Manuel Rocheman
Magic Lights
Sortie le 12 mars 2021
Label: Bonsaï
MANUEL ROCHEMAN – piano
RICK MARGITZA – saxophone
MATHIAS ALLAMANE – contrebasse
MATTHIEU CHAZARENC – batterie et percussions
Pianiste multi-récompensé, détenteur d’un savoir harmonique rare, sideman aussi convoité que surprenant, signataire de 13 disques en tant que leader, Manuel Rocheman ouvre avec ce nouvel album un chapitre inédit dans sa carrière : c’est la première fois qu’il invite à ses côtés un souffleur. Ce dernier partage pleinement son nouveau manifeste esthétique. Ici, les thèmes chantent, exultent, et semblent voués tout entiers au culte d’une beauté qui se retrouve dans chaque improvisation. Dialoguant dans son ciel azuréen avec un Rick Margitza touché par la grâce, Manuel Rocheman retrouve ses deux partenaires au long cours, avec lesquels la musique s’impose avec élégance et fluidité. « Magic Lights » nous fait respirer l’air des cimes, vivifié par l’élan d’une écriture aussi poétique qu’efficace.
RICK MARGITZA – saxophone
MATHIAS ALLAMANE – contrebasse
MATTHIEU CHAZARENC – batterie et percussions
Pianiste multi-récompensé, détenteur d’un savoir harmonique rare, sideman aussi convoité que surprenant, signataire de 13 disques en tant que leader, Manuel Rocheman ouvre avec ce nouvel album un chapitre inédit dans sa carrière : c’est la première fois qu’il invite à ses côtés un souffleur. Ce dernier partage pleinement son nouveau manifeste esthétique. Ici, les thèmes chantent, exultent, et semblent voués tout entiers au culte d’une beauté qui se retrouve dans chaque improvisation. Dialoguant dans son ciel azuréen avec un Rick Margitza touché par la grâce, Manuel Rocheman retrouve ses deux partenaires au long cours, avec lesquels la musique s’impose avec élégance et fluidité. « Magic Lights » nous fait respirer l’air des cimes, vivifié par l’élan d’une écriture aussi poétique qu’efficace.
Pianiste multi-récompensé*, détenteur d'un savoir harmonique rare, sideman aussi convoité que surprenant, signataire de 13 disques en tant que leader, Manuel Rocheman ouvre avec ce nouvel album un chapitre inédit dans sa carrière : c'est la première fois qu'il invite à ses côtés un souffleur. Ce dernier partage pleinement son nouveau manifeste esthétique. Ici, les thèmes chantent, exultent, et semblent voués tout entiers au culte d'une beauté qui se retrouve dans chaque improvisation. Dialoguant dans son ciel azuréen avec un Rick Margitza touché par la grâce, Manuel Rocheman retrouve ses deux partenaires au long cours, avec lesquels la musique s'impose avec élégance et fluidité. "Magic Lights" nous fait respirer l'air des cimes, vivifié par l'élan d'une écriture aussi poétique qu'efficace.
Au milieu des années 80, le zinc du Petit Opportun, constellé des noms qui eurent quelque poids dans l'histoire de ce club où l'air se faisait aussi rare que les tabourets vides au premier rang, était un parloir où le name dropping avait cours. C'est dans ce brouhaha de l'entre-deux-sets que celui de Manuel Rocheman parvint à mes oreilles encore vrillées par la cymbale cloutée du batteur de la soirée. La réputation de ce jeune pianiste fut scellée alors qu'il n'avait pas encore fait son premier disque. On lui trouvait la technique d'Oscar Peterson avec des fulgurances piquées d'humour héritées de Martial Solal, son mentor. Ne souhaitant à personne d'avoir à assumer une telle ascendance, j'attendis avec une incrédulité un peu sadique sa première trace enregistrée qui se fit désirer jusqu'en 1989. Ce disque inaugural, ainsi que ceux qui suivirent, en solitaire, en trio ou en quartette, confirmèrent ces vérités trop flatteuses ; mais ils me faisaient toujours regretter un album encore à naître, celui de l'accomplissement.
Cette petite frustration m'a aujourd'hui quitté. Et, pour tout dire, il m'importe peu que les runs à l'octave d'Oscar Peterson et le trait oblique de Martial Solal -ces marques déposées qui authentifient un pedigree fort désirable- aient disparu sous le poids d'une conquête qui ne se juge pas à la rapidité des synapses mais à la qualité de l'abandon que nous consentons à notre vraie nature. Celle de Manuel Rocheman tient dans une évidence pouvant coûter cher à qui veut s'en justifier : son piano chante à l'unisson de son âme. Au fond, c'est un lyrique qui n'a plus à s'expliquer sur ses brillants antécédents. "Magic Lights" est comme une chanson d'auteur : elle apostrophe avec tact et conviction cet espace en nous qui sait reconnaître une vraie mélodie, l'art méticuleux des notes bien pensées et destinées à être superlativement jouées. Pris du coup de folie du jardinier décidé à en découdre avec des espèces parfois invasives, Manuel Rocheman s'est donc débarrassé de ses liens tutélaires. C'est tout un art : en disant plus simplement des choses complexes, il fait descendre vers le cœur les constructions plus cérébrales de naguère. On suit le cheminement agile de ses improvisations sans mode d'emploi, ici cambrées par un rythme brésilien, là par la finesse harmonique d'un thème qui met du bonheur dans la mélancolie. Surtout, il phrase comme le ferait un souffleur. Il en va ainsi de la première à la dernière note.
Hasard qui n'en est pas un, cet album permet aussi de rétablir les hiérarchies et d'écouter à son niveau exact le saxophoniste Rick Margitza, alter ego du pianiste dont la notoriété est inexplicablement restée en-deçà de son rang naturel : sonorité dense et droite, fusant au-dessus des barres de mesures, aigus parfaits, escamotant ses dons techniques redoutables derrière une aptitude à scander ses chorus comme s'il les sous-titrait de paroles invisibles. Trop candide, trop honnête, il est le seul saxophoniste engagé par Miles Davis à n'avoir jamais poussé son avantage après le décès du trompettiste. Sans doute était-il trop bien pour lui... Ce que l'on ne dira pas de Mathias Allamane ni de Matthieu Chazarenc vis-à-vis de Manuel Rocheman : leur histoire commune est déjà longue (15 ans !) et ils n'ont pas à surjouer leur rôle. C'est une paire d'architectes qui n'a pas besoin de redorer sa plaque professionnelle car c'est tous les jours qu'elle construit, par touches rythmiques ineffaçables, sa pyramide du Louvre.
Alors, une fois plantés le décor et les personnages, on se laisse porter par cet élan mélodique essentiel, ce jazz du présent où les musiciens partagent leur miel et leur chanson de gestes, à demi-inconscients de la fluidité aérienne avec laquelle ils les accomplissent.
Prenant le contrepied du joli mensonge promis par le titre de cet album, je laisse volontiers les subterfuges de la magie aux magiciens pour succomber aux notes célestes de Manuel Rocheman et de ses enchanteurs : elles sont, par excellence, lumineuses.
François Lacharme
*Notamment Lauréat 1998 du "Prix Django Reinhardt" de l'Académie du Jazz récompensant le musicien français de l'année
Au milieu des années 80, le zinc du Petit Opportun, constellé des noms qui eurent quelque poids dans l'histoire de ce club où l'air se faisait aussi rare que les tabourets vides au premier rang, était un parloir où le name dropping avait cours. C'est dans ce brouhaha de l'entre-deux-sets que celui de Manuel Rocheman parvint à mes oreilles encore vrillées par la cymbale cloutée du batteur de la soirée. La réputation de ce jeune pianiste fut scellée alors qu'il n'avait pas encore fait son premier disque. On lui trouvait la technique d'Oscar Peterson avec des fulgurances piquées d'humour héritées de Martial Solal, son mentor. Ne souhaitant à personne d'avoir à assumer une telle ascendance, j'attendis avec une incrédulité un peu sadique sa première trace enregistrée qui se fit désirer jusqu'en 1989. Ce disque inaugural, ainsi que ceux qui suivirent, en solitaire, en trio ou en quartette, confirmèrent ces vérités trop flatteuses ; mais ils me faisaient toujours regretter un album encore à naître, celui de l'accomplissement.
Cette petite frustration m'a aujourd'hui quitté. Et, pour tout dire, il m'importe peu que les runs à l'octave d'Oscar Peterson et le trait oblique de Martial Solal -ces marques déposées qui authentifient un pedigree fort désirable- aient disparu sous le poids d'une conquête qui ne se juge pas à la rapidité des synapses mais à la qualité de l'abandon que nous consentons à notre vraie nature. Celle de Manuel Rocheman tient dans une évidence pouvant coûter cher à qui veut s'en justifier : son piano chante à l'unisson de son âme. Au fond, c'est un lyrique qui n'a plus à s'expliquer sur ses brillants antécédents. "Magic Lights" est comme une chanson d'auteur : elle apostrophe avec tact et conviction cet espace en nous qui sait reconnaître une vraie mélodie, l'art méticuleux des notes bien pensées et destinées à être superlativement jouées. Pris du coup de folie du jardinier décidé à en découdre avec des espèces parfois invasives, Manuel Rocheman s'est donc débarrassé de ses liens tutélaires. C'est tout un art : en disant plus simplement des choses complexes, il fait descendre vers le cœur les constructions plus cérébrales de naguère. On suit le cheminement agile de ses improvisations sans mode d'emploi, ici cambrées par un rythme brésilien, là par la finesse harmonique d'un thème qui met du bonheur dans la mélancolie. Surtout, il phrase comme le ferait un souffleur. Il en va ainsi de la première à la dernière note.
Hasard qui n'en est pas un, cet album permet aussi de rétablir les hiérarchies et d'écouter à son niveau exact le saxophoniste Rick Margitza, alter ego du pianiste dont la notoriété est inexplicablement restée en-deçà de son rang naturel : sonorité dense et droite, fusant au-dessus des barres de mesures, aigus parfaits, escamotant ses dons techniques redoutables derrière une aptitude à scander ses chorus comme s'il les sous-titrait de paroles invisibles. Trop candide, trop honnête, il est le seul saxophoniste engagé par Miles Davis à n'avoir jamais poussé son avantage après le décès du trompettiste. Sans doute était-il trop bien pour lui... Ce que l'on ne dira pas de Mathias Allamane ni de Matthieu Chazarenc vis-à-vis de Manuel Rocheman : leur histoire commune est déjà longue (15 ans !) et ils n'ont pas à surjouer leur rôle. C'est une paire d'architectes qui n'a pas besoin de redorer sa plaque professionnelle car c'est tous les jours qu'elle construit, par touches rythmiques ineffaçables, sa pyramide du Louvre.
Alors, une fois plantés le décor et les personnages, on se laisse porter par cet élan mélodique essentiel, ce jazz du présent où les musiciens partagent leur miel et leur chanson de gestes, à demi-inconscients de la fluidité aérienne avec laquelle ils les accomplissent.
Prenant le contrepied du joli mensonge promis par le titre de cet album, je laisse volontiers les subterfuges de la magie aux magiciens pour succomber aux notes célestes de Manuel Rocheman et de ses enchanteurs : elles sont, par excellence, lumineuses.
François Lacharme
*Notamment Lauréat 1998 du "Prix Django Reinhardt" de l'Académie du Jazz récompensant le musicien français de l'année