Kolinga

Legacy
Sortie le 9 septembre 2022
Label: Underdog Records
« J’ai eu envie de parler de ce que je connais le mieux, c’est-à-dire ma vie. » Rébecca M’Boungou n’ignore pas quelle est la part d’universel dans sa vie de métisse – tellement de bouleversements, de splendeurs, de mélancolies, de plaisirs ou de douleurs présents dans ce siècle. Kolinga raconte donc beaucoup plus que l’aventure musicale d’une Béarnaise à la peau mate qui s’exprime en français, anglais et lingala sur une musique qui puise dans la pop, la rumba congolaise, le jazz, la soul, la chanson, le hip hop…
« J’ai eu envie de parler de ce que je connais le mieux, c’est-à-dire ma vie. » Rébecca M’Boungou n’ignore pas quelle est la part d’universel dans sa vie de métisse – tellement de bouleversements, de splendeurs, de mélancolies, de plaisirs ou de douleurs présents dans ce siècle. Kolinga raconte donc beaucoup plus que l’aventure musicale d’une Béarnaise à la peau mate qui s’exprime en français, anglais et lingala sur une musique qui puise dans la pop, la rumba congolaise, le jazz, la soul, la chanson, le hip hop...

Sa musique sophistiquée fait instinctivement bouger, très charnellement africaine et nourrie de mille sources savamment interrogées, la voix dévoilant le tumulte intérieur d’une artiste d’à peine trente ans, devenue âme d’un collectif de virtuoses. On discerne un bagage ardent de world music, des parentés avec le rock brumeux et lettré de Patrick Watson...
L’autobiographie irrigue Legacy, précédé il y a quelques mois par Mama (Don’t Let Me), chanson et clip en animation racontant la vie d’une enfant métisse élevée par sa mère seule – réalisation d’Emma Cormarie sur un scénario de Rébecca. L’album raconte la béance du silence et le fracas de la polyphonie identitaire, les fantômes de l’Histoire et le présent déraciné, la mémoire que l’on explore et les souvenirs que l’on fuit...
Dans sa vie, la musique était évidence, puisqu’elle a uni ses parents. Son père est Angélou Chevauchet, chanteur à la voix de tête très aiguë, que l’on assimile à un Papa Wemba du Congo Brazzaville. Sa mère, Claudie Escalé-Mbemba, est la première Blanche à suffisamment maîtriser les danses traditionnelles pour entrer dans le Ballet national congolais. Un couple de vedettes au Congo mais la destinée est contraire...

Rébecca nait dans le Sud-ouest. Désormais, sa mère donne des leçons de danse africaine. La petite fille apprend, évidemment, jusqu’à donner des cours à son tour. Elle voit de temps en temps son père, qui ne fait pas la démarche de lui apprendre sa langue et sa culture natales. Elle découvre le Congo Brazzaville à douze ans : « Tellement d’émotions et d’informations que je ne me souviens de rien de ce voyage. » Elle y retourne régulièrement et elle y donne ses premiers concerts avec le groupe FB Star. Fille d’artistes, elle se raconte qu’elle veut un vrai métier, se lance dans des études d’audiovisuel et finit par devoir prendre des petits boulots alimentaires. « Je me suis dit qu’il fallait me lancer vraiment. » Tout est clarifié en 2014 par la rencontre avec Arnaud Estor, musicien au large univers – la guitare, de Django au metal, les percussions mandingues... Elle a grandi entre deux cultures, son univers à lui est largement ouvert : créer ensemble Kolinga est naturel. En lingala, ce mot signifie autant « lier » qu’« encercler » – des sens de relation comme d’inclusion, de possession comme d’élan. Premières compositions, premiers concerts en duo avec loopers... Premier album, Earthquake, en 2016. Gaël Faye, que Rébecca a découvert quelques années plus tôt, est accaparé par le succès de son livre Petit Pays et ne peut, comme prévu, enregistrer la chanson Kongo avec elle. Tant pis, tant mieux : en 2018, il tourne le clip en duo et invite Kolinga pour plusieurs dates de sa tournée, dont l’Olympia.
Un désir peut alors se libérer tout à fait : élargir Kolinga à un sextet. Il ne s’agit pas seulement d’un line up ambitieux, mais de dire plus, plus loin, plus haut, plus profondément. Arrivent donc le batteur, pianiste et multi-instrumentiste Jérôme Martineau- Ricotti, le bassiste Nicolas Martin, le flûtiste et clavier (et plasticien pour la pochette) Jérémie Poirier-Quinot et le « soufflant » Vianney Desplantes (euphonium, flugabone). Au hasard des parcours des uns et des autres, on relève des passages par Magma ou les Arts Florissants de William Christie, l’Old School Funky Family ou l’ensemble 2e2m, Jay Jay Johanson ou le Cirque Bidon – une sorte d’encyclopédie polyphonique de rigueurs et de libertés.
Legacy est écrit pour être partagé avec ces musiciens dans une dialectique singulière d’intimité et d’ampleur. « J’écris vraiment seule, puis nous cherchons des arrangements avec Jérôme et, ensuite, les autres sont venus enregistrer un par un, toujours dans une atmosphère très intime, très resserrée. »
Malgré le confinement, Kolinga donne une trentaine de concerts en sextet pendant l’année 2021 tout en enregistrant. Rébecca retrouve la trace de Samba Mapangala, grand musicien congolais des années 80 dont elle veut reprendre un standard soukous transformé en une tournerie soul-jazz qui déploie l’alliage de jubilation et d’infinie tristesse des guitares électriques congolaises. Elle construit avec ses complices un patrimoine éclairé par la mathématique créole du poète Édouard Glissant : l’addition d’éléments d’origines éparses produit un résultat supérieur à leur somme arithmétique. Et Kolinga entraine quelque part où les vastes mouvements du monde s’effacent derrière la capacité de la musique à réconcilier et à ravauder les cœurs et les esprits. Un héritage si simple et si démesuré...


 


 


 

ENREGISTREMENT : Jérôme Martineau-Ricotti au Talaklé Studio
Sauf quelques prises de Mama (Don’t let me) et Je ne suis pas de ce monde, enregistrées par Fabien Auguy à Funk You Studio RÉALISATION, MIXAGE : Jérôme Martineau-Ricotti MASTERING : Benjamin Joubert
ARTWORK : Jérémie Poirier-Quinot
PRODUCTION : Talaklé Production / Take It Easy Agency