Mina Agossi

Just Like A Lady
Sortie le 23 Mars 2010
Label : Naïve Jazz
Nouvelle signature naïve Jazz, Mina Agossi est une chanteuse exceptionnelle aux références et aux univers variés : Inspiré par le jazz le plus traditionnel, par la chanson française ou même Jimi Hendrix (« burning of the midnight lamp »), son nouvel album réussit le tour de force d’être à la fois tout ça mais surtout, et pour le plus grand plaisir de tous, un formidable album de Jazz d’aujourd’hui.
Le jazz est-il condamné à devenir une langue morte, avec pour seule ambition de singer avec application les grands canons, New Orleans, free, bebop ? Pour Mina Agossi, le jazz ne peut se réduire à une définition compassée, à une simple étiquette. Il est mouvement, il doit « bousculer les tabous et ce qui est institutionnalisé ». « Miles Davis, aujourd’hui s’étonnerait s’il voyait tout le monde imiter son style ! » s’esclaffe la chanteuse qui tente depuis une vingtaine d’années de faire sortir le jazz du musée.

Quitte à perturber les amateurs « traditionnels », elle revendique le droit d’aimer « le New Orleans et Albert Ayler, Charlie Parker ou Miles Davis, Amalia Rodriguez ou Jimi Hendrix, Caruso ou Louis Armstrong ». Décloisonner. Déchirer. Reconstruire. Si elle reprend ses standards, c’est « en les décalant, sous son angle à elle, de l’intérieur, pour savoir, pour comprendre par elle-même » comme on a pu l’écrire à son sujet. Personnaliser l’uniforme. Rire aux éclats. Balancer. Vous avez dit atypique ? Ca tombe bien, Mina n’a jamais rien fait comme les autres, ça lui filerait la chair de poule.

Née en 1972 à Besançon, elle a des racines en Afrique par son père béninois et en Bretagne, par sa mère. Métisse, elle vit comme une chance d’avoir les deux facettes, d’avoir le pied dans les deux mondes. Le monde, elle y mettra partout les pieds, grandissant entre la Franche Comté, le Niger, le Maroc, la Côte d’Ivoire ou le Pays Basque.

Une vraie matrice où se forge l’identité « tumultueuse » et curieuse de l’artiste qui dit se sentir aussi bien Bretonne que Basque, Béninoise, Corse, ou plutôt...Slave (!) : « je me situe très bien dans ce goût des extrêmes, celui qui pleure aux mariages et rit aux enterrements ». Mina la Sauvage ? Un peu. La vie aura été sa seule école du jazz. Indépendante à 16 ans, elle se sera construite au hasard, aura connu la galère, avant la reconnaissance. Le 26 mars 1992, elle se retrouve engagée pour jouer dans un restaurant à Dijon, devant un auditoire clairsemé. Et là... « Je suis devenue chanteuse le jour de mon premier concert », elle en rigole encore. « Je n’avais jamais chanté, jamais pris de cours de chant, et c’est tombé comme une évidence : le lendemain, j’ai arrêté la fac. » Opiniâtre, Mina se lance à corps perdu dans cette nouvelle aventure, s’essaie au swing en Bretagne dans un groupe qu’elle abandonne en découvrant Parker et Miles Davis, rattrape toute la culture jazz qui lui manquait, chante partout où on l’engage, jusque dans des prisons ou des boites de strip-tease. Il lui faudra quatre ans pour faire mûrir son style. Là encore, il y aura une part de chance et d’évidence. Elle rencontre le contrebassiste Vincent Guérin et l’invite à monter un groupe avec elle. Sauf qu’à la première répétition, il est le seul à se pointer. Les deux commencent une jam, pour voir. Le flash : ça fonctionne, cet inédit mélange voix/contrebasse. Pour être sûr, les deux montent voir la grand-mère de Mina et lui jouent un morceau, la font pleurer. Un concept était né.

Pendant plus de dix ans, elle tirera la formule dans ses derniers retranchements, cette alchimie particulière qui lui permet de s’adonner à ce qu’elle préfère : l’impro tonitruante, partager les solos de ses musiciens, collecter les sons autour du monde, à Damas, à New York avec Archie Shepp, en Angleterre avec le producteur Alan Bates, ou même à Lyon où elle monte une version de la Comédie Musicale La Belle et la Bête (en 2004). Toujours, elle cherche, sans y parvenir, à étancher sa soif de nouveauté, jusqu’à imiter les larsens de Jimi Hendrix ou les batteries de Tony Williams. Mais voilà, quand on met Mina dans une boîte, « elle cherche toujours à en sortir ». Pour son nouvel album, mûri depuis 2007, Mina a donc décidé de prendre un virage à 180°. Mais ça, c’est encore une autre histoire.

Just Like a Lady

Pour faire ce nouveau disque, son neuvième, Mina Agossi a décidé de rompre avec les quinze dernières années, avec la formule voix/contrebasse/batterie qui avait fait sa réputation, avec l’exploration systématique des rythmiques. Elle a voulu montrer toutes ses autres facettes de sa personnalité musicale. Tout en restant « jazz », elle peut être également rock, elle peut essayer la chanson, elle peut tâter l’électro. « après avoir enfin compris comment fonctionne une contrebasse, je suis repartie pour des années à dénouer les mystères de l’harmonie, de la guitare et du clavier » s’amuse Mina. « Jusqu’où ça va m’emmener ? Vers l’orchestration ? Le big band ? On verra bien ! ». En attendant cette nouvelle mue, ce Just Like a Lady voit surtout la chanteuse interpréter les textes qui l’ont remué « au plus profond d’elle-même ». Comme le « There’s a Lull in My Life », l’immense standard dont elle adore la version de Chet Baker : « je me suis demandé pendant des années comment la jouer, avec ce texte si perturbant, si triste.

J’ai finalement décidé d’arranger le morceau de manière très légère, presque caribéenne, en rajoutant un steel drum. Plus étonnant encore, cette reprise de « J’ai Fantaisie », de Boby Lapointe, où Mina devient presque hargneuse sur des paroles qui évoquent de manière cruelle l’individualisme contemporain. Sur l’immense « When the Saints Go Marching In », elle s’y prend avec une fausse douceur et beaucoup d’ironie, comme un commentaire sur l’idolâtrie qui a accompagné l’arrivée de « Saint » Obama , à la maison Blanche. Dans cet album entier, parcouru de contradictions, de souffrances et de joie, Mina dévoile également ses propres compos, très différentes de son univers habituel, comme le morceau titre, « Just Like a Lady », écrit avec son complice Phil Reptil, qui s’envole comme une ballade folk apaisée. Enfin, il y a forcément une reprise de Jimi, « Burning of the Midnight Lamp », parce que Mina lui rendra « hommage sur chacun de ses disques. Ses compositions, sa voix, son jeu [la] rendent littéralement folle », parce que c’est aussi l’occasion de laisser s’exprimer son formidable côté rock : à la fin de chacun de ses concerts, ou presque, elle reprend sa version de « Voodoo Chile », dont la propre sœur de Jimi, Janie Hendrix a écrit le pus grand bien. « De toute façon », avoue Mina, « j’ai toujours considéré que la pop des années 70, le rock psychédélique ou le travail de Jimi, étaient du jazz : tout est très cohérent ! ». Quand on a compris cela, on a un peu mieux cerné Mina.

LE GROUPE

Eric Jacot, contrebasse : Diplômé de l’Ecole Normale de Musique et Premier Prix du conservatoire de Saint Maur, Eric Jacot a accompagné Didier Lockwood ou Didier Ceccarelli avant de rejoindre en 2006 le groupe de Mina Agossi, séduite par son jeu tout terrain, entre jazz, musique classique et musique africaine. « Je l’ai vu un soir à la Rhumerie et il m’a vraiment sidéré. Au point que je n’ai pas pu dormir et que j’ai dû l’appeler à 7h le lendemain pour lui proposer de rejoindre mon groupe. Il a dit oui tout de suite, mais il m’a juste demandé de se recoucher, d’abord » Mina

Ichiro Onoe, batterie : Diplômé de Berkeley en 1983, Ichiro Onoé a été douze ans l’accompagnateur de la chanteuse japonaise Yasuko Agawa et a fait partie des grands orchestres de télévision de son pays, tout en continuant en parallèle sa carrière dans le jazz. Il a rejoint Mina Agossi en 2004. « une vraie mémoire du jazz, de Tony Williams à Rachel Farrel. Il connait tout » Mina

Phil Reptil, clavier, guitare, programmation : guitariste, arrangeur ou bruitiste hors pair, Phil Reptil explore depuis une vingtaine d’années une musique au carrefour de l’électro, du jazz et de la world. Connaissance de longue date de Mina, son apport a été décisif sur Just Like a Lady. « C’est le Zappa français ! Je l’adore » Mina

Bachir Sanogo, percussions : collaborateur de Frédéric Galliano et de Trilok Gurtu, également leader du groupe Denssiko, ce percussioniste ivoirien apporte depuis 2004 un grain de folie supplémentaire à la musique de Mina Agossi.