Guts

Straight From The Desks 2
Sortie le 2 avril 2021
Label: Heavenly Sweetness
Inconsciemment ou non, le set raconte le DJ.

A travers le choix de ses disques et la façon de les organiser, on peut lire son état d’esprit du moment. Partager ses découvertes, en savoir un peu plus sur le gisement musical qu’il a mis à jour et qu’il est en train de forer.
L’appétit du diggin’, la recherche de la nouveauté comme de la rareté oubliée, font du set une véritable matière vivante constamment alimentée. Mais, malheureusement, pas toujours respectée.
Inconsciemment ou non, le set raconte le DJ.

A travers le choix de ses disques et la façon de les organiser, on peut lire son état d'esprit du moment. Partager ses découvertes, en savoir un peu plus sur le gisement musical qu’il a mis à jour et qu’il est en train de forer.

L’appétit du diggin’, la recherche de la nouveauté comme de la rareté oubliée, font du set une véritable matière vivante constamment alimentée. Mais, malheureusement, pas toujours respectée.

La créature du Diable avec laquelle beaucoup trop de dj’s pactisent. Un rouleau compresseur numérique qui passe sur le rythme pour remettre le tempo d’aplomb laissant derrière lui un batteur agonisant, dont le seul crime aura été de s’être laisser emporter par son énergie et d’avoir décalé les BPM. Au final, tout ce qui faisait le charme du morceau, ses imperfections, cette particularité à faire danser plus vite à la fin qu’au début, toute la vie et le mouvement contenus à l’intérieur se retrouve réduite à néant.

L’exact opposé de ma conception de la musique et, par extension, de mes sets.

Depuis le premier volume de Straight From The Decks, les miens se sont redessinés, rafraîchis et améliorés. Sans réflexion ni calcul, mais par la force des choses, ils ont suivi mon évolution et mes envies. Ce fameux noyau dur de quelques indéboulonnables s’est peu à peu désagrégé pour se reformer autrement, mais sans jamais vraiment s’éloigner d’un centre de gravité afro-tropical.

Quelque soit le morceau, son style comme son origine, seule la qualité musicale prime à mes oreilles.

Dans cette sélection, des 45 trs accessibles à tous côtoient sans rougir des raretés longuement pistées sur le net et remportées après des descentes nerveusement éprouvantes dans les arènes des enchères. Des remixs exclusifs partagent le sillon avec des titres qui auparavant n’existaient que dans une version digitale et qui se retrouvent désormais pour la première fois ici en vinyle. Evidemment, si vous avez opté pour le cd, cette précision ça n’a pas vraiment de sens…

Seize titres qui, au cours de l’année écoulée, sont devenus le coeur des mes sets.

Un coeur qui, dans un an, battra certainement différemment…
A1 The Dutch Benglos - Shabi-Bi-Bi-Do

Le groove qui se déploie sur les premières mesures ne fait aucun doute, ça va suer dès que le chant va entrer. Et, non. Intraitable, le funk est là sur tout le morceau, prêt à hausser le beat au cas où les synthés seraient attirés par le précipice kitch. Bruts, les cuivres refusent qu’on les lustre pour les rendre brillants, le mat leur va trop bien. Et le chant alors ? Il est d’une douceur soul à laquelle on ne s’attend pas et dont on guette fébrilement chaque réapparition. Chanson d’amour au discret parfum de highlife, une merveille venue du Ghana.

 A2  Pat Thomas & Kwashibu Area Band-Yamona-DETROIT SWINDLE RMX

Comme Ebo Taylor, le ghanéen Pat Thomas est une légende du highlife et de la musique africaine. Comme pour James Brown ou Fela, Pat Thomas fait partie de ces artistes dont il me faut tous les disques. D’abord sorti sur son album 1980, avec production brillante et arrangements disco, Pat a complètement ré-enregistré Yamona en 2019 avec son Kwashibu Area Band pour son album Obiaa ! Cette fois, en version retour aux sources, cuivrée et largement plus ruff.  En conservant le meilleur de chacune et en passant le tout dans un bain électronique, Detroit Swindle organise la rencontre des deux sur terrain neutre.

A3 PUPKULIES + REBECCA / SAUD

C’est à Fosc, le Saint-Patron de la musique africaine à Ibiza, que je dois la découverte de ce titre contemporain. Au départ un duo allemand qui, pour le coup, a muté en trio en enregistrant sur l’île de Maio un album avec le  chanteur multi instrumentiste Tibau Tavares.

Chant, choeurs, guitare, aucun ingrédient cap verdien ne se laisse intimider ou influencer par le beat robotique, ses pulsations et sa production léchée et éthérée. Pourtant, personne ne reste dans son coin. La pureté musicale de l’archipel lusophone et l’electro-house germanique fusionnent et s’imbriquent avec une telle cohérence qu’on les jurerait amies intimes depuis toujours.

A4 La Gran Banda Calena / Que Quieres Que Haga

Être parfois en décalage avec les tendances m’a fait rester en dehors de la vague cumbia qui  inondait, et parfois noyait, les sets il y a une dizaine d’années. J’ai donc découvert ce disque par moi-même au moment où je me suis intéressé à ce style made in Colombie. Le piano et les cuivres qui viennent se défier sur le ring des percussions, le chanteur qui dialogue avec ses choeurs, l’amour, ses travers, ses joies et ses peines comme thème central. Conservée avec tous ses codes musicaux d’origine, cette pièce ne date pourtant que de 1984. Malgré cela, le disque original, celui sorti l’historique label Discos Fuentes, est une rareté qui peut atteindre des sommets sur les sites spécialisés.

B1 Martina Camargo / Me Robaste El Sueno

Une fête, un orchestre, une musique, un chant, une danse et un instrument : voilà tout ce que désigne le mot tambora sur la côte caribéenne de la Colombie. Un tout en un musical, un style traditionnel auquel on peut difficilement résister dès que les percussions entrent en action. La voix d’une des artistes les plus reconnues du genre qui répond à la rythmique des tambours, un morceau d’un beauté brute malheureusement souvent massacrée dans des remixs douteux. En ce qui me concerne, j’ai choisi de ne pas l’éditer pour ne pas toucher, même à un silence, de son authenticité. C’est le seul morceau de toute la compilation à avoir eu ce traitement de faveur.

B2 MACKJOSS / MOUNADJU

Présente dès les premières mesures, la guitare opère d’abord comme support rythmique au service de Makjoss qui, pour service rendu, lui laisse les rênes dans les dernières minutes. Un acte de loyauté par celui dont la carrière commença à dix-sept ans et qui profitera de son passage dans l’armée pour créer l’Orchestre des Forces Armées Gabonaises. Véritable institution dans son pays, Jean-Christian Mboumba Makaya aka Mackjoss héritera du surnom du Baobab en raison de son enracinement profond et puissant dans l’histoire musicale du Gabon. Pour en revenir au titre, je l’ai diggé sur un disque sans valeur autre que celle de la musique qui y est gravée. Rareté ne fait pas qualité.

B3 Voilaaa-Limyè-A feat David Walters, Lass & Pat Kalla

Son crâne impeccable, ses lunettes noires, son éternel et immense sourire, son saxophone qui pouvait déclencher un brasier afro-funk en seulement quelques notes : Manu Dibango aura incarné à la perfection ce qu’était un Lion Indomptable du Cameroun. A sa mort, en mars 2020, Voilààà lui a rendu hommage avec Manu Ecoute Ca, un EP trois titres. A la fois latin, africain et créole avec la présence de David Walters, ce morceau là est une véritable célébration à laquelle je convie systématiquement les danseurs.

B4 JOBBY VALENTE / MI MOIN MI OU

Un jour, j’ai eu pour projet de sortir un maxi avec différentes versions de Disk La Rayé, un classique de la musique Antillaise, dansant et furieux au possible. Prenant les choses dans l’ordre, j’ai donc traqué l’original, un titre de Jobby Valente sur l’album Flashback, avec l’immense Jacob Desvarieux à la guitare et aux arrangements. Face A, tout se passe bien. Face B, les choses se compliquent. Je prends Mi Moin Mi Ou de plein fouet. Irrésistible. Je reste aimanté sur le disque qui tourne. Je tombe amoureux du titre dans la minute ! Je lui déroule le tapis rouge vers mes dj sets!  J’en fait un incontournable ! Et ce projet de maxi dans tout ça ? On verra plus tard...

C1 Luis Dias-Liborio

La pression qui monte doucement pendant quelques secondes avant que les cuivres ne viennent déclarer le bal ouvert : la recette est éprouvée mais fonctionne avec un taux d’échec quasi nul. Aussi étrange que ça puisse paraître à l’écoute de ce seul titre de merengue origine certifiée, Luis Dias est considéré comme le père du rock Dominicain reconnu pour son appétit de fusions des styles. Dans les années 80, il fera des albums guitare en bandoulière avec solo de six cordes électriques, quoi de plus normal pour celui dont le surnom était Luis Terror Dias ?

C2 Bandé Gamboa-Pe Di Bissilon-DETROIT SWINDLE RMX

Ce duo hollandais, je l’ai découvert via leurs remix de musique angolaise, quand j’ai glissé dans la musique lusophone comme dans des sables mouvants. Alors, quand est venue l’idée de faire remixer l’album Horizonte de Bande Gamboa (un all-stars de musiciens de Guinée-Bissau et du Cap Vert), leur nom s’est écrit de lui même en haut de liste. Ils étaient le trait d’union presque naturel entre l’authenticité de ce disque que j’avais produit et sa version plus futuriste que je voulais en donner. Qui d’autre qu’eux pouvait se réapproprier ce titre sans en dénaturer l’essence Bissau-Guinéenne ?

C3 Ngalah Oreyo / Aye

Souvent les productions afro-tropicales utilisent une bonne grosse rythmique bien éreintante pour kidnapper les danseurs et les relâcher épuisés ensuite. Là, on est dans totalement autre chose. Même si elle est présente sur presque tous les temps, la grosse caisse martèle délicatement le groove et installe une transe hybride, entre tradition et modernité. On a à la fois des percussions, des claquements de mains, du digital et des nappes de synthés. Le charme opère en douceur et rayonne sur les danseurs qui s’aperçoivent bien trop tard qu’ils sont captifs depuis déjà un moment !

C4 Alcione / Nzambi-Muadiakime

Alcione a dix-neuf Disques d’Or, cinq de Platine, un Double Platine et il m’a fallu attendre 2019 pour être ébloui par les reflets d’un soleil Brésilien qui les fait briller depuis plus de quarante ans ! Une découverte que je dois à Anders qui a ouvert son set avec au Goulash Festival et qui, par la même occasion, m’a décoché une sorte de K.O. dont j’ai mis du temps à me remettre. Grandiose, vivifiant, enivrant, exaltant, prodigieux, je pourrais aligner les adjectifs de ce genre pendant encore des lignes et des lignes. Et j’aurai toujours l’impression de ne pas encore en avoir dit assez !

D1 Ismaïl & Sixu Touré - Utammada

De l’afro-funk qui mute en tribal pour terminer en afro-disco : trois ambiances bouillantes en seul morceau ! C’est par le biais d’un remix de mon ami Bosq que je suis remonté jusqu’à l’original des frères Touré. Financé par un prêt familial, pressé à seulement 700 exemplaires, l’album Mandinka Dong était devenu une rareté, heureusement rééditée pour le bien de tous ! Il s’agit surtout des débuts de la fratrie sénégalaise, avant son règne familial sur ce qu’on appellera la “world music”, sous le nom de Touré Kunda.

D2 Pat Kalla-Canette-BOSQ RMX

Déjà sortie en maxi sur mon label Pura Vida Sounds, j’avais toujours trouvé que, finalement, cette canette manquait de goût. Aussi, quand on est entrés en studio pour l’album de Pat (en préparation au moment où vous lirez ces lignes en 2021…), on a décidé de le réenregistrer. De lui donner plus de pétillant, plus de fruit. De lui faire libérer tous ses saveurs, notamment en ajoutant des arômes naturels de cuivres. Quand j’en ai proposé un verre à Bosq, il a préféré aller le boire seul dans son studio et refaire son propre cocktail. On en est à la troisième version, et je sirote cette canette avec toujours autant de plaisir.

D3 Aurelio - Nando

Evadés pour échapper à leur condition d’esclaves, métissés aux populations locales de la Caraïbe. Déportés dans l’archipel puis établis dans plusieurs pays d’Amérique centrale, les Garifunas sont un tel concentré de cultures et de traditions venus d’endroits différents qu’il n’est pas étonnant que ce melting-pot jaillisse dans la musique d’Aurelio, l’Ambassadeur International de la Culture Garifuna. Au moment où je découvrais l’album de cet artiste Hondurien, quelques années après sa sortie, une célèbre radio le faisait elle aussi entrer en playlist. Je me suis senti beaucoup moins seul.

D4 CHUCHO PINTO / CUMBIA DE SAL Y AZUCAR

L’intro phénoménale, cet appel au peuple qui capte l’attention pour annoncer les intentions, résume toute l’essence de mes sets. L’esprit du titre aussi, tout le monde est là pour danser, personne pour pleurer. Ce tourbillon dansant, léger malgré tous les instruments qui cohabitent. Ces cuivres, ces percussions et ce clavier qui viennent ponctuer le temps à l’unisson avant que chacun ne reprenne sa route mélodique ou rythmique, pour moi, ce titre condense tout ce qu’il y a de meilleur dans la cumbia. Et je remercie mon ami Pushin Wood de me l’avoir fait découvrir.