Niyaz

The Fourth Light
Sortie le 27 avril 2015
Label : Six Degrees
Le groupe d’électro-acoustique Niyaz explore de nouveaux horizons avec The Fourth Light, un album hardi qui défie les conventions de la world et propose ses choix audacieux à un public mondial.
Leurs trois disques précédents s’étaient hissés au sommet des ventes et des palmarès radio un peu partout dans le monde, attirant toujours plus de fans dans leur sillage ; mais c’est là un album encore plus abouti. Mixé par Damian Taylor, producteur et musicien électronique nominé aux Grammy Awards qui a travaillé avec Björk, The Killers ou Arcade Fire, l’album mêle des rythmes exotiques à d’extraordinaires performances acoustiques et bien sûr, la voix à la mélancolie envoûtante de la chanteuse Azam Ali. Ces ingrédients se fondent dans une production qui allie des arrangements richement texturés à des refrains amples et des beats électro. L’héritage musical et personnel de Niyaz est à chercher du côté du mysticisme et du charme de l’Orient, mais le groupe est né en Californie et se réunit désormais à Montréal : depuis longtemps, ils cherchent à construire un pont entre Orient et Occident, un sanctuaire à l’écart des idéologies polarisantes du monde moderne.

Sur The Fourth Light, la chanteuse, co-compositrice et co-productrice Azam Ali devient pour la première fois musicienne électro, car c’est elle qui a programmé tous les beats de l’album. Célèbre pour sa voix ensorcelante, que l’on retrouve dans des bandes originales remarquées autant au cinéma qu’à la télévision, Azam Ali a voulu relever cette nouvelle gageure. “ Cela constituait un défi énorme, car c’est un domaine souvent perçu comme masculin ”, dit-elle. “ Les gens connaissent la chanteuse mais ne savent pas que je fais aussi de la musique électronique, et j’avais peur au départ de ne pas être prise au sérieux. Une fois sortie de ce carcan mental que je m’étais construit, j’ai découvert tout un monde nouveau en moi, et c’est de cela que je suis la plus fière sur cet album. J’ai pu transcender le rôle dans lequel j’étais attendue, et je ne suis plus uniquement chanteuse. ”

Par bien des aspects, The Fourth Light est un album féministe. Le travail de production et de programmation qu’Azam Ali a pris en charge – des domaines souvent masculins – n’en est qu’une facette. Car au centre de l’album se trouve Rabia Basri, figure majeure de la spiritualité soufie. Née au VIIIème siècle dans ce qui est aujourd’hui l’Irak, c’est d’abord d’elle que la musique de cet album s’inspire. Rabia a grandi dans une pauvreté extrême, à une époque où les droits des femmes étaient terriblement limités. Vendue comme esclave dès son plus jeune âge, Rabia a pourtant su trouver la force intérieure et la détermination qui lui ont permis de se libérer, en tant que femme et comme figure spirituelle. Selon Azam Ali, “ les combats qu’a menés Rabia au VIIIème siècle dont toujours d’actualité, dans ce monde où les femmes continuent à lutter pour s’extraire du statut subalterne auquel les condamnent bien des sociétés patriarcales. ”

On attribue à Rabia la création du concept d’amour divin, aujourd’hui au cœur de la mystique soufie. Seuls des fragments de ses poèmes sont parvenus jusqu’à nous, mais ses mots sont porteurs d’un message puissant. C’est à partir de ses écrits qu’Azam Ali et que le co-auteur et multi-instrumentaliste Loga R. Torkian ont construit trois des chansons les plus marquantes de l’album : “ Tam e Eshq ” (Le goût de l’amour), “ Man Haramam ” (Je suis un péché), et “ Marg e Man ” (Mon élégie).

Le titre “ Aurat ” (Femme) reprend et renforce l’appel à l’égalité entre les sexes, avec ses paroles inspirées d’un poème visionnaire de Kaifi Azmi, très grand poète engagé ourdouphone du XXème siècle. Azmi a écrit ce texte pour sa femme dans les années quarante. Il y enjoignait les femmes à se tenir au coude à coude avec les hommes, alors même qu’elles vivaient dans les sociétés très traditionnelles d’une Inde qui n’avait pas encore conquis son indépendance.

La musique de Niyaz a toujours été empreinte d’une profonde conscience sociale. Même s’ils écrivent beaucoup de compositions originales qui s’appuient sur la poésie ancienne de grands mystiques orientaux, une grande partie de leur répertoire s’inspire de chansons traditionnelles venues de groupes ethniques et de minorités religieuses opprimés au Moyen Orient. Ce nouvel album en compte cinq : “ Shir Ali Mardan ” (Le chant d’un guerrier), venue du territoire Bakhtiari d’Iran, “ Yek Naza ” (Un simple regard), aussi iranienne mais de la province du Khorasan, “ Eyvallah Shahim ” (Vérité) du culte alévi-bektashi de Turquie, et deux chansons nées en Afghanistan, “ Sabza Ba Naz ” (Le triomphe de l’amour) et “ Khuda Bowad Yaret ” (Compagnon divin).

Ce message porteur d’espoir face à l’oppression demeure essentiel pour le groupe, comme l’est leur affirmation de la nécessité de s’unir. Leur marqueterie sublime de poésie et de chanson est en évolution constante, portée par une musique à la fois exaltante et métamorphique. Ne se contentant plus de réunir l’Orient et l’Occident, l’acoustique et l’électronique, Niyaz cherche désormais à régénérer un lien brisé entre le passé et le présent. “ C’est une mission ambitieuse que d’essayer de jeter un pont entre les peuples ”, déclare Azam Ali, “ mais si nous y parvenons, ne serait-ce que pour les courts instants pendant lesquels les gens écoutent notre musique, alors qui peut dire que nous n’aurons pas accompli notre tâche ? ”