Melingo

S'il vous plait
Sortie le 8 avril 2022
Label: Musique Sauvage
S’IL VOUS PLAIT

Une anthologie pour célébrer l’univers surréaliste de Melingo à travers sa discographie de 1998 à 2016 : tangos décalés, romances interlopes et chansons de vagabonds.
Melingo le « dandy trash du tango argentin » est un artiste libre et inclassable. Mi-rocker mi-crooner décadent, comédien et compositeur poly-instrumentiste, il n’a de cesse de nous enivrer.

Personnage radical, sa musique d’insomniaque et sa voix des bas-fonds surgissent du monde du tango des origines, du « prototango » comme il le dit lui même. Et ce n’est pas par hasard. L’animal quelque part situé entre Tom Waits, Paolo Conte, Nick Cave et Corto Maltese sait et affirme, après avoir fait le grand tour par un rock’n’roll déjanté (avec le groupe mythique de l’Argentine des années 90 Los Abuelos de la Nada), que la modernité est dans le passé. Ses histoires insolentes, sous forme de rêves éveillés, de vrais tangos quelquefois et de polars, swinguées de cordes et de soufflets, de bruitages interlopes et de chœurs d’hommes de pontons et d’escales, sont un écho grinçant, quasi dadaïste à la folie d’un monde claudiquant, boosté aux stupéfiants.


Raconter Melingo, c'est raconter un télescopage de milles vies et époques en un seul homme. C'est tenter de synthétiser un kaleïdoscope de géographies comme le furent les débuts du tango dans l'embouchure du Rio de la Plata fin 19ème, car le personnage est l'architecte d'une mythologie cosmopolite, dont il est lui - même l'interprète.

Clarinettiste, chanteur-conteur, acteur, compositeur, formé au classique et à l'opéra, fondu de Charles Mingus et de Duke Ellington, Melingo est né en 1957 à Parque Patricios, un quartier populaire haut lieu du tango et des milongas. Diplômé de conservatoire, mais vite mué en rockeur à tendance punk, Melingo deviendra une sorte d’incarnation argentine d’un Paolo Conte, d’un Tom Waits ou d’un Nick Cave auxquels on l'a souvent comparé. Ce personnage total, pétri de poésie, a eu plusieurs vies d’artistes et a surfé sur plusieurs territoires. En 1978, c'est la dictature en Argentine, il est auprès de Milton Nascimento au Brésil. Dans les années 80, il fonde le groupe pionnier de rock argentin Los Abuelos de la Nada (Les Grands-pères du Néant), tourne avec la star nationale du rock Charly Garcia, et co-fonde Los Twist en 1982. Il tombe dans la marmite de la movida espagnole en 1987 où avec son groupe Lions in Love, il croque la vie par les deux bouts... Dix ans plus tard, et après quelques 17 albums à son actif en 1997, il se tourne vers le tango, forgeant un style rêche, bien à lui et pour lequel il ouvre un chapitre de l'histoire du genre des plus original.


Retour au tango

« Le tango n'a pas besoin d'être dépoussiéré, moi, ce que je tente c'est simplement de transmettre une mémoire. Je suis un chanteur underground, mais pas un réformateur, je ne fais que revenir aux sources. » Melingo

Considérant que la modernité se niche dans les origines, il ausculte la préhistoire du tango. Un proto-tango, un blues né dans un entonnoir de l'histoire où le monde entier vient chercher fortune dans une ville qui gonfle à vue d'oeil et dont la population sextuplera entre 1870 et 1895. C'est un tableau d'ennui et de spleen, où l'homme sans femmes passe sa nuit à jouer aux osselets, se bat, se fantasme une vie. Un monde de hiérarchies spiralées entre caïd, cafishio, proxénète, compadre, gaucho ou mafieux sicilien qui s'invectivent en lunfardo, l’argot qui deviendra le parler populaire des porteños, un amalgame de toutes les langues avec une bonne dose de « verlan ».

Mettant en scène ces personnages interlopes qui nourrissent une abondante littérature, Melingo entame un cycle de quatre albums à la signature homogène : Tangos Bajos (1998), Ufa (2003), Santa Milonga (2004) et Maldito Tango (2007).
Puis, à partir de 2011, il construit un personnage miroir de lui-même, dandy trash, vagabond claudiquant comme lui après un accident dans la vraie vie, hobo du monde contemporain qu'il nomme Linyera, en référence à un célèbre auteur et poète maudit Dante Linyera, mort très jeune dans les années 30 après avoir passé une partie de sa vie derrière les barreaux. Créant en somme sa propre marionnette, dédoublement propice à une liberté formelle singulière, Melingo ouvre le chapitre d'une œuvre synthétique, chorale, complexe, conçue en champs et contre-champs, une bande-son de dialogues surréalistes entre danses folâtres et comptines, poétiques borgésiennes et métaphysiques chagalliennes... Le fil de ce personnage forgera les très beaux Corazón y Hueso (2011), Linyera (2014), Anda (2016), puis Oasis (2020) qui fermera le cycle. Plus que des albums, il s'agit de pièces d'art totale, intégrant des clips hypers léchés et où les musiques, sur des textes puissants de poètes d’Amérique latine (Carlos de la Pua, Evaristo Carriego, Luis Alposta, Atahualpa Yupanqui et F. G Lorca, notamment) sont de véritables scénarios mis en ondes.

"S'il vous plait" Anthologie 1998-2016

« Installez-vous confortablement dans votre fauteuil. Détendez vos orteils et le reste de votre corps, laissez-vous pénétrer par la musique et que celle-ci vibre jusqu'à humer ce parfum des faubourgs Porteño, déjà évaporé dans le temps.
S’il Vous Plaît et... Merci ! » Melingo

De « Ayer » à « Narigon », en passant par « Fabula » ou « Corazon y Hueso », des tangos bien frapados aux douces danses à tendance burlesque moitié milonga moitié candombé uruguyo-africain, « En un Bosque de la China » qui avait donné lieu à un clip délirant tourné dans une ancienne prison de Buenos Aires par Luis Ortega, ou le frissonnant tango de Transylvanie (« Tango del Vampiro ») écrit par son ami et immense poète nonagénaire Luis Alposta, (qu'il a interprété en duo et en live avec Juliette, ici dans sa version originale), de ses chants inspirés de troubadours, de payadores, ou encore l'histoire vraie de l'aristocrate nippon, Megata Tsunayoshi (1896-1968), introducteur du tango au Japon dans les années 20 (« A lo Megata »)... S'il vous plait invite à découvrir une sélection choisie parmi six de ces derniers albums en une anthologie, organisée et classée par Melingo selon les styles (Tangos/Valses et Milongas/ Chansons /Folklores).

Ces 23 titres, pour la plupart déjà des tubes, sont ciselés par le nec plus ultra des musiciens... Au premier lieu le fidèle multiinstrumentiste Mohammed Habibi Guerra, mais aussi les émouvants frères Flores, le guitariste Diego Trosman et tant d'autres... : ainsi classés par familles, on ne peut que se laisser embarquer par ces héros dodelinant, pasoliniens à souhait, toujours sur le fil de la dague et de la caresse, du duel et de la danse.

Emmanuelle Honorin