Guts

Straight from The Decks 3
Sortie le 14 juillet 2023
Label: Heavenly Sweetness
Chaque DJ a sa manière de faire pour construire son set. Prendre les disques entièrement au feeling du moment et faire confiance à son instinct, écrire précisément sa liste sur un papier et ne surtout pas en sortir ; le set est une cuisine où le DJ est le chef. Qu’importe la manière avec laquelle il s’y prend, tant que c’est fait proprement et que tout le monde apprécie, c’est l’essentiel.
Chaque DJ a sa manière de faire pour construire son set. Prendre les disques entièrement au feeling du moment et faire confiance à son instinct, écrire précisément sa liste sur un papier et ne surtout pas en sortir ; le set est une cuisine où le DJ est le chef. Qu’importe la manière avec laquelle il s’y prend, tant que c’est fait proprement et que tout le monde apprécie, c’est l’essentiel.
Je pense être un peu entre les deux sauf que, plutôt que de repas, je parlerai d’histoire. D’un récit qui traverse styles, pays, ambiances, et que je raconte d’une manière différente chaque soir. Avec, pourtant, une méthode que je respecte.
Entre les nouveautés que je reçois des labels, celles qu’amis et fans m’envoient, et ce que je digge moi-même, j’ai de quoi faire un set différent de A à Z, chaque soir ! Pourtant, avant de pouvoir aller régaler le dancefloor, chacun d’entre eux doit passer par un parcours bien précis. La première étape est la numérisation en haute qualité. Je peux faire plusieurs dates dans la même semaine alors, hors de question de transporter des caisses de disques à des endroits parfois éloignés les uns des autres. Le format WAV est devenu mon meilleur ami. Avec lui j’édite certains titres, coupe parfois des parties ou en allonge d’autres. L’intro interminable n’est pas nécessaire alors que le break furieux ne demande qu’à se rejouer encore un peu. La deuxième étape consiste, ensuite, en un classement par genre et origines. Se créé une véritable bibliothèque de titres où chacun est à sa place. Accessible (presque) sans chercher. Je connais trop bien l’expérience de se perdre dans sa propre collection, tenter de lire les tranches, sortir un disque de moitié sur l’étagère pour le remettre aussitôt. Non, ce n’est pas celui-là...où est-ce que je l’ai rangé alors ?...
C’est dans ces dossiers que je puise ensuite les titres qui pourront accéder à la troisième étape : la sélection pour le set. Rien n’est figé, les entrées et les sorties sont incessantes. J’ai des squatters à l'année autant que des résidents de passage pour quelques semaines. Ou jours. C’est à partir de là que je commence à élaborer l’histoire que je vais raconter pendant trois ou quatre heures.
Le début est toujours le même. Accueillir les danseurs dans la douceur. Les laisser prendre leurs marques avec un apéritif musical de titres à 80/90 BPM, chose que beaucoup de DJ ne font pas ou plus.
La fin est toujours la même. Quitter les danseurs dans la douceur. Les laisser descendre paisiblement. Leur soirée avec moi se termine, mais c’est peut-être une autre, plus intime, qui commence pour eux.
Entre les deux, l’histoire proprement dite, avec ses rebondissements cumbia, reggae, hip hop, musique lusophone, funk, soul-jazz...Tellement riche, elle se raconte avec l’humeur du moment et le retour de la piste. En fonction de son climat général, la montée en puissance peut se faire après 1 H. 30 de préliminaires, comme elle peut arriver dès la 45ème minute. Le climax s’atteint avec la partie afro-house, passage de furie qui télescope musique surexcitée du Zimbabwe, punk d’Afrique du Sud, voire expérimentation totale avec des titres si perturbants qu'ils en désynchronisent les jambes de danseurs. Moment de rupture dans la narration, il ne sert en fait qu’à renouer, aussitôt fini, la connexion avec la piste et à relancer l’histoire avec encore plus d’intérêt.
Ceux qui sont déjà venus me voir en DJ set le savent : chacune de mes histoires est unique. J’espère que vous apprécierez celle que je vous raconte dans ce troisième volume.
Pura Vida, Guts
A1-Aida Bossa-Azúcar / El Loro Y La Lora
Connue en Colombie pour ses rôles à la télévision ou sa participation à Top Chef, j’avoue ne plus savoir comment Aida Bossa est arrivée sur mes platines. Avec une discographie résumée à un EP de 5 titres où ne figure même pas ce titre, il m’a fallu beaucoup d’abnégation pour enfin l’obtenir. Son rôle est crucial, puisque c’est avec cette chanson traditionnelle du département de Bolivar (au Nord du pays), que j’ouvre chacun de mes sets. Intimiste et acoustique, elle est idéale pour avoir l’attention de tous et leur permettre d’entrer doucement dans l’histoire que je vais leur raconter. Fonctionne aussi avec cette compilation.
A2-Lagos Thugs-Innocent Blood
Premier enregistrement de ces jeunes émules de Fela, le jouer en set aura été plus facile que de le compiler. Saturations, mastering, beaucoup de choses compliquaient la tâche mais, aucun problème. Un coup de fil au producteur pour qu’il nous envoie les pistes séparées, un grand nettoyage, et on n’en parle plus. A condition que le studio n’ait pas fermé et que quelqu’un sache où se trouvaient les bandes. Ce qui n’était pas le cas. Persévérant, les négociations ont finalement abouti à une solution radicale. Les Thugs sont retournés en studio pour refaire le titre. Spécialement pour que vous puissiez l’écouter chez vous, avec ce troisième volume.
A3-Djingo-Vini Ouais
C’est Mr. Ash, de Digger’s Digest, qui a organisé les présentations avec ce 45-tours, arme redoutable que je rapproche de moi quand la partie afro-house du set est bien engagée. Quand je le sors, la rupture est immédiate. Plus de beat ni de grosse caisse. Les danseurs sont parfois déconcertés, ne sachant plus sur quelle cadence régler leur pas, dans ce concert de percussions créoles. Le temps que tout le monde trouve ses marques, et les choses ont déjà repris une tonalité plus moderne. Moins tribale. Djingo est déjà reparti, emportant avec lui le mystère d’un artiste guyanais sorti sur Revolum, un label spécialisé dans le renouveau musical traditionnel et populaire occitan.
A4-Lindigo-Domoun
Plus de vingt ans de carrière et je n’ai découvert ce groupe de la Réunion que très récemment. Pas un problème, je me suis rattrapé en achetant tous leurs disques qui ne sont, à mon grand regret, sortis qu’en cd. Peu importe, je suis tellement tombé sous l’emprise de leur maloya que je peux aller jusqu’à jouer quatre de leurs titres par set ! Un titre comme celui-là équivaut à dégoupiller une grenade dansante sur la piste. Personne n’en sort indemne. Pas même moi. Derrière mes platines, alors que personne ne sait que ce morceau là arrive, je me fais déjà plaisir à la seule idée de savoir que c’est son tour.
Double résonance pour ce titre, me concernant. D’abord Lass, voix du Voilaaa Sound System (avec Pat Kalla). Berlin, Londres, j’ai partagé plusieurs fois la scène avec cet artiste encore trop cantonné à la France alors qu’il mériterait une exposition plus grande. Ensuite, le
B1-Lass-Senegal
Sénégal. Le pays où est né mon album « Estrellas », ma plus grande aventure artistique à ce jour. Jouer ce titre me replonge instantanément dans cette inoubliable folie vécue avec toute ma famille musicale. Émotionnellement, à ce moment du set, j’y mets quelque chose de personnel. Une fenêtre s’ouvre et j’en profite pour y jouer quelques titres d’ « Estrellas ». Une entorse à ma règle d’or qui est de ne jamais jouer mes propres titres.
B2-Joojo Addison-Guy Man
Que les coupables se dénoncent. Aucun DJ ne jouant ce titre n’a jamais pu l’avoir en bonne qualité, uniquement en mp3 subtilisé sur plateforme digitale. Impossible pour moi. Mais impossible également de ne pas l’avoir. Aucune existence physique du titre, silence radio de l’artiste même après plusieurs tentatives. La lumière est venue de K.O.G, un artiste pour lequel j’ai produit deux albums. Ghanéen, comme Joojo, K.O.G. a actionné tous ses leviers dans la communauté. Ca n’a été ni facile, ni de tout repos mais, sur le buzzer du bouclage de la compilation, Joojo a finalement donné son feu vert.
B3-La Boa-Vuelo Antillano
Dix ans d’existence pour ce groupe que j’ai découvert au hasard d’un diggin’ digital sur les plateformes d’écoute. Leur musique, les Colombiens de La BOA, pour Bogotá Orquestra Afrobeat, l’ont baptisé caribe afrobeat. Pas étonnant quand on voit que, comme leur ancêtre nigérian, leur passion est de drainer puis de mixer une quantité d’influences et de styles. Cumbia, afro-cubain, latino, merengue, dub ; point de jonction entre l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale avec, en plus, vue imprenable sur la Caraïbe, ils ont de quoi faire. Dans ce titre, c’est le vent des Antilles qui leur a amené l’inspiration
B4-Voilaaa-Water No Get Enemy
Le temps d’un mandat de cinq minutes, Pat Kalla enfile le costume du Black President Fela pour revisiter ce classique afrobeat. Devenu rond et discoïde, le groove tombe le treillis et se rappelle que le temps n’est pas à la guerre mais à la danse. Et avec Patchworks à la production, pas besoin d’une armée de vingt personnes : le Voilaaa Sound System peut monter seul et tranquillement au front du dancefloor. Et accrocher à sa poitrine la médaille du deuxième groupe le plus représenté dans mes sets.
C1-Umalali-Mérua
Comme c’est souvent le cas dans les musiques afro-latines, tout prend racine dans le fouet et les chaînes. Descendants des esclaves métissés avec la population Caribéenne, l’histoire des Garifunas est évidemment tragique, entre massacres et discriminations. C’est en Australie, à des milliers de miles de leurs bases, que j’ai rencontré cette délégation venue du Belize, du Guatemala et du Honduras. Alors en négociation pour avoir ce titre sur la compilation, j’ai profité de l’occasion pour envoyer à leur producteur, Yvan Duran, une photo de moi entouré de ses artistes. Hasard ? Destin ? Qui sait ?...
C2-Luizga & Izem-Yemamaya
Là encore, première apparition en vinyle pour ce titre. Comme Bosq, Izem est un proche avec qui je travaille souvent. Il s’est ici associé au brésilien Luizga pour un projet commun dans lequel j’ai subtilisé ce morceau. A peine dosé en electro, il garde toute sa nonchalance brésilienne qui fait glisser les arrangements entre eux, comme une évidence. De tous les titres de ce volume 3, c’est celui que j’ai le plus joué en DJ set. C’est aussi le seul à avoir cette tonalité auriverde. Il n’en ressort que mieux.
C3-Blue Bird-Foefoeroemang
Quitter le Suriname des années 70, traverser l’Atlantique, atterrir dans les mains d’un digger italien établi en Hollande et, enfin, tourner sur ma platine. Le chemin aura été long, mais ça en valait la peine. Référencé nulle part, c’est sur une compilation de l’ancienne colonie néerlandaise que j’ai découvert ce titre. L’élégance de cet ovni de musique traditionnelle est une invitation à danser, de préférence à deux, enlacés sur le pont d’un bateau de croisière, le coucher de soleil comme carte postale de fond. Vous pouvez rouvrir les yeux, vous êtes toujours bien sur le dancefloor.
C4- Poirier feat. Lisa Leblanc - Pourquoi faire aujourd'hui
Comme Izem ou Bosq, Ghislain Poirier m’envoie systématiquement tout ce qu’il fait. Pour avis ou juste pour partage. Cette fois, il s’agissait d’un remix d’un titre de Lisa Leblanc, une chanteuse Québécoise. Dès réception, les vibes afro qu’il y avait mis m'avaient accroché. Mieux encore, dès le soir même, il était joué. Testé en presque direct, en exclusivité pour les présents sur la piste. En plus de lui faire un retour dans la foulée, j’avais également pris soin de faire une vidéo pour lui montrer, images à l’appui, que son remix avait reçu la validation du dancefloor ! Réception-test-retour. Un vrai travail à flux tendu...
Quand le béninois Bosq s’est occupé du remix, en faisant pulser la rythmique pour la rendre plus dansante mais aussi, en polissant un peu les angles qui sont toujours coupants quand on parle d’afro-funk. Coup de sommation pour lancer le début de la partie purement dancefloor de mon set, ce titre n’en est jamais sorti depuis plus d’un an et demi.
D1-Kaleta & Super Yamba Band-Jibiti-Bosq RMX
Leon “Kaleta” Ligan-Majek et les Brooklynites Super Yamba Band unissent
leurs forces, les rues du borough de New York deviennent celles de Lagos. Les lampadaires
ne servent plus à rien, c’est le feu afrobeat qui prend en charge l’éclairage.
D2-Ezra Collective-Lady
Cette version peut bien faire seulement six minutes, contre une dizaine pour l’original, l’afrobeat pur fait plus facilement danser quand on le vit en concert plutôt qu’en set. D’où la difficulté de l’intégrer. Tempo plus soutenu, claviers sophistiqués, la relecture du classique de Fela facilite bien les choses. Dans cette reprise enregistrée pour le cinquantenaire de cet hymne à la femme, les paroles ne sont plus là, mais l’esprit inoxydable autant que le pouvoir hypnotique de Fela répondent toujours présent. Et quand on reprend de grands maîtres comme lui, James Brown ou Bob Marley, c’est le plus important.
D3-Joskar & Flamzy-Faroter
Saccade de boîte à rythmes, boucle de guitare traditionnelle, plaquages d’accord de synthés et voix à l’auto-tune ; le cocktail n’est pas là pour rafraîchir mais pour encore faire monter le mercure, alors que tout le monde suffoque déjà. Impossible d’appeler à l’aide, on ne capte pas dans le tunnel afro-house du set. Dans la fournaise, les danseurs croient entendre dans les passages en français, des bouées de sauvetage qu’on leur envoie. Erreur, il s’agit juste du son moderne de la Côte d’Ivoire qui va continuer son coupé-décalé pendant encore de généreuses minutes.
D4-Dowdelin- I Like To Move It
Le taux de probabilité, qu’un jour, je passe la version originale et house de Reel 2 Real dans un de mes DJ sets ? Proche de zéro. Mais le quatuor français s’est tellement approprié le morceau en le revisitant, qu’il en fait sa chose, avec tous les éléments qui les caractérisent : un composite tribal et digital, créole jusqu’au cœur, qui frappe le titre de percussions sur tout son corps. Placé en queue de peloton de leur EP digital « Péké Viré », il fait ici sa première apparition en format vinyle. Précision qui, comme toujours, n’a aucun sens si vous lisez actuellement le livret du CD...