Zuco 103
After the Carnaval
Sortie le 2 juin 2008
Label : World Connection
Zuco 103 est ce trio de choc formé par la charismatique chanteuse carioca Lilian Vieira, Stefan « Stuv » Kruger (batteur et producteur d’Amsterdam) et Stefan Schmid (as des claviers et des samples né à Münich). Trois signatures auxquelles il faut ajouter pour la scène les fidèles Alex Oele (basse), Valentijn Bannier (guitare) et Claus Tofft (percussions). Le style Brazilectro, du nom de l’un de leurs morceaux déjantés sorti dès 1999 sur l’album Outro Lado – une flûte funky semblait y surprendre un gang de perroquets en plein trip techno – c’est eux ! Et ce n’est pas fini… Sur leur flambant album « After the Carnaval », à la fois plus éclectique et plus acoustique que les précédents, ils accueillent deux pointures de la musique brésilienne : le guitariste Sergio Cavazzioli (Gilberto Gil), et le percussionniste Marcos Suzano (Nando Reis, Titas, Lénine, Sting). Un album aussi fascinant que bariolé, combinant la joie contagieuse de sambas foldingues, de superbes ballades apaisées et ces sons électroniques qui ont fait leur réputation.
Zuco 103 est ce trio de choc formé par la charismatique chanteuse carioca Lilian Vieira, Stefan « Stuv » Kruger (batteur et producteur d’Amsterdam) et Stefan Schmid (as des claviers et des samples né à Münich). Trois signatures auxquelles il faut ajouter pour la scène les fidèles Alex Oele (basse), Valentijn Bannier (guitare) et Claus Tofft (percussions). Le style Brazilectro, du nom de l’un de leurs morceaux déjantés sorti dès 1999 sur l’album Outro Lado – une flûte funky semblait y surprendre un gang de perroquets en plein trip techno - c’est eux ! Et ce n’est pas fini… Sur leur flambant album « After the Carnaval », à la fois plus éclectique et plus acoustique que les précédents, ils accueillent deux pointures de la musique brésilienne : le guitariste Sergio Cavazzioli (Gilberto Gil), et le percussionniste Marcos Suzano (Nando Reis, Titas, Lénine, Sting). Un album aussi fascinant que bariolé, combinant la joie contagieuse de sambas foldingues, de superbes ballades apaisées et ces sons électroniques qui ont fait leur réputation.
After the Carnaval ? La fête continue !
Toujours très ouverts aux sonorités glanées dans la sono mondiale (jazz, drum’n’bass, dub, africain), Zuco 103 entend bien rester le chantre d’un Brazilectro libre et vitaminé certes, mais résolument humain, érudit, jazzy. Trois ans après le revigorant Whaa !, Zuco 103 nous revient donc sur le pied de guerre avec un de ces disques gorgés d’amour sur lesquels on flashe et frétille sans délai. Attachant et rebondissant, ce nouvel album offre une large palette de couleurs et d’harmonies qui font chaud au cœur. Preuve qu’un groupe estampillé « électro » peut aussi apporter son lot de ballades acoustiques et ses pointes de nostalgie.
L’appel de Rio
Sixième album de Zuco 103, « After the Carnaval" a été enregistré entre Rio et Amsterdam courant 2007 et sous de bons augures. D’abord, il y eût la naissance du petit garçon de Lilian Vieira, une première ! Il y eût aussi ces ateliers de musique organisés par le groupe en mars 2007 en collaboration avec Ibiss, association caritative qui œuvre à la réinsertion, par la culture et le sport, d’adolescents issus des favelas. Des jeunes qui, pour la plupart, sont enrôlés dès l’âge de dix ans dans les gangs armés contrôlant le trafic de drogue. « Une expérience puissante, témoigne Stefan Kruger. Nous avons profité à fond de l’énergie de Rio et des batucadas de ces gamins qui ont ensuite fait le voyage avec nous en Europe. Cela nous a conforté dans notre choix d’abandonner les sets avec DJ, façon sound system, et de revenir à des saveurs plus acoustiques et jazz avec des percussions qui reflètent l’ambiance samba de Rio. Nous n’en restons pas moins accrochés à la « science maracatu » du Nordeste, qui était très présente dans les rythmiques de Whaa ! On la retrouve sur « Espero », sur certaines percussions de « Madrugada », et sur le berimbau électro de « Ginga de Criança », hommage aux gamins acrobates de la capoeira.
« La base de ce disque, poursuit Schmid, ce sont les percussions, les guitares et le cavaquinho. Mes délires électros sont arrivés après. » Plus acoustique et moins axé sur le collage de samples que les albums précédents, After the Carnaval ouvre une nouvelle ère pour les trois membres du groupe, bien décidés à tenir le cap comme il se doit : en rythme et avec cette pêche d’enfer qui marque chacun de leurs concerts ! Une formule pour le moins contagieuse. Ceux qui en firent l’expérience dès 1999 autour du char de Zuco lâché en pleine Techno Parade, ou en 2005 au Cabaret Sauvage avec le légendaire Lee Scratch Perry faisant s’accroupir et s’embrasser tout le public sur le titre culte « Love is Queen Omega », ne sont pas prêts de l’oublier ! « C’est l’expérience des concerts qui nous a conforté dans l’idée de produire des titres plus acoustiques et moins tributaires de bases électros, poursuit Kruger. C’est là qu’on s’éclate le plus et que le public en redemande ! » Une joie lumineuse et souriante, donc, mais qui n’empêche pas non plus quelques plages apaisantes, à l’instar de la douce « Volta », de « Madrugada » et de « Begrimed », allusion à la « grime music » en vogue à Londres, un drum’n’bass du genre planant. Il faut aussi citer la fascinante « Pororoca », qui tient son nom de la mythologie indienne brésilienne. « Chaque année, raconte Lilian, l’océan fait déferler une grosse vague dans le fleuve Amazone. C’est un phénomène naturel bien connu et tenu pour sacré par les Indiens qui le relient à Maé d’Agua, déesse mère de l’eau et épouse de Boto Tucuxe, le dauphin rose qui, à la pleine lune, se transforme en très beau mec. Il séduit alors les jeunes filles, qui risquent de se noyer… Mais le plus beau, dans ce phénomène, c’est sans doute le calme de la nature amazonienne avant le passage de la vague. Tout s’arrête et se tait, comme avant le passage un cyclone. »
Autant d’atmosphères qui illustrent parfaitement l’idée d’un « après Carnaval » : un « after » tantôt fétide mais jamais triste, lorsque la ville se vide et la musique, bien qu’adoucie, ne peut plus s’arrêter sur sa lancée. « On va vers l’acoustique mais on ne s’interdit rien, précise Schmid. Toutes les combinaisons restent envisageables, même si parfois ça vire au casse-tête… et provoque de joyeuses engueulades ! » « On se chamaille souvent mais c’est la règle en démocratie » rigole Lilian.
Pour la première fois après plusieurs albums « made in Europe » et acclamés par la critique et le public (Outro Lado en 1999, Tales Of High Fever en 2002, Whaa ! en 2005), le groupe basé à Amsterdam a donc choisi de peaufiner ses maquettes aux studios Toca de Bandido, havre de paix caché au cœur de la cité carioca. « Un endroit magique, confirme Lilian Vieira. Les maisons sont bâties autour d’une courée et d’une piscine naturelle, cernées par de grands arbres. J’aurais bien voulu y poser mes voix mais j’étais plongée dans l’écriture de mes textes, j’y passe plus de temps et j’estime faire des progrès. Les bases instrumentales et ont été travaillées en priorité. Les voix et les samples ont été enregistrés ensuite à Amsterdam. »
Affirmant une fois de plus la capacité du trio à allier une créativité exigeante avec un esprit doux dingue, After The Carnaval est aussi marqué par la présence de deux invités de marque. Deux grands cariocas, évidemment ! Sergio Cavazzioli, fidèle guitariste de Gilberto Gil, est ici préposé aux guitares, cavaquinos et même banjos, créant la surprise de la « country samba » Fulero. On croise aussi Marcos Suzano, percussionniste spécialiste du pandeiro, et qui fut notamment compositeur de la B.O du film Madame Sata. « Pour la petite histoire, c’est un coup de bol de l’avoir eu avec nous, sourit Lilian. Il nous fallait un grand de la percussion brésilienne et nous en avions contacté un autre qui nous demandait une fortune que nous n’aurions jamais pu payer. J’ai alors eu l’idée d’appeler Marcos Suzano au culot, en cherchant son numéro dans l’annuaire, tout bêtement. Et ô quelle surprise, il m’a dit, d’emblée, qu’il adorait notre groupe et qu’il nous avait repérés en concert au Danemark ! L’avoir avec nous au Brésil, c’était comme retrouver un grand frère. Avec lui et avec le cavaquinho de Sergio, on était vraiment au cœur du Brésil. Je crois bien que Stuv et Stefan ont vécu là leurs plus belles sessions. D’ailleurs, de retour à Amsterdam pour continuer le projet, on a ressenti un vide. Alors on a décidé de retourner à Rio, pour les retrouver et pour achever l’enregistrement là où il avait commencé ! »
Charismatique et souriante, fille de musiciens amateurs carioca, Lilian est toujours partante pour gazouiller dans tous les patois possibles et imaginables. Originaires du Nordeste, ses parents ont toujours vécu au rythme de la samba et dans la religion du carnaval de Rio de Janeiro. C’est dans cette tradition, dévolue au plaisir et à la fête, que Lilian est naturellement devenue chanteuse. « Ma technique vocale n’a jamais été parfaite, loin de là. Mais j’ai fini par l’accepter telle quelle et cela m’a libérée. Après tout, ça nous arrive à tous d’être moche sur une photo ou de se trouver une voix trop bizarre sur un enregistrement. J’ai compris qu’à partir du moment où l’on sait en rire, on peut aussi en jouer et en tirer parti pour y donner de la couleur, de l’expression. »
Samba théâtralisée et sublimée
Basés à Amsterdam et demandés de par le monde, les inséparables de Zuco nourrissent toujours une passion sans bornes pour ces sonorités bien toquées qui soulèvent les cœurs et les jambes sans pour autant vous donner de mode d’emploi. A l’écoute de « Beija a mim » (saudade) et de son étonnante pulse technoïde s’entrelaçant à la voix suave de Lilian et à un clavier jazzy, on est propulsé sans délai dans un univers futuriste sublimant tous les genres et folklores, qu’ils soient bossa, techno, samba ou jazz. Ce qui n’empêche pas le groupe de passer directement à la toute mignonne « The Same Way », samba néo-classique et pétrie d’ironie où la chanteuse incarne une femme trompée mais pas dupe, réglant son compte avec son macho. « Comme dans « She » ou dans « Fulero », où je m’amuse aussi avec ces patois désuets que j’adore, c’est le chant de la haine cordiale entre deux amoureux, explique Lilian Vieira. Ces pointes de cynisme très brésiliennes, évoquent des situations universelles mais singulièrement vivaces au Brésil. Les favelas et fiestas sont indissociables, les femmes et enfants vivent dans des conditions difficiles. Mais ils ne manquent jamais de vous passer leur sourire et leur bonne énergie ».
Pour preuve, on se lâchera sans peine sur « Nunca Mais », premier single. Une fugue funk qui fleure bon le Brésil des années 70 façon Jorge Benjor, forte d’une vibration samba et néanmoins soul, musclée de beats intenses eux-mêmes accouplés à des envolées de cavaquino. Rythmiques irrépressibles et « cavaquino funk » dites-vous ? Une formule qui vous prend au corps, et qui prouve son efficacité dès les premières mesures d’autres titres tel ce remuant « Cria » ou cet implorant « Espero », écrit par Lilian à l’époque de la préparation de l’album Whaaa !, alors qu’elle pressait son petit ami de lui faire un enfant ! « Je m’y exprime en patois de Bahia et je fais ce fameux « lelelelelele », qui est une invitation à faire l’amour… J’ai toujours été attirée par les manières un peu provinciales de Bahia. C’est vrai qu’on ne comprend pas toujours ce que je raconte mais je le ressens du fond de mon cœur et je sais que c’est lié à mes racines. »
Tout aussi étonnant et encore plus théâtralisé, « Fulero » mérite plus qu’un détour et fera sans aucun doute, lui aussi, le bonheur des programmateurs radios. Zuco 103 y jette, sans complexe, les bases d’une « country samba », genre tout nouveau et mené tambour battant au son d’un banjo inattendu. Voix tour à tour grave et pincée, jeu ample et généreux, Lilian Vieira s’y livre à l’un de ces délires dont elle a le secret.
« Mélanger, combiner, expérimenter, tel est notre credo, résume Stefan Schmid, pianiste de jazz et expert en programmes électros. Sans l’âme et l’énergie de Lilian, on n’est rien. Sans la science de Stuv, véritable historien des musiques urbaines africaines et européennes, on n’est rien non plus. Et sans mes délires à me lâcher sur les machines et à tenter tout et n’importe quoi du moment que ça vienne du ventre, j’ose affirmer qu’on ne serait pas grand chose non plus ! Il y a, entre nous, autant de chamailleries que d’amour et d’inspiration. Cela donne une dynamique incroyable. »
Réécoutons le titre « She » pour s’en convaincre : Zuco 103, dans un élan qui évoque les délires de Tom Zé, de Fernada Abreu ou de Trio Mocoto dans ses bons jours, y mixe saine colère et basses tendues, chaleur humaine et tension futuriste. « C’est le cri d’une fille qui se fait tabasser mais qui a malgré tout du mal à plaquer son bourreau. Elle est en colère contre son amoureux, ce genre de type qui se comporte en gros macho mais qu’on surprend parfois à pleurer comme une fille ! J’y évoque des choses terribles tout en faisant la fête. Cela peut paraître un peu cynique mais c’est très brésilien, la joie côtoie les pires tragédies. Ainsi va la vie ! D’où cette mélodie entraînante sur des paroles qui font froid dans le dos… »
Ceci explique cela, ce nouvel album tisse une bande sonore aussi revigorante que variée. C’est bien sûr le reflet de dix ans de tournées dans le monde entier. C’est aussi le miroir de dix ans de passion commune soudant deux experts du rythme et de la production avec une chanteuse carioca pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que….
After the Carnaval ? La fête continue !
Toujours très ouverts aux sonorités glanées dans la sono mondiale (jazz, drum’n’bass, dub, africain), Zuco 103 entend bien rester le chantre d’un Brazilectro libre et vitaminé certes, mais résolument humain, érudit, jazzy. Trois ans après le revigorant Whaa !, Zuco 103 nous revient donc sur le pied de guerre avec un de ces disques gorgés d’amour sur lesquels on flashe et frétille sans délai. Attachant et rebondissant, ce nouvel album offre une large palette de couleurs et d’harmonies qui font chaud au cœur. Preuve qu’un groupe estampillé « électro » peut aussi apporter son lot de ballades acoustiques et ses pointes de nostalgie.
L’appel de Rio
Sixième album de Zuco 103, « After the Carnaval" a été enregistré entre Rio et Amsterdam courant 2007 et sous de bons augures. D’abord, il y eût la naissance du petit garçon de Lilian Vieira, une première ! Il y eût aussi ces ateliers de musique organisés par le groupe en mars 2007 en collaboration avec Ibiss, association caritative qui œuvre à la réinsertion, par la culture et le sport, d’adolescents issus des favelas. Des jeunes qui, pour la plupart, sont enrôlés dès l’âge de dix ans dans les gangs armés contrôlant le trafic de drogue. « Une expérience puissante, témoigne Stefan Kruger. Nous avons profité à fond de l’énergie de Rio et des batucadas de ces gamins qui ont ensuite fait le voyage avec nous en Europe. Cela nous a conforté dans notre choix d’abandonner les sets avec DJ, façon sound system, et de revenir à des saveurs plus acoustiques et jazz avec des percussions qui reflètent l’ambiance samba de Rio. Nous n’en restons pas moins accrochés à la « science maracatu » du Nordeste, qui était très présente dans les rythmiques de Whaa ! On la retrouve sur « Espero », sur certaines percussions de « Madrugada », et sur le berimbau électro de « Ginga de Criança », hommage aux gamins acrobates de la capoeira.
« La base de ce disque, poursuit Schmid, ce sont les percussions, les guitares et le cavaquinho. Mes délires électros sont arrivés après. » Plus acoustique et moins axé sur le collage de samples que les albums précédents, After the Carnaval ouvre une nouvelle ère pour les trois membres du groupe, bien décidés à tenir le cap comme il se doit : en rythme et avec cette pêche d’enfer qui marque chacun de leurs concerts ! Une formule pour le moins contagieuse. Ceux qui en firent l’expérience dès 1999 autour du char de Zuco lâché en pleine Techno Parade, ou en 2005 au Cabaret Sauvage avec le légendaire Lee Scratch Perry faisant s’accroupir et s’embrasser tout le public sur le titre culte « Love is Queen Omega », ne sont pas prêts de l’oublier ! « C’est l’expérience des concerts qui nous a conforté dans l’idée de produire des titres plus acoustiques et moins tributaires de bases électros, poursuit Kruger. C’est là qu’on s’éclate le plus et que le public en redemande ! » Une joie lumineuse et souriante, donc, mais qui n’empêche pas non plus quelques plages apaisantes, à l’instar de la douce « Volta », de « Madrugada » et de « Begrimed », allusion à la « grime music » en vogue à Londres, un drum’n’bass du genre planant. Il faut aussi citer la fascinante « Pororoca », qui tient son nom de la mythologie indienne brésilienne. « Chaque année, raconte Lilian, l’océan fait déferler une grosse vague dans le fleuve Amazone. C’est un phénomène naturel bien connu et tenu pour sacré par les Indiens qui le relient à Maé d’Agua, déesse mère de l’eau et épouse de Boto Tucuxe, le dauphin rose qui, à la pleine lune, se transforme en très beau mec. Il séduit alors les jeunes filles, qui risquent de se noyer… Mais le plus beau, dans ce phénomène, c’est sans doute le calme de la nature amazonienne avant le passage de la vague. Tout s’arrête et se tait, comme avant le passage un cyclone. »
Autant d’atmosphères qui illustrent parfaitement l’idée d’un « après Carnaval » : un « after » tantôt fétide mais jamais triste, lorsque la ville se vide et la musique, bien qu’adoucie, ne peut plus s’arrêter sur sa lancée. « On va vers l’acoustique mais on ne s’interdit rien, précise Schmid. Toutes les combinaisons restent envisageables, même si parfois ça vire au casse-tête… et provoque de joyeuses engueulades ! » « On se chamaille souvent mais c’est la règle en démocratie » rigole Lilian.
Pour la première fois après plusieurs albums « made in Europe » et acclamés par la critique et le public (Outro Lado en 1999, Tales Of High Fever en 2002, Whaa ! en 2005), le groupe basé à Amsterdam a donc choisi de peaufiner ses maquettes aux studios Toca de Bandido, havre de paix caché au cœur de la cité carioca. « Un endroit magique, confirme Lilian Vieira. Les maisons sont bâties autour d’une courée et d’une piscine naturelle, cernées par de grands arbres. J’aurais bien voulu y poser mes voix mais j’étais plongée dans l’écriture de mes textes, j’y passe plus de temps et j’estime faire des progrès. Les bases instrumentales et ont été travaillées en priorité. Les voix et les samples ont été enregistrés ensuite à Amsterdam. »
Affirmant une fois de plus la capacité du trio à allier une créativité exigeante avec un esprit doux dingue, After The Carnaval est aussi marqué par la présence de deux invités de marque. Deux grands cariocas, évidemment ! Sergio Cavazzioli, fidèle guitariste de Gilberto Gil, est ici préposé aux guitares, cavaquinos et même banjos, créant la surprise de la « country samba » Fulero. On croise aussi Marcos Suzano, percussionniste spécialiste du pandeiro, et qui fut notamment compositeur de la B.O du film Madame Sata. « Pour la petite histoire, c’est un coup de bol de l’avoir eu avec nous, sourit Lilian. Il nous fallait un grand de la percussion brésilienne et nous en avions contacté un autre qui nous demandait une fortune que nous n’aurions jamais pu payer. J’ai alors eu l’idée d’appeler Marcos Suzano au culot, en cherchant son numéro dans l’annuaire, tout bêtement. Et ô quelle surprise, il m’a dit, d’emblée, qu’il adorait notre groupe et qu’il nous avait repérés en concert au Danemark ! L’avoir avec nous au Brésil, c’était comme retrouver un grand frère. Avec lui et avec le cavaquinho de Sergio, on était vraiment au cœur du Brésil. Je crois bien que Stuv et Stefan ont vécu là leurs plus belles sessions. D’ailleurs, de retour à Amsterdam pour continuer le projet, on a ressenti un vide. Alors on a décidé de retourner à Rio, pour les retrouver et pour achever l’enregistrement là où il avait commencé ! »
Charismatique et souriante, fille de musiciens amateurs carioca, Lilian est toujours partante pour gazouiller dans tous les patois possibles et imaginables. Originaires du Nordeste, ses parents ont toujours vécu au rythme de la samba et dans la religion du carnaval de Rio de Janeiro. C’est dans cette tradition, dévolue au plaisir et à la fête, que Lilian est naturellement devenue chanteuse. « Ma technique vocale n’a jamais été parfaite, loin de là. Mais j’ai fini par l’accepter telle quelle et cela m’a libérée. Après tout, ça nous arrive à tous d’être moche sur une photo ou de se trouver une voix trop bizarre sur un enregistrement. J’ai compris qu’à partir du moment où l’on sait en rire, on peut aussi en jouer et en tirer parti pour y donner de la couleur, de l’expression. »
Samba théâtralisée et sublimée
Basés à Amsterdam et demandés de par le monde, les inséparables de Zuco nourrissent toujours une passion sans bornes pour ces sonorités bien toquées qui soulèvent les cœurs et les jambes sans pour autant vous donner de mode d’emploi. A l’écoute de « Beija a mim » (saudade) et de son étonnante pulse technoïde s’entrelaçant à la voix suave de Lilian et à un clavier jazzy, on est propulsé sans délai dans un univers futuriste sublimant tous les genres et folklores, qu’ils soient bossa, techno, samba ou jazz. Ce qui n’empêche pas le groupe de passer directement à la toute mignonne « The Same Way », samba néo-classique et pétrie d’ironie où la chanteuse incarne une femme trompée mais pas dupe, réglant son compte avec son macho. « Comme dans « She » ou dans « Fulero », où je m’amuse aussi avec ces patois désuets que j’adore, c’est le chant de la haine cordiale entre deux amoureux, explique Lilian Vieira. Ces pointes de cynisme très brésiliennes, évoquent des situations universelles mais singulièrement vivaces au Brésil. Les favelas et fiestas sont indissociables, les femmes et enfants vivent dans des conditions difficiles. Mais ils ne manquent jamais de vous passer leur sourire et leur bonne énergie ».
Pour preuve, on se lâchera sans peine sur « Nunca Mais », premier single. Une fugue funk qui fleure bon le Brésil des années 70 façon Jorge Benjor, forte d’une vibration samba et néanmoins soul, musclée de beats intenses eux-mêmes accouplés à des envolées de cavaquino. Rythmiques irrépressibles et « cavaquino funk » dites-vous ? Une formule qui vous prend au corps, et qui prouve son efficacité dès les premières mesures d’autres titres tel ce remuant « Cria » ou cet implorant « Espero », écrit par Lilian à l’époque de la préparation de l’album Whaaa !, alors qu’elle pressait son petit ami de lui faire un enfant ! « Je m’y exprime en patois de Bahia et je fais ce fameux « lelelelelele », qui est une invitation à faire l’amour… J’ai toujours été attirée par les manières un peu provinciales de Bahia. C’est vrai qu’on ne comprend pas toujours ce que je raconte mais je le ressens du fond de mon cœur et je sais que c’est lié à mes racines. »
Tout aussi étonnant et encore plus théâtralisé, « Fulero » mérite plus qu’un détour et fera sans aucun doute, lui aussi, le bonheur des programmateurs radios. Zuco 103 y jette, sans complexe, les bases d’une « country samba », genre tout nouveau et mené tambour battant au son d’un banjo inattendu. Voix tour à tour grave et pincée, jeu ample et généreux, Lilian Vieira s’y livre à l’un de ces délires dont elle a le secret.
« Mélanger, combiner, expérimenter, tel est notre credo, résume Stefan Schmid, pianiste de jazz et expert en programmes électros. Sans l’âme et l’énergie de Lilian, on n’est rien. Sans la science de Stuv, véritable historien des musiques urbaines africaines et européennes, on n’est rien non plus. Et sans mes délires à me lâcher sur les machines et à tenter tout et n’importe quoi du moment que ça vienne du ventre, j’ose affirmer qu’on ne serait pas grand chose non plus ! Il y a, entre nous, autant de chamailleries que d’amour et d’inspiration. Cela donne une dynamique incroyable. »
Réécoutons le titre « She » pour s’en convaincre : Zuco 103, dans un élan qui évoque les délires de Tom Zé, de Fernada Abreu ou de Trio Mocoto dans ses bons jours, y mixe saine colère et basses tendues, chaleur humaine et tension futuriste. « C’est le cri d’une fille qui se fait tabasser mais qui a malgré tout du mal à plaquer son bourreau. Elle est en colère contre son amoureux, ce genre de type qui se comporte en gros macho mais qu’on surprend parfois à pleurer comme une fille ! J’y évoque des choses terribles tout en faisant la fête. Cela peut paraître un peu cynique mais c’est très brésilien, la joie côtoie les pires tragédies. Ainsi va la vie ! D’où cette mélodie entraînante sur des paroles qui font froid dans le dos… »
Ceci explique cela, ce nouvel album tisse une bande sonore aussi revigorante que variée. C’est bien sûr le reflet de dix ans de tournées dans le monde entier. C’est aussi le miroir de dix ans de passion commune soudant deux experts du rythme et de la production avec une chanteuse carioca pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que….