngoni, le bala
de Djéli Sory Kouyaté et la kora de Sidikiba Diabaté, que dans un contexte
moderne avec les claviers et le saxophone de Kèlètigui Traoré ». De lui, un
confrère écrivait, incognito, en 1964 : ’’musicien sensible et fin, Kouyaté Sory
Kandia n’égraine sur sa guitare que les notes veloutées de l’amour, l’amour du
bien et de la vie, et sa puissante voix ne s’élève jamais que pour chanter les
vertus traditionnelles de la société africaine dont il sait les moindres les
principes sur le bout de ses doigts.’’
Ibrahim Sory dit ’’Kandia’’ appartient à la grande famille des Kouyaté. Un
descendant direct de Balla Fassèkè Kouyaté, (une altération linguistique de
l’expression « Bala fo sèkè » qui signifie « joue maintenant le bala,
Epervier ! », l’épervier étant le nom totémique des Kouyaté), illustre ’’dyéli’’
de Soundiata KEITA, ’’Le roi miraculé’’, le grand fondateur de l’Empire du
Mali en Afrique de l’Ouest.
Kandia vint au monde en 1933, dans le petit village de Manta, actuelle sous
préfecture de Bodié (ville de Dalaba), à plus de 400 km de Conakry, la capitale
guinéenne. Il n’a pas deux ans, quand sa mère décède. Cette mort le marquera à vie. Il composera plus tard pour elle, ’’N’nah’’ en langue malinké ‘’ma mère’’, l’une de ses plus belles chansons.
En 1939, alors qu’il n’a que six ans, Kandia sait déjà caresser et pincer avec
amour le ‘’koni’’, son ’’instrument-jouet’’, offert par papa, et que ses petites
mains couvrent à peine. Son père Djéli Mady Kouyaté, en maître pétri de
savoir, l’initie très tôt à l’histoire africaine. Dès l’âge de 7 ans, il lui enseigne la
vaste généalogie des immortels du Manding. Musique et tradition orale
s’interpénètrent dans sa pédagogie. Maître du verbe et fin joueur de koni, par mnémotechnique, il lui apprend à jouer de cette guitare tétracorde
traditionnelle, son instrument de prédilection. Djéli Mady veut voir son enfant
le faire ‘’parler’’ selon les canons propres à sa culture. Les gestes épiques du
Mandé lui sont inculquées : Soundiata, Douga, Boloba, Malissadio, Fama
Denkè, Djankè Wali, Touraman, etc.
Pétri de traditions mandingues, de 1947 à 1949, Kandia rejoint la cour royale
de Mamou, où son étincelante voix ravit l’Almamy et son aréopage de
théocrates. Il impressionne aussi tous les courtisans et autres visiteurs. Sa
renommée grandit ainsi et franchit les hauteurs du Foutah Djalon, pour
s’étendre vertigineusement à de nombreuses contrées.
Une divine invitation lui est faite de Conakry par un ami, qui souhaite lui faire
découvrir la capitale guinéenne, et le faire connaitre aussi aux « fins
mélomanes du coin ». L’Almamy de Mamou, affable à son endroit, comme un
père aimant, lui accorde volontiers une semaine de ‘’liberté’’. Son succès dans
la capitale est si immense, que le séjour se prolonge tout naturellement. Dans la fièvre de Conakry, Kandia se fait des amitiés dans tous les milieux, des artistes aux hommes politiques du parti RDA (Rassemblement Démocratique Africain). C’est pendant ce séjour qu’il s’achète ce qu’on appelle alors, ’’la guitare des blancs’’, une guitare acoustique espagnole.
Un jour à Conakry, en spectacle, son micro lâche. Kandia dépose soudain le
micro et chante à gorge déployée, de la manière la plus naturelle. Stupéfaction
générale ! Kandia brave le micro et sa voix dans son jaillissement naturel
enveloppe l’auditoire et l’étonne. Ce coup de maître, l’élève ne l’avait appris de
personne !
Au cours d’une soirée organisée en 1951, à l’occasion d’une tournée du
Président Sékou Touré à Labé, Kandia anime avec virtuosité la cérémonie. M.
Sékou Touré est séduit ; il l’invite alors personnellement à le rejoindre à
Conakry. La puissance vocale de l’artiste avait eu une telle attirance sur les
foules, qu’il est évident que l’homme politique avait flairé l’effet qu’il pouvait
avoir pour mobiliser les militants à ses meetings.
Kandia avait une grande voix et, comme l’écrit un critique d’art : "Une grande
voix, en pays mandingue, c’est un don occulte, souvent entaché de magie ; c’est un pouvoir, acquis par l’initiation autant que par l’étude - le pouvoir de
manipuler les émotions des gens. Et ce pouvoir, a un tel impact sur la société
mandingue qu’il a fait l’objet d’une stricte codification : ceux qui le détiennent
sont des êtres à part, à la fois révérés et proscrits, plus proches des féticheurs
que du commun des hommes."
En 1952, à dix neuf ans, Kandia est un resplendissant adolescent, un artiste
extraordinairement complet. Sa voix de mezzo-soprano et ses gestes de
« candy charmant », hypnotisent tous ceux qu’il croise sur les sentiers et chemins de sa précoce consécration. Son succès le surprend lui-même, mais ne lui fait pas pousser d’ergots. Après les succès de Mamou, le triomphe de
Conakry et un bref séjour à Manta, Kandia décide de se fixer pour un temps à
Labé au coeur du Foutah Djalon. Motivé, le coeur empli d’ambitions nobles, il
va y constituer son premier ensemble traditionnel de 12 membres. Heureuse
coïncidence ou destinée ? Six mois après, l’intellectuel et artiste guinéen, Keita
Fodéba fondait les Ballets Africains.
Kandia va intégrer cet ensemble sur recommandation expresse de ses amis. Il
lui apportera un souffle vivifiant de compositions du terroir, des airs forains,
des fêtes villageoises, de sagesses moulées dans la courtoisie paysanne. Il y
apporte des oeuvres de qualité dont la mixité rurale et urbaine en faisait des
pierres rares. Sur sa lancée de prosélyte génial, les villes de Kankan, Siguiri et
Dakar, seront pour lui des étapes essentielles vers la consécration
internationale.
En 1956, la France sera la première escale à lui ouvrir les bras et le coeur. Une
tournée euphorique dans les provinces, puis Kandia entre en studio et enregistre chez Vogue, son premier microsillon 45 Tours, sur lequel il dépose
généreusement plusieurs titres dont : Nina, Toubaka, Malissadio et Chants de
réjouissance.
Le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne fédérale, Kandia sillonne presque
toute l’Europe y compris l’Est. L’URSS, les Etats-Unis et la Chine lui
déroulent tour à tour, émerveillés, un tapis de star. Satisfaction totale des
publics ! C’est une tournée triomphale ! Mais les succès ne lui montent pas à la tête, car Kandia aime passionnément la Guinée et l’Afrique. Malgré toutes les mirobolantes propositions qui lui sont faites ici et là, à travers le monde,
Kandia préfère faire son premier tour d’Afrique de la chanson : Côte d’Ivoire,
Gambie, Sénégal, etc. Tous applaudissent l’exceptionnel trouvère et ses frères.
La même année au Festival de Bamako, les Guinéens enlèvent le trophée.
Kandia est de la partie. Voilà sa première consécration continentale !
1958. Et vint la liberté ! Le 2 octobre l’indépendance de la Guinée est
proclamée. La mission du chantre-poète, philosophe et historien, va éclater
sous « le soleil de l’indépendance ». Il rejoint aussitôt les Ballets Africains
nouvelle formule. Ensemble, ils séjournent aux Etats-Unis. Un enthousiasme
délirant salue un peu partout cette première sortie des Ballets rénovés et
labélisés : « Les Ballets Africains de la République de Guinée ».
A peine de retour à Conakry, les Ballets Africains repartent avec Kandia pour
l’Autriche. Il réalise un duo de rêve en chantant avec altesse en compagnie de
la célèbre vedette Paul Robeson. Superbe, Kandia se propulse dans un vibrato
final qui rappelle aux Occidentaux les ‘’cantadores espagnoles’’. Ce qui
l’amuse, lui qui descend des montagnes de son Fouta Djalon natal. Légitiment
fier, Kandia exulte et ses amis jubilent. Ils vivent ces appréciations comme un hommage à la participation africaine, à travers la République de Guinée. Autre
surprise, à Boston, devant un parterre fourni de diplomates, le chantre entonne l’hymne national de la République de Guinée, sur l’air d’Alpha Yaya. Plébiscite général. Son chemin artistique croise la gloire qui va l’étreindre jalousement et continument.
En 1964, à l’aune de ses extraordinaires performances, Kandia est nommé
directeur-adjoint du Ballet national Djoliba. Il y travaillera cinq ans. Ouvert et
dispos, il va innover, dépoussiérer les pas de danse du groupe, en inventoriant
les originalités de chaque ère géoculturelle du pays. Il fait appel à des
costumiers, des décorateurs, des rythmiciens, des danseurs et chanteurs qui font merveille. En sa compagnie, ce ballet est auréolé des plus belles palmes
artistiques dont, en 1966, la Médaille d’or du Festival International du
Folklore, en Sicile.
En 1969, au Festival Panafricain des Arts et de la Culture en Algérie, le
continent s’incline devant la Guinée et lui décerne la coupe d’honneur (argent)
de solo. C’est alors le rush impitoyable vers le palmarès et les décorations.
Kandia et ses amis parcourent encore l’Afrique : la Tanzanie, la Sierra-Léone,
le Libéria, la Côte d’Ivoire, etc. Toujours à la recherche de nouvelles sonorités
africaines, de nouveaux mélanges audacieux, Kandia se fait accompagner par
l’orchestre national Kèlètigui Traoré et ses Tambourinis dans une série
d’interprétations et de compositions exceptionnelles. Les titres Conakry,
Fouaba, Tinkisso, N’na resteront à jamais des classiques de la musique
guinéenne. Le Grand Prix de l’Académie Charles Cros 70, sanctionne
l’heureuse initiative par un disque d’or à la dimension de l’artiste.
Poussé par la passion de la perfection et de la rénovation, Kandia trouve son
épanouissement dans les sessions avec les musiciens africains novateurs.
L’inénarrable joueur de kora malien, Sidikiba Diabaté, est à ses yeux, une de
ces références qui méritent le respect, par la noblesse de son jeu avec les 21
cordes de son instrument magique. Ils vont enregistrer aux Editions
Syliphone, en trois volumes 33 tours, « L’épopée Mandingue », l’une des plus
belles pages de la musique traditionnelle de l’Afrique occidentale. Le dernier
chef d’oeuvre du chantre au faîte de son art. Message de fidélité et de vérité
historique dédié à la postérité.
L’Ensemble instrumental et choral de la ’’Voix de la Révolution’’, créé le 4
janvier 1961, sur initiative personnelle du président Ahmed Sékou Touré, est
placé sous sa direction. La mission de l’Ensemble est claire : composer,
adapter, orchestrer et interpréter les airs populaires, pour que demeure en
mémoire l’histoire de la patrie. L’expérience apparait comme un véritable
laboratoire de la musique traditionnelle africaine et Kandia devient la ’’Voix de
l’Afrique’’ avant Miriam Makéba !
Aux festivals de Tunis et de Berlin en 1973, Kandia le directeur général de l’Ensemble instrumental et choral de la Voix de la Révolution, qu’il est, irradie
les coeurs des spectateurs de bonheur. Partout, des salles combles, qu’il fait
exploser de sa voix ample et belle. Il accomplit en 1974 ses obligations
religieuses, en se rendant aux Lieux Saints de l’Islam, sur une offre gracieuse
du Parti Démocratique de Guinée. Devenu El Hadj Sory Kandia, avec ses deux
épouses et ses sept enfants, l’artiste fête sa foi en un Dieu unique. Il n’était
pourtant pas un fanatique. C’est pourquoi avec le turban et la djellaba, Kandia a encore chanté à travers le monde ! Le parti au pouvoir, le PDG, le distinguera comme Médaillé d’honneur du travail.
L’histoire sociopolitique africaine retiendra que Kandia, en aède, fin
connaisseur de us et coutumes des différentes populations ouest africaines,
savait utiliser à bon escient les ressorts de la tradition, pour atteindre des
objectifs de paix et de quiétude.
L’auteur Siriman Kouyaté raconte dans son ouvrage « Cousinages à
plaisanteries », comment Kandia s’est servi de la pratique du cousinage comme ‘’outil d’apaisement’’ : « Sory Kandia Kouyaté sut en faire bon usage en 1975, entre les présidents Sangoulé Lamizana de Haute Volta et Moussa Traoré du Mali dont les deux pays étaient en guerre. El Hadj Sory Kandia fut un des artisans, et pas des moindres, de la réconciliation. Grâce à sa voix et à sa connaissance de l’histoire africaine, il sut dans une version extraordinaire de la geste des braves « Djandjon », inviter les deux chefs à dépasser les querelles intestines et à voir en grand l’avenir d’un continent uni et fort. Kandia n’hésita pas un seul instant, devant Sékou Touré et de nombreux invités, à exhorter les deux présidents à s’embrasser, après avoir narré avec une inoubliable éloquence, la force des liens historiques entre les deux hommes et les deux pays, en minimisant et en ironisant au passage, les contradictions et rivalités présentes ».
Je revois encore Kandia au Main Hall du Théâtre National de Lagos, au Festac
77, retraçant avec une verve inégalée la tumultueuse histoire de l’Afrique. Je le revois, ce musicien au sensible doigté et aux notes profondes qui, de sa voix
transperçait innocemment le coeur de ce public cosmopolite. Après Lagos,
Kandia et l’Ensemble Instrumental sont au mois de mai 1977 en Haute-Volta,
l’actuel Burkina Faso. Sa dernière sortie continentale.
Le 25 décembre 1977, revenant d’un spectacle de la ville de Coyah, quelque 50 Km de Conakry, Kandia est terrassé par des douleurs atroces. Le véhicule
s’immobilisera dans la brousse. Hélas, les artistes atterrés n’y pourront rien. La
vie venait de refermer ses portes sur un destin brillant, un artiste exceptionnel. Kandia s’éteint à 44 ans. Il est élevé, à titre posthume au rang de Commandeur de l’Ordre National. Il disparait laissant derrière lui les sillons d’une vie bien remplie, que la mort ne saurait effacer de la mémoire des mélomanes du monde.
Ce coffret spécial réalisé par Radio France Internationale, Syllart
Productions et Sterns Music, est un bel hommage à Sory Kandia Kouyaté, cet artiste qui a su chanter les grandes épopées africaines, afin que de générations en générations,les hommes se souviennent que l’Afrique a bien son Histoire. Pour que ‘’les soleils des indépendances ne s’éteignent jamais, malgré les éblouissements, les égarements des fils de ce continent, qui ne doit plus courber l’échine que pour travailler et, continuer à écrire son Histoire !
Justin Morel Junior
Issu d’une famille de musiciens et de conteurs, dans les jours foudreux précédant l’indépendance de la Guinée, il quitte la cour royale d’un dirigeant local pour rejoindre une communauté d’artistes et de futurs politiciens révolutionnaires. Jusqu’en 1958, l’année de l’indépendance de la Guinée, il était au summum de son pouvoir.
Le président et son gouvernement l’ont compris et Sorry Kandia Kouyaté, à son tour, a comprit et embrassé la révolution. Il devient ’l’ambassadeur musical’ de sa nouvelle nation indépendante et, en tant que ’ la voix de la Révolution’, représenta la Guinée aux Nations Unies, à travers l’Afrique et derriere le rideau de fer.
Sur cet opus de 2 CD, nous présentons deux facettes de sa musique, la contemporaine et la traditionnelle pour expliquer pourquoi aujourd’hui, près de quarante ans après sa mort, il reste un artiste aimé et respecté.
« DE L’EPOPEE MANDINGUE AUX SOLEILS DES INDEPENDANCES »
Ceux qui ne l’ont jamais rencontré ou vraiment connu de son vivant, sont
encore plus prolixes pour décrire la somptuosité de la voix de ce phénomène
artistique, la majesté de ses gestes, la sublimité de son vocabulaire,
constamment enrichi par la tradition. La voix de Sory Kandia Kouyaté - car il
s’agit bien de lui- est fidèle aux canons de la musique africaine : langage et
rythme, fonctionnalité et historicité.
Parlant de Sory Kandia Kouyaté, l’ethnomusicologue Henri Lecomte écrit : «
Celui-ci, a été une des voix les plus aimées de l’ouest africain … Sa mort, le 25
décembre 1977, a été douloureusement ressentie dans toute l’Afrique de
l’ouest. Comme nombre de musiciens de la région, il s’est aussi bien exprimé
dans un contexte très traditionnel, accompagné par son propre ngoni, le bala
de Djéli Sory Kouyaté et la kora de Sidikiba Diabaté, que dans un contexte
moderne avec les claviers et le saxophone de Kèlètigui Traoré ». De lui, un
confrère écrivait, incognito, en 1964 : ’’musicien sensible et fin, Kouyaté Sory
Kandia n’égraine sur sa guitare que les notes veloutées de l’amour, l’amour du
bien et de la vie, et sa puissante voix ne s’élève jamais que pour chanter les
vertus traditionnelles de la société africaine dont il sait les moindres les
principes sur le bout de ses doigts.’’
Ibrahim Sory dit ’’Kandia’’ appartient à la grande famille des Kouyaté. Un
descendant direct de Balla Fassèkè Kouyaté, (une altération linguistique de
l’expression « Bala fo sèkè » qui signifie « joue maintenant le bala,
Epervier ! », l’épervier étant le nom totémique des Kouyaté), illustre ’’dyéli’’
de Soundiata KEITA, ’’Le roi miraculé’’, le grand fondateur de l’Empire du
Mali en Afrique de l’Ouest.
Kandia vint au monde en 1933, dans le petit village de Manta, actuelle sous
préfecture de Bodié (ville de Dalaba), à plus de 400 km de Conakry, la capitale
guinéenne. Il n’a pas deux ans, quand sa mère décède. Cette mort le marquera à vie. Il composera plus tard pour elle, ’’N’nah’’ en langue malinké ‘’ma mère’’, l’une de ses plus belles chansons.
En 1939, alors qu’il n’a que six ans, Kandia sait déjà caresser et pincer avec
amour le ‘’koni’’, son ’’instrument-jouet’’, offert par papa, et que ses petites
mains couvrent à peine. Son père Djéli Mady Kouyaté, en maître pétri de
savoir, l’initie très tôt à l’histoire africaine. Dès l’âge de 7 ans, il lui enseigne la
vaste généalogie des immortels du Manding. Musique et tradition orale
s’interpénètrent dans sa pédagogie. Maître du verbe et fin joueur de koni, par mnémotechnique, il lui apprend à jouer de cette guitare tétracorde
traditionnelle, son instrument de prédilection. Djéli Mady veut voir son enfant
le faire ‘’parler’’ selon les canons propres à sa culture. Les gestes épiques du
Mandé lui sont inculquées : Soundiata, Douga, Boloba, Malissadio, Fama
Denkè, Djankè Wali, Touraman, etc.
Pétri de traditions mandingues, de 1947 à 1949, Kandia rejoint la cour royale
de Mamou, où son étincelante voix ravit l’Almamy et son aréopage de
théocrates. Il impressionne aussi tous les courtisans et autres visiteurs. Sa
renommée grandit ainsi et franchit les hauteurs du Foutah Djalon, pour
s’étendre vertigineusement à de nombreuses contrées.
Une divine invitation lui est faite de Conakry par un ami, qui souhaite lui faire
découvrir la capitale guinéenne, et le faire connaitre aussi aux « fins
mélomanes du coin ». L’Almamy de Mamou, affable à son endroit, comme un
père aimant, lui accorde volontiers une semaine de ‘’liberté’’. Son succès dans
la capitale est si immense, que le séjour se prolonge tout naturellement. Dans la fièvre de Conakry, Kandia se fait des amitiés dans tous les milieux, des artistes aux hommes politiques du parti RDA (Rassemblement Démocratique Africain). C’est pendant ce séjour qu’il s’achète ce qu’on appelle alors, ’’la guitare des blancs’’, une guitare acoustique espagnole.
Un jour à Conakry, en spectacle, son micro lâche. Kandia dépose soudain le
micro et chante à gorge déployée, de la manière la plus naturelle. Stupéfaction
générale ! Kandia brave le micro et sa voix dans son jaillissement naturel
enveloppe l’auditoire et l’étonne. Ce coup de maître, l’élève ne l’avait appris de
personne !
Au cours d’une soirée organisée en 1951, à l’occasion d’une tournée du
Président Sékou Touré à Labé, Kandia anime avec virtuosité la cérémonie. M.
Sékou Touré est séduit ; il l’invite alors personnellement à le rejoindre à
Conakry. La puissance vocale de l’artiste avait eu une telle attirance sur les
foules, qu’il est évident que l’homme politique avait flairé l’effet qu’il pouvait
avoir pour mobiliser les militants à ses meetings.
Kandia avait une grande voix et, comme l’écrit un critique d’art : "Une grande
voix, en pays mandingue, c’est un don occulte, souvent entaché de magie ; c’est un pouvoir, acquis par l’initiation autant que par l’étude - le pouvoir de
manipuler les émotions des gens. Et ce pouvoir, a un tel impact sur la société
mandingue qu’il a fait l’objet d’une stricte codification : ceux qui le détiennent
sont des êtres à part, à la fois révérés et proscrits, plus proches des féticheurs
que du commun des hommes."
En 1952, à dix neuf ans, Kandia est un resplendissant adolescent, un artiste
extraordinairement complet. Sa voix de mezzo-soprano et ses gestes de
« candy charmant », hypnotisent tous ceux qu’il croise sur les sentiers et chemins de sa précoce consécration. Son succès le surprend lui-même, mais ne lui fait pas pousser d’ergots. Après les succès de Mamou, le triomphe de
Conakry et un bref séjour à Manta, Kandia décide de se fixer pour un temps à
Labé au coeur du Foutah Djalon. Motivé, le coeur empli d’ambitions nobles, il
va y constituer son premier ensemble traditionnel de 12 membres. Heureuse
coïncidence ou destinée ? Six mois après, l’intellectuel et artiste guinéen, Keita
Fodéba fondait les Ballets Africains.
Kandia va intégrer cet ensemble sur recommandation expresse de ses amis. Il
lui apportera un souffle vivifiant de compositions du terroir, des airs forains,
des fêtes villageoises, de sagesses moulées dans la courtoisie paysanne. Il y
apporte des oeuvres de qualité dont la mixité rurale et urbaine en faisait des
pierres rares. Sur sa lancée de prosélyte génial, les villes de Kankan, Siguiri et
Dakar, seront pour lui des étapes essentielles vers la consécration
internationale.
En 1956, la France sera la première escale à lui ouvrir les bras et le coeur. Une
tournée euphorique dans les provinces, puis Kandia entre en studio et enregistre chez Vogue, son premier microsillon 45 Tours, sur lequel il dépose
généreusement plusieurs titres dont : Nina, Toubaka, Malissadio et Chants de
réjouissance.
Le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne fédérale, Kandia sillonne presque
toute l’Europe y compris l’Est. L’URSS, les Etats-Unis et la Chine lui
déroulent tour à tour, émerveillés, un tapis de star. Satisfaction totale des
publics ! C’est une tournée triomphale ! Mais les succès ne lui montent pas à la tête, car Kandia aime passionnément la Guinée et l’Afrique. Malgré toutes les mirobolantes propositions qui lui sont faites ici et là, à travers le monde,
Kandia préfère faire son premier tour d’Afrique de la chanson : Côte d’Ivoire,
Gambie, Sénégal, etc. Tous applaudissent l’exceptionnel trouvère et ses frères.
La même année au Festival de Bamako, les Guinéens enlèvent le trophée.
Kandia est de la partie. Voilà sa première consécration continentale !
1958. Et vint la liberté ! Le 2 octobre l’indépendance de la Guinée est
proclamée. La mission du chantre-poète, philosophe et historien, va éclater
sous « le soleil de l’indépendance ». Il rejoint aussitôt les Ballets Africains
nouvelle formule. Ensemble, ils séjournent aux Etats-Unis. Un enthousiasme
délirant salue un peu partout cette première sortie des Ballets rénovés et
labélisés : « Les Ballets Africains de la République de Guinée ».
A peine de retour à Conakry, les Ballets Africains repartent avec Kandia pour
l’Autriche. Il réalise un duo de rêve en chantant avec altesse en compagnie de
la célèbre vedette Paul Robeson. Superbe, Kandia se propulse dans un vibrato
final qui rappelle aux Occidentaux les ‘’cantadores espagnoles’’. Ce qui
l’amuse, lui qui descend des montagnes de son Fouta Djalon natal. Légitiment
fier, Kandia exulte et ses amis jubilent. Ils vivent ces appréciations comme un hommage à la participation africaine, à travers la République de Guinée. Autre
surprise, à Boston, devant un parterre fourni de diplomates, le chantre entonne l’hymne national de la République de Guinée, sur l’air d’Alpha Yaya. Plébiscite général. Son chemin artistique croise la gloire qui va l’étreindre jalousement et continument.
En 1964, à l’aune de ses extraordinaires performances, Kandia est nommé
directeur-adjoint du Ballet national Djoliba. Il y travaillera cinq ans. Ouvert et
dispos, il va innover, dépoussiérer les pas de danse du groupe, en inventoriant
les originalités de chaque ère géoculturelle du pays. Il fait appel à des
costumiers, des décorateurs, des rythmiciens, des danseurs et chanteurs qui font merveille. En sa compagnie, ce ballet est auréolé des plus belles palmes
artistiques dont, en 1966, la Médaille d’or du Festival International du
Folklore, en Sicile.
En 1969, au Festival Panafricain des Arts et de la Culture en Algérie, le
continent s’incline devant la Guinée et lui décerne la coupe d’honneur (argent)
de solo. C’est alors le rush impitoyable vers le palmarès et les décorations.
Kandia et ses amis parcourent encore l’Afrique : la Tanzanie, la Sierra-Léone,
le Libéria, la Côte d’Ivoire, etc. Toujours à la recherche de nouvelles sonorités
africaines, de nouveaux mélanges audacieux, Kandia se fait accompagner par
l’orchestre national Kèlètigui Traoré et ses Tambourinis dans une série
d’interprétations et de compositions exceptionnelles. Les titres Conakry,
Fouaba, Tinkisso, N’na resteront à jamais des classiques de la musique
guinéenne. Le Grand Prix de l’Académie Charles Cros 70, sanctionne
l’heureuse initiative par un disque d’or à la dimension de l’artiste.
Poussé par la passion de la perfection et de la rénovation, Kandia trouve son
épanouissement dans les sessions avec les musiciens africains novateurs.
L’inénarrable joueur de kora malien, Sidikiba Diabaté, est à ses yeux, une de
ces références qui méritent le respect, par la noblesse de son jeu avec les 21
cordes de son instrument magique. Ils vont enregistrer aux Editions
Syliphone, en trois volumes 33 tours, « L’épopée Mandingue », l’une des plus
belles pages de la musique traditionnelle de l’Afrique occidentale. Le dernier
chef d’oeuvre du chantre au faîte de son art. Message de fidélité et de vérité
historique dédié à la postérité.
L’Ensemble instrumental et choral de la ’’Voix de la Révolution’’, créé le 4
janvier 1961, sur initiative personnelle du président Ahmed Sékou Touré, est
placé sous sa direction. La mission de l’Ensemble est claire : composer,
adapter, orchestrer et interpréter les airs populaires, pour que demeure en
mémoire l’histoire de la patrie. L’expérience apparait comme un véritable
laboratoire de la musique traditionnelle africaine et Kandia devient la ’’Voix de
l’Afrique’’ avant Miriam Makéba !
Aux festivals de Tunis et de Berlin en 1973, Kandia le directeur général de l’Ensemble instrumental et choral de la Voix de la Révolution, qu’il est, irradie
les coeurs des spectateurs de bonheur. Partout, des salles combles, qu’il fait
exploser de sa voix ample et belle. Il accomplit en 1974 ses obligations
religieuses, en se rendant aux Lieux Saints de l’Islam, sur une offre gracieuse
du Parti Démocratique de Guinée. Devenu El Hadj Sory Kandia, avec ses deux
épouses et ses sept enfants, l’artiste fête sa foi en un Dieu unique. Il n’était
pourtant pas un fanatique. C’est pourquoi avec le turban et la djellaba, Kandia a encore chanté à travers le monde ! Le parti au pouvoir, le PDG, le distinguera comme Médaillé d’honneur du travail.
L’histoire sociopolitique africaine retiendra que Kandia, en aède, fin
connaisseur de us et coutumes des différentes populations ouest africaines,
savait utiliser à bon escient les ressorts de la tradition, pour atteindre des
objectifs de paix et de quiétude.
L’auteur Siriman Kouyaté raconte dans son ouvrage « Cousinages à
plaisanteries », comment Kandia s’est servi de la pratique du cousinage comme ‘’outil d’apaisement’’ : « Sory Kandia Kouyaté sut en faire bon usage en 1975, entre les présidents Sangoulé Lamizana de Haute Volta et Moussa Traoré du Mali dont les deux pays étaient en guerre. El Hadj Sory Kandia fut un des artisans, et pas des moindres, de la réconciliation. Grâce à sa voix et à sa connaissance de l’histoire africaine, il sut dans une version extraordinaire de la geste des braves « Djandjon », inviter les deux chefs à dépasser les querelles intestines et à voir en grand l’avenir d’un continent uni et fort. Kandia n’hésita pas un seul instant, devant Sékou Touré et de nombreux invités, à exhorter les deux présidents à s’embrasser, après avoir narré avec une inoubliable éloquence, la force des liens historiques entre les deux hommes et les deux pays, en minimisant et en ironisant au passage, les contradictions et rivalités présentes ».
Je revois encore Kandia au Main Hall du Théâtre National de Lagos, au Festac
77, retraçant avec une verve inégalée la tumultueuse histoire de l’Afrique. Je le revois, ce musicien au sensible doigté et aux notes profondes qui, de sa voix
transperçait innocemment le coeur de ce public cosmopolite. Après Lagos,
Kandia et l’Ensemble Instrumental sont au mois de mai 1977 en Haute-Volta,
l’actuel Burkina Faso. Sa dernière sortie continentale.
Le 25 décembre 1977, revenant d’un spectacle de la ville de Coyah, quelque 50 Km de Conakry, Kandia est terrassé par des douleurs atroces. Le véhicule
s’immobilisera dans la brousse. Hélas, les artistes atterrés n’y pourront rien. La
vie venait de refermer ses portes sur un destin brillant, un artiste exceptionnel. Kandia s’éteint à 44 ans. Il est élevé, à titre posthume au rang de Commandeur de l’Ordre National. Il disparait laissant derrière lui les sillons d’une vie bien remplie, que la mort ne saurait effacer de la mémoire des mélomanes du monde.
Ce coffret spécial réalisé par Radio France Internationale, Syllart
Productions et Sterns Music, est un bel hommage à Sory Kandia Kouyaté, cet artiste qui a su chanter les grandes épopées africaines, afin que de générations en générations,les hommes se souviennent que l’Afrique a bien son Histoire. Pour que ‘’les soleils des indépendances ne s’éteignent jamais, malgré les éblouissements, les égarements des fils de ce continent, qui ne doit plus courber l’échine que pour travailler et, continuer à écrire son Histoire !
Justin Morel Junior