Orchestra Baobab
A night at Club Baobab
Sortie le 15 juin 2006
Label : Oriki Music
L’Orchestra Baobab naît en 1970 dans l’effervescence nocturne de Dakar, capitale cosmopolite du Sénégal. Le plus prolifique et le plus durable des orchestres dakarois des années 1970, enregistre plus de vingt disques et cassettes entre 1972 et 2001. A l’image d’un Sénégal indépendant, moderne et ouvert tant aux influences occidentales qu’aux flux migratoires panafricains, l’Orchestra Baobab dévoile une musique métissée qui mêle instruments électriques importés et percussions de facture locale, rythmes et mélodies tirées du folklore et improvisations jazzistiques.
Les enregistrements présentés dans cette rétrospective (1972-1978) datent de la période à laquelle l’orchestre anime l’élégant « Club Baobab », situé dans un complexe du même nom regroupant un bar américain, un restaurant et la boîte de nuit.
Les enregistrements présentés dans cette rétrospective (1972-1978) datent de la période à laquelle l’orchestre anime l’élégant « Club Baobab », situé dans un complexe du même nom regroupant un bar américain, un restaurant et la boîte de nuit.
Indépendance cha-cha. Depuis l’indépendance (1960), les nuits dakaroises sont principalement animées par les musiques cubaines. La clientèle, aisée, composée principalement d’élites politiques et économiques qui dirigent l’Etat présidé par Léopold Sédar Senghor, s’y retrouve pour boire et danser.
La musique de l’Orchestra Baobab reprend une formule consacrée par ses prédécesseurs d’Afrique de l’Ouest. Les grands orchestres de danse post-indépendance comme le Bembeya Jazz National et l’Orchestre Paillotte de Guinée Conakry, les Maravillas de Mali de Boncana Maïga ou le Rail Band de Bamako, le Star Band de Dakar, font vibrer les élites des nations nouvelles au rythme de musiques inspirées tant des folklores locaux que des rythmes caraïbes ou noirs américains.
Le Sénégal est, avec le Congo Zaïre, le pays qui a le plus consommé les musiques cubaines et latino américaines. « Yolanda » (plage 13, 1972) est caractéristique du « son » latino qu’était celui de l’Orchestra Baobab à ses débuts. La tumba de Moussa Kane accompagne l’orchestre dans une version très fidèle au montuno cubain (musique populaire contemporaine, née au 19ème siècle de la rencontre entre musiques espagnoles et africaines). Pas de tama ici, cet instrument de percussion à aisselle à deux peaux tendues par des cordelettes, appelé souvent talking drum. Les racines sénégalaises du Baobab s’expriment surtout dans le chant de Laye M’boup, griot wolof et premier vocaliste de l’orchestre, et la guitare rythmique Ben Geloum qui, comme souvent en Afrique, joue la clave cubaine, donnant ainsi un accent très singulier au montuno de Dakar.
La première version enregistrée de « Jin ma jin ma » (1) évoque, comme « Yolanda », l’influence cubaine. Présentée par les compositeurs comme une salsa, elle conserve la douceur du montuno original. Entre cette composition, enregistrée en 1978, et le vieux « Yolanda », on sent bien le chemin parcouru. « Jin ma » noie la clave cubaine dans un métissage tous azimuts, où l’auditeur identifie bien une influence latine, et donc familière, sans pour autant reconnaître tout à fait un rythme particulier.
Ce groove polymorphe est la marque de fabrique de l’Orchestra Baobab, il mêle douceur et swing, groove et salsa, et donne naissance à quelque chose d’autre, entièrement nouveau, très dansant, séduisant, sensuel. A la fois très différent, exotique pour des oreilles étrangères, et tellement familier pour tout amant des musiques afro-américaines et africaines. Une musique de danse étonnante par son originalité, déroutante si on cherche à la définir, envoûtante si l’on se laisse bercer sans trop réfléchir.
Dakar Noire et Métisse. Le répertoire de ce disque reflète la diversité des choix artistiques et des origines culturelles et/ou géographiques de ses membres, une diversité qui est celle du Sénégal. Rudy Gomis (chant), Balla Sidibé (chant/batterie) et Charles N’diaye (basse) sont casamançais et apportent les influences mandingues, diolas et créoles de portugais (la Casamance jouxte l’ancienne colonie portugaise de Guinée-Bissau). Barthélemy Attisso (guitare solo) est togolais et Peter Udo (clarinette/trompette) Nigérian ; Mountaga Kouate (tumba) et Issa Cissokho (sax ténor) sont sénégalo-maliens, issus du groupe malinké ; Laye M’boup (chant) et N’diouga Dieng sont wolof ; Ben Geloum (guitare rythmique) est descendant de marocains ; Medoune Diallo (chant) est toucouleur.
Ce qui caractérise le « son » du Baobab, c’est qu’il tire son inspiration de plusieurs folklores nationaux. Le wolof est la langue nationale, et la principale influence dans les autres orchestres de la capitale. Mais les inspirations sérère, toucouleur, malinké ou créole font tout autant partie du registre du Baobab.
Ainsi, « Diarabi » (2), la fille, est tiré du répertoire malinké. « Liti liti » (7) reprend un chant toucouleur. La magnifique ballade « Cabral » (4), est un clin d’œil à la présence lusophone toute proche. La composition fait référence à l’indépendantiste Amilcar Cabral, né à Bissau et ayant grandi au Cap-Vert, mort assassiné à Conakry en 1973.
Plusieurs folklores harmonisés par des arrangements orchestraux modernes pour le plaisir d’un public demandeur de distractions nocturnes qui soient autant les réinterprétations des folklores entendus dans l’enfance que les musiques étrangères contemporaines en vogue en Europe et aux Etats Unis.
Le titre funk « Kelen ati len » (6), au tempo rapide, révèle la créativité débridée d’un groupe qui fait « feu de tout bois » et adapte très librement un titre classique du répertoire wolof. Ce morceau est un exception dans les titres enregistrés par le Baboab. Au contraire des Ghanéens et des Nigérians, ou du Burkinabé Amadou Balaké, les artistes d’Afrique de l’Ouest francophone n’ont été que faiblement influencés par le funk de James Brown et de ses innombrables imitateurs. La barrière de la langue peut être. Certaines impossibilités techniques de métissage musical, qui rendent le highlife ou le juju plus propices à une rencontre avec les rythmes noirs américains que les musiques populaires sénégalaises peut-être.
La population de la capitale sénégalaise, et le public de l’orchestre dès que celui-ci explose commercialement après avoir été réservé à la petite élite qui fréquentait le Club du Baobab, sont également très diversifiés. Des Capverdiens venus des îles toutes proches, des Guinéens de Bissau et Conakry, des Gambiens, des Maliens et des Mauritaniens, et, de façon plus anecdotique, des Béninois et Nigérians. Enfin des touristes occidentaux, des expatriés employés dans l’associatif ou les institutions internationales, d’anciens colons français, des commerçants libanais et marocains…
La capitale du Sénégal indépendant est, comme la plupart des capitales occidentales, un lieu de brassage culturel intense, un carrefour dont les racines puisent avant tout leur sève aux confins des provinces sénégalaises.
Panafricain, et national, enraciné dans les cultures régionales du Sénégal et de ses frontières, moderne, l’orchestra Baobab symbolise bien la Négritude conceptualisée par le président sénégalais Léopold Sédar Senghor. Ce n’est pas un orchestre national à proprement parler, comme ce fut le cas de certains orchestres maliens ou guinéens. Basé dans la capitale, il reflète à lui seul la diversité ethnoculturelle d’un Sénégal uni par une capitale qui attire des habitants venus de l’ensemble du pays. Pas d’orchestre officiel régional ici. Plus cosmopolite, peut être aussi plus élitiste, le « son » du Baobab est à l’image d’un Dakar très ouvert à la modernité occidentale.
« No business, no show » Le succès rapide de l’orchestre Baobab est dû aussi bien au talent des musiciens qu’à celui des entrepreneurs qui ont idéalisé le Club, à leur capacité à attirer certains des meilleurs musiciens et chanteurs du Dakar by night.
La vie nocturne dakaroise est le théâtre d’un éternel conflit entre concurrents sur un marché de taille restreinte. Beaucoup de musiciens et quelques orchestres se disputent une place sous les spotlights, alors que la capitale compte en définitive peu de clubs et encore moins de clients.
Les membres du Baobab sont recrutés dans les autres formations déjà actives dans les boîtes dakaroises. Le premier chef d’orchestre, Baro N’diaye, travaillait auparavant au bar-restaurant club « La Plantation ». Saxophoniste ténor, c’est lui qui forme la première mouture de l’orchestre du Baobab, probablement avec le bassiste Sidath Ly. Balla Sidibe, chanteur/batteur, Rudy Gomis et Barthélémy Attisso sont issus du Star Band, qui animait le club « Le Miami » d’Ibrahima Kasse.
Issa Sissokho, saxophoniste ténor également, remplace ensuite Baro N’diaye à la tête de l’orchestre. Les dirigeants du Club Baobab ont débauché Issa du Vedette band où il officiait aux côtés de Laba Sosseh, le Vedette étant lui même une dissidence du Super Star de Dakar du légendaire saxophoniste Nigérian Dexter Johnson.
L’impossibilité de rendre effectifs des contrats d’exclusivité ouvre la porte aux départs constants des membres des orchestres les plus convoités par les producteurs et rend les formations très instables. L’infidélité explique les perpétuelles scissions internes aux orchestres dont les membres, en quête de reconnaissance artistique et médiatique et de ressources financières, se battent contre la domination des chefs d’orchestre. En moins de dix ans, Laba Sosseh, Youssou Ndour, Balla Sidibé, Idrissa Diop et de nombreux autres se séparent des formations où ils ont bien souvent fait leurs classes, pour créer d’autres groupes où ils espèrent obtenir aussi une reconnaissance médiatique.
C’est aussi les moyens mis en œuvre par les producteurs du Baobab qui ont permis une stabilité de l’orchestre qui, en dépit de certains changements, conserve longtemps sa formation d’origine. Ces mêmes moyens sont, autant que le talent évident des musiciens et chanteurs de ce groupe mythique, une des explications au succès qu’ils remportent rapidement au Sénégal et hors de ses frontières. La qualité des disques de l’orchestre du Baobab inaugure par ailleurs une nouvelle ère dans la production phonographique ouest africaine.
L’ensemble de la production discographique dakaroise des années 1970 est de qualité médiocre. La prise de son, réalisée la plupart du temps en live dans des clubs mal sonorisés, résulte en des sessions où les aigus et les sonorités moyennes saturent au détriment de lignes de basse très étouffées. C’est le cas pour les premiers disques du Xalam, du Ngewel, et surtout du Star Band, seul véritable rival de l’orchestre du Baobab pendant le début de la décennie.
La qualité technique des enregistrements de l’Orchestra Baobab, même si elle rivalise difficilement avec celle des groupes américains de la même époque, est un atout de poids. Après les deux premières sessions publiées en disque en 1972, dont est issu « Yolanda » (13), les producteurs du Baobab décident dès 1974 de finaliser le mixage, faire le graphisme des pochettes et la fabrication des disques à New York. Les enregistrements présentés dans ce volume ; tirés des labels Buur (5, 6, 8, 9, 10, 12) et Musicafrique (1, 2, 3, 4, 7, 11), révèlent la maturation du « son » du Baobab tout autant qu’ils dénotent un progrès du travail d’enregistrement et de mixage, et une volonté de se démarquer des enregistrements locaux
Le travail graphique est confié à Chico Alvarez, graphiste et musicien new-yorkais, qui a déjà fait ses preuves auprès de maisons prestigieuses éditrices de salsa. Les pochettes cartonnées attirent le rare public sénégalais privilégié amateur de disques importés à prix d’or. Mieux distribués que n’importe quelle production dakaroise, grâce notamment à un réseau efficace aux Etats Unis et en Europe, les disques de l’Orchestre du Baobab touchent un public plus large que leurs concurrents.
Le Club Baobab ferme ses portes en 1979. L’Orchestre demeure en activité, et continue d’enregistrer des disques tout aussi géniaux. Mais le « son » n’est plus le même. Au fil des changements techniques et stylistiques, avec l’apparition de la mini-cassette qui ouvre la porte à la piraterie en masse, l’explosion du m’balax, et du simple fait qu’il n’anime plus un club destiné à certaines élites, se perd le cachet si particulier aux enregistrements d’une époque marquée par une vie nocturne intense.
« Yolanda » (Production Baobab, 1972, Paris) : Issa Cissokho (saxophone ténor), Barthélemy Atisso (guitare solo), Ben Geloum (guitare accompagnement), Sidath Ly (guitare basse), Balla Sidibe (chant/batterie), Moussa Kane (tumba), Medoune Diallo (chant), Laye M’boup (chant/maracas).
« Kelen ati len » « Seeri Koko » « Sey » « Saf mana dem » « Wango » « Fuutu Tooro » (1974-75, Disques Buur) « Liti liti », « Jin ma jin ma », « Cabral », « Diarabi », « On verra (ce soir) », « Souleymane » (1978, Musicafrique) : même formation, mais Charles N’diaye remplace Sidath Ly (guitare basse) ; Peter Udo (clarinette/trompette), Mountaga Kouate (tumba), Thione Seck (chant), Ndiouga Dieng (chant/tama).
La musique de l’Orchestra Baobab reprend une formule consacrée par ses prédécesseurs d’Afrique de l’Ouest. Les grands orchestres de danse post-indépendance comme le Bembeya Jazz National et l’Orchestre Paillotte de Guinée Conakry, les Maravillas de Mali de Boncana Maïga ou le Rail Band de Bamako, le Star Band de Dakar, font vibrer les élites des nations nouvelles au rythme de musiques inspirées tant des folklores locaux que des rythmes caraïbes ou noirs américains.
Le Sénégal est, avec le Congo Zaïre, le pays qui a le plus consommé les musiques cubaines et latino américaines. « Yolanda » (plage 13, 1972) est caractéristique du « son » latino qu’était celui de l’Orchestra Baobab à ses débuts. La tumba de Moussa Kane accompagne l’orchestre dans une version très fidèle au montuno cubain (musique populaire contemporaine, née au 19ème siècle de la rencontre entre musiques espagnoles et africaines). Pas de tama ici, cet instrument de percussion à aisselle à deux peaux tendues par des cordelettes, appelé souvent talking drum. Les racines sénégalaises du Baobab s’expriment surtout dans le chant de Laye M’boup, griot wolof et premier vocaliste de l’orchestre, et la guitare rythmique Ben Geloum qui, comme souvent en Afrique, joue la clave cubaine, donnant ainsi un accent très singulier au montuno de Dakar.
La première version enregistrée de « Jin ma jin ma » (1) évoque, comme « Yolanda », l’influence cubaine. Présentée par les compositeurs comme une salsa, elle conserve la douceur du montuno original. Entre cette composition, enregistrée en 1978, et le vieux « Yolanda », on sent bien le chemin parcouru. « Jin ma » noie la clave cubaine dans un métissage tous azimuts, où l’auditeur identifie bien une influence latine, et donc familière, sans pour autant reconnaître tout à fait un rythme particulier.
Ce groove polymorphe est la marque de fabrique de l’Orchestra Baobab, il mêle douceur et swing, groove et salsa, et donne naissance à quelque chose d’autre, entièrement nouveau, très dansant, séduisant, sensuel. A la fois très différent, exotique pour des oreilles étrangères, et tellement familier pour tout amant des musiques afro-américaines et africaines. Une musique de danse étonnante par son originalité, déroutante si on cherche à la définir, envoûtante si l’on se laisse bercer sans trop réfléchir.
Dakar Noire et Métisse. Le répertoire de ce disque reflète la diversité des choix artistiques et des origines culturelles et/ou géographiques de ses membres, une diversité qui est celle du Sénégal. Rudy Gomis (chant), Balla Sidibé (chant/batterie) et Charles N’diaye (basse) sont casamançais et apportent les influences mandingues, diolas et créoles de portugais (la Casamance jouxte l’ancienne colonie portugaise de Guinée-Bissau). Barthélemy Attisso (guitare solo) est togolais et Peter Udo (clarinette/trompette) Nigérian ; Mountaga Kouate (tumba) et Issa Cissokho (sax ténor) sont sénégalo-maliens, issus du groupe malinké ; Laye M’boup (chant) et N’diouga Dieng sont wolof ; Ben Geloum (guitare rythmique) est descendant de marocains ; Medoune Diallo (chant) est toucouleur.
Ce qui caractérise le « son » du Baobab, c’est qu’il tire son inspiration de plusieurs folklores nationaux. Le wolof est la langue nationale, et la principale influence dans les autres orchestres de la capitale. Mais les inspirations sérère, toucouleur, malinké ou créole font tout autant partie du registre du Baobab.
Ainsi, « Diarabi » (2), la fille, est tiré du répertoire malinké. « Liti liti » (7) reprend un chant toucouleur. La magnifique ballade « Cabral » (4), est un clin d’œil à la présence lusophone toute proche. La composition fait référence à l’indépendantiste Amilcar Cabral, né à Bissau et ayant grandi au Cap-Vert, mort assassiné à Conakry en 1973.
Plusieurs folklores harmonisés par des arrangements orchestraux modernes pour le plaisir d’un public demandeur de distractions nocturnes qui soient autant les réinterprétations des folklores entendus dans l’enfance que les musiques étrangères contemporaines en vogue en Europe et aux Etats Unis.
Le titre funk « Kelen ati len » (6), au tempo rapide, révèle la créativité débridée d’un groupe qui fait « feu de tout bois » et adapte très librement un titre classique du répertoire wolof. Ce morceau est un exception dans les titres enregistrés par le Baboab. Au contraire des Ghanéens et des Nigérians, ou du Burkinabé Amadou Balaké, les artistes d’Afrique de l’Ouest francophone n’ont été que faiblement influencés par le funk de James Brown et de ses innombrables imitateurs. La barrière de la langue peut être. Certaines impossibilités techniques de métissage musical, qui rendent le highlife ou le juju plus propices à une rencontre avec les rythmes noirs américains que les musiques populaires sénégalaises peut-être.
La population de la capitale sénégalaise, et le public de l’orchestre dès que celui-ci explose commercialement après avoir été réservé à la petite élite qui fréquentait le Club du Baobab, sont également très diversifiés. Des Capverdiens venus des îles toutes proches, des Guinéens de Bissau et Conakry, des Gambiens, des Maliens et des Mauritaniens, et, de façon plus anecdotique, des Béninois et Nigérians. Enfin des touristes occidentaux, des expatriés employés dans l’associatif ou les institutions internationales, d’anciens colons français, des commerçants libanais et marocains…
La capitale du Sénégal indépendant est, comme la plupart des capitales occidentales, un lieu de brassage culturel intense, un carrefour dont les racines puisent avant tout leur sève aux confins des provinces sénégalaises.
Panafricain, et national, enraciné dans les cultures régionales du Sénégal et de ses frontières, moderne, l’orchestra Baobab symbolise bien la Négritude conceptualisée par le président sénégalais Léopold Sédar Senghor. Ce n’est pas un orchestre national à proprement parler, comme ce fut le cas de certains orchestres maliens ou guinéens. Basé dans la capitale, il reflète à lui seul la diversité ethnoculturelle d’un Sénégal uni par une capitale qui attire des habitants venus de l’ensemble du pays. Pas d’orchestre officiel régional ici. Plus cosmopolite, peut être aussi plus élitiste, le « son » du Baobab est à l’image d’un Dakar très ouvert à la modernité occidentale.
« No business, no show » Le succès rapide de l’orchestre Baobab est dû aussi bien au talent des musiciens qu’à celui des entrepreneurs qui ont idéalisé le Club, à leur capacité à attirer certains des meilleurs musiciens et chanteurs du Dakar by night.
La vie nocturne dakaroise est le théâtre d’un éternel conflit entre concurrents sur un marché de taille restreinte. Beaucoup de musiciens et quelques orchestres se disputent une place sous les spotlights, alors que la capitale compte en définitive peu de clubs et encore moins de clients.
Les membres du Baobab sont recrutés dans les autres formations déjà actives dans les boîtes dakaroises. Le premier chef d’orchestre, Baro N’diaye, travaillait auparavant au bar-restaurant club « La Plantation ». Saxophoniste ténor, c’est lui qui forme la première mouture de l’orchestre du Baobab, probablement avec le bassiste Sidath Ly. Balla Sidibe, chanteur/batteur, Rudy Gomis et Barthélémy Attisso sont issus du Star Band, qui animait le club « Le Miami » d’Ibrahima Kasse.
Issa Sissokho, saxophoniste ténor également, remplace ensuite Baro N’diaye à la tête de l’orchestre. Les dirigeants du Club Baobab ont débauché Issa du Vedette band où il officiait aux côtés de Laba Sosseh, le Vedette étant lui même une dissidence du Super Star de Dakar du légendaire saxophoniste Nigérian Dexter Johnson.
L’impossibilité de rendre effectifs des contrats d’exclusivité ouvre la porte aux départs constants des membres des orchestres les plus convoités par les producteurs et rend les formations très instables. L’infidélité explique les perpétuelles scissions internes aux orchestres dont les membres, en quête de reconnaissance artistique et médiatique et de ressources financières, se battent contre la domination des chefs d’orchestre. En moins de dix ans, Laba Sosseh, Youssou Ndour, Balla Sidibé, Idrissa Diop et de nombreux autres se séparent des formations où ils ont bien souvent fait leurs classes, pour créer d’autres groupes où ils espèrent obtenir aussi une reconnaissance médiatique.
C’est aussi les moyens mis en œuvre par les producteurs du Baobab qui ont permis une stabilité de l’orchestre qui, en dépit de certains changements, conserve longtemps sa formation d’origine. Ces mêmes moyens sont, autant que le talent évident des musiciens et chanteurs de ce groupe mythique, une des explications au succès qu’ils remportent rapidement au Sénégal et hors de ses frontières. La qualité des disques de l’orchestre du Baobab inaugure par ailleurs une nouvelle ère dans la production phonographique ouest africaine.
L’ensemble de la production discographique dakaroise des années 1970 est de qualité médiocre. La prise de son, réalisée la plupart du temps en live dans des clubs mal sonorisés, résulte en des sessions où les aigus et les sonorités moyennes saturent au détriment de lignes de basse très étouffées. C’est le cas pour les premiers disques du Xalam, du Ngewel, et surtout du Star Band, seul véritable rival de l’orchestre du Baobab pendant le début de la décennie.
La qualité technique des enregistrements de l’Orchestra Baobab, même si elle rivalise difficilement avec celle des groupes américains de la même époque, est un atout de poids. Après les deux premières sessions publiées en disque en 1972, dont est issu « Yolanda » (13), les producteurs du Baobab décident dès 1974 de finaliser le mixage, faire le graphisme des pochettes et la fabrication des disques à New York. Les enregistrements présentés dans ce volume ; tirés des labels Buur (5, 6, 8, 9, 10, 12) et Musicafrique (1, 2, 3, 4, 7, 11), révèlent la maturation du « son » du Baobab tout autant qu’ils dénotent un progrès du travail d’enregistrement et de mixage, et une volonté de se démarquer des enregistrements locaux
Le travail graphique est confié à Chico Alvarez, graphiste et musicien new-yorkais, qui a déjà fait ses preuves auprès de maisons prestigieuses éditrices de salsa. Les pochettes cartonnées attirent le rare public sénégalais privilégié amateur de disques importés à prix d’or. Mieux distribués que n’importe quelle production dakaroise, grâce notamment à un réseau efficace aux Etats Unis et en Europe, les disques de l’Orchestre du Baobab touchent un public plus large que leurs concurrents.
Le Club Baobab ferme ses portes en 1979. L’Orchestre demeure en activité, et continue d’enregistrer des disques tout aussi géniaux. Mais le « son » n’est plus le même. Au fil des changements techniques et stylistiques, avec l’apparition de la mini-cassette qui ouvre la porte à la piraterie en masse, l’explosion du m’balax, et du simple fait qu’il n’anime plus un club destiné à certaines élites, se perd le cachet si particulier aux enregistrements d’une époque marquée par une vie nocturne intense.
« Yolanda » (Production Baobab, 1972, Paris) : Issa Cissokho (saxophone ténor), Barthélemy Atisso (guitare solo), Ben Geloum (guitare accompagnement), Sidath Ly (guitare basse), Balla Sidibe (chant/batterie), Moussa Kane (tumba), Medoune Diallo (chant), Laye M’boup (chant/maracas).
« Kelen ati len » « Seeri Koko » « Sey » « Saf mana dem » « Wango » « Fuutu Tooro » (1974-75, Disques Buur) « Liti liti », « Jin ma jin ma », « Cabral », « Diarabi », « On verra (ce soir) », « Souleymane » (1978, Musicafrique) : même formation, mais Charles N’diaye remplace Sidath Ly (guitare basse) ; Peter Udo (clarinette/trompette), Mountaga Kouate (tumba), Thione Seck (chant), Ndiouga Dieng (chant/tama).