Les Frères Timal

Sè sa menm
Sortie le 26 avril 2024
Label: Aztec Musique
Quand l’ingénieux producteur d’électro-Funk, Léopard Da Vinci, rencontre L’Ambianceur de Guadeloupe, Jean-Marc Ferdinand, la fusion est fraternelle ! Généreux par essence, ils invitent alors l’Electro et le Gwo Ka à vivre ensemble une danse inédite sur le bitume de la métropole encerclée de la chaleur des Antilles.
Machette Production, Cyprien STECK, Espace DJANGO… Partenaires, amis, collaborateurs, notre trio infernal collabore, travaille et construit ensemble depuis plusieurs années.

Décembre 2020, la crise sanitaire perdure et semble ne jamais vouloir s’arrêter. En résidence de captation à l’Espace Django avec le groupe THE FAT BADGERS, Cyprien Steck n’a que pour solution de lancer « Disk La Reye » de Jean-Marc Ferdinand pour faire oublier aux équipes la grisaille d’un couvre-feu insoutenable.

Janvier 2021, ce dernier nous informe : « je pars en Guadeloupe 2 mois. Je ne peux pas rester en métropole dans cette situation. Je pars rencontrer Jean-Marc. » Croyant à une blague, nous nous rendons compte que ce fut son réel objectif et que la rencontre a bien eu lieu. De retour en métropole, nous échangeons sur une potentielle collaboration entre les 2 artistes.

Été 2021, Cyprien repart en Guadeloupe pour discuter avec Jean-Marc d’un projet commun basé sur le Gwo Ka, musique inscrite par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Dans le même temps, la réouverture des lieux culturels s’amorce difficilement.

Rentrée 2021, nous avons plus que jamais besoin de retrouver les territoires, les publics et de réécrire ensemble ce monde de maintenant incertain. Plus que des rencontres artistiques, nous devons construire des propositions originales, pleines d’espoir, mixant patrimoine et nouveautés et amenant le public à la rencontre de sa culture.

L’Espace DJANGO se bat maintenant depuis plus 6 ans dans cette énergie au sein du quartier du Neuhof à Strasbourg par le biais de sa programmation, mais aussi des actions culturelles. Machette Production soutient depuis sa création la mixité des musiques électroniques avec le génie des ainés. En fin nous avons, ici, 2 bêtes de scène infatigables : Cyprien Steck aka Léopard DaVinci et Jean-Marc Ferdinand « L’Ambianceur ».

Nous voilà alors réuni pour rendre hommage au Gwo Ka, patrimoine culturel français, mais surtout universel, ainsi qu’à la culture antillaise ancestrale en les emmenant dans les méandres des rythmes techno/funk de notre métropole.

Note d’intention artistique

Né dans la douleur, au sein des Africains réduits en esclavage et déportés en Guadeloupe, le Gwo Ka a connu l’interdit et le dénigrement avant de se répandre dans l’archipel et sur le globe. Le mercredi 26 novembre 2014, l’UNESCO a inscrit le Gwo Ka guadeloupéen sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Et pourtant… je n’en avais jamais entendu parler.

Je suis Cyprien Steck, musicien passionné et spécialisé dans les musiques afro-américaines. En allant me réfugier en Guadeloupe pour fuir la morosité d’un hiver « covidé », je ne connaissais de la musique antillaise que quelques tubes au goût tropical : l’écho étrange de Kassav’, et une paire de chansons d’un certain Jean-Marc Ferdinand, découvert au hasard d’une compilation « zouk love » d’autoroute. Quand je demande au chauffeur de taxi en arrivant s’il connait Jean-Marc Ferdinand il me répond : « Mais oui ! C’est l’Ambianceur ! ». En effet je connaissais ses vidéos à Bercy ou aux Francofolies, où il électrise des dizaines de milliers de spectateurs avec une facilité que je n’avais jamais vue auparavant. Après plus d’un mois sur place, on le trouve en concert dans un restaurant perdu dans la jungle. Pourtant ce n’est pas pour faire « crier, sauter, chanter, tourner » la vingtaine de personnes attablées. Cette fois, c’est pour chanter et faire découvrir, en acoustique, les chansons traditionnelles du patrimoine antillais avec la même générosité communicative que si nous étions des milliers et, surtout, avec une parfaite maîtrise vocale et rythmique. Il faut se déplacer 2 mois pour prendre la mesure de la richesse musicale et de l’amour des antillais pour leur musique. Un département de 380 000 habitants avec des dizaines de stations de radios qui passent de la musique locale 24h/24, toutes les générations qui partagent la même musique au restaurant ou en boîte de nuit. Alors en rentrant du concert de Jean-Marc, je me mets à rêver d’un projet musical qui fasse la part belle à cette musique riche et communicative, qui va bien au-delà du zouk. Et surtout, je me mets à rêver de partager la scène avec Jean-Marc Ferdinand L’Ambianceur…
De retour en métropole, la situation sanitaire ne sait pas réellement arrangée. Je comprends qu’il faut présenter un autre horizon au public. Il ne peut plus être que festif ; il faut le faire renouer avec son patrimoine. Je décide donc que ce rêve doit devenir réalité : je propose alors à Jean-Marc d’entamer une collaboration. Sa réponse est à la hauteur du personnage : immédiate et positive. Je repars donc en Guadeloupe pour en parler. Au bout de seulement 20 minutes, il sort simplement son tambour pour m’enseigner les racines de sa musique, le Gwo Ka. Métisser sa musique vivante pour la faire connaître, c’est ce qu’il souhaite ; Elle n’a de sens que dans le partage. Alors c’est décidé, on se lance : L’Ambianceur de la Guadeloupe et le jeune producteur alchimiste de la métropole se retrouveront sur scène !

A propos du Gwo-Ka : une musique vivante, métissée et improvisée

En se basant sur leurs rythmes et leurs chants traditionnels, les esclaves africains arrivés aux Antilles ont créé une musique singulière, mélange entre leurs traditions perdues et leur vécu.
En découvrant le Gwo Ka en Guadeloupe, j’ai retrouvé les mêmes instruments qui m’avaient transcendé des années plus tôt en Côte d’Ivoire, lorsqu’en 2015, je participais à la fête des générations des Ébriés d’Anoumabo.
Au centre il y a 3 tambours, avec toujours : un soliste au son aigu et au jeu très libre, et deux accompagnateurs qui impriment le rythme de base. Autour d’eux il y a les shakers, maracas ou calebasses à graines (Chacha en Guadeloupe) qui donnent la pulsation en fréquence aigus et répétitives (souvent ces percussions passent de mains en mains et tout le monde sait en jouer).
En Côte d’Ivoire comme en Guadeloupe ces rythmes servent toujours de support au chant. En général ils se composent d’appels d’un chanteur principal, auquel répond l’assistance (appelé « répondè » en créole c’est à dire les « répondeurs »). Outre ces similarités, on ne retrouve pas les mêmes tambours, ni les mêmes rythmes et mélodies de part et d’autre de l’Atlantique. Le Gwo ka est avant tout une musique métissée, fruit de la mémoire et de la vie d’esclaves qui ne provenaient pas des mêmes régions d’Afrique et ne disposaient pas des mêmes matériaux que là-bas. De plus, ils ont également entendu les rythmes joués par les blancs et s’en sont inspirés. On retrouve ainsi dans le Gwo ka des rythmes provenant des valses et des mazurkas européennes. Cette synthèse a engendré des rythmes plus « ancrés » dans la pulsation et les structures ont un côté plus identifiable et implacable que dans la musique africaine.
Enfin, le Gwo ka possède une spécificité qui lui a valu un intérêt international, c’est le rôle « musical » qu’occupe la danse. En effet les danseurs se succèdent devant le tambour soliste, et lui dicte par la danse les figures rythmiques à jouer, dans un dialogue corporel et musical improvisé.

L’objectif musical du projet

Issu d’un grand brassage d’influence, le Gwo ka a, à son tour, influencé de nombreuses musiques avec en premier lieu : le zouk, que Kassav’ a créé dans les années 80. Très attaché à ses racines, sans être puriste, Jean-Marc partage l’avis que le métissage est une manière importante de faire connaître et d’enrichir une culture. D’emblée, il nous a semblé pertinent de tenter une approche musicale visant à défendre une musique des Antilles françaises qui ne peut pas se résumer au zouk. Pour cela nous souhaitons repartir de l’origine, en s’appuyant sur les différents rythmes du Gwo ka et le chant de Jean-Marc, et en les mêlant à de nouvelles sonorités. Le zouk est défini par une formule rythmique unique et omniprésente. Sans l’abandonner à tout prix, nous explorerons les 7 rythmes de base du Gwo ka, dont certains sont en trois temps (comme le Woulé, sorte de valse) ou en feeling ternaire par exemple. Il s’agira ensuite d’explorer des timbres harmoniques et mélodiques qui permettent de se détourner des clichés de la musique créole, notamment en utilisant des samples, et synthétiseurs modernes. Le fait que Jean-Marc maîtrise le chant et le groove de base au tambour Ka, permet de proposer une trame musicale ancrée dans la tradition, laissant toutefois le champ libre à une infinité de possibilités d’instruments et de textures à marier. Pour préparer ce mélange musical je souhaite m’imprégner de la culture au maximum et travailler sur place afin de saisir l’atmosphère et participer à la culture locale. En me déplaçant avec quelques micros, et quelques petits claviers, je pourrais apprendre à connaître cette musique en « tradition orale », l’enregistrer et explorer le mélange avec les sonorités que j’aurai emmené dans mes valises.