Guts

Straight From The Decks
Sortie le 5 juillet 2019
Label : Heavenly Sweetness
Quand, dans les années 80, le hip hop est venu abattre ses cinq disciplines sur nos têtes adolescentes, certains ont pris un micro, d’autres une bombe de peinture. D’autres encore ont investi dans un carré de lino pour se mettre à la danse. Moi, ça a été le djing. Avant de m’intéresser aux machines et au beatmaking, avant de savoir à quoi pouvait ressembler une session studio, un arrangement ou la composition d’un morceau. Avant de produire et de diriger moi-même des artistes, les platines ont été mes premières amours.

Des heures à scratcher, pass-passer, cuter, mixer des disques qui, au fil des années, ont constitué une collection et, surtout, une partie intégrante (et imposante !) de ma vie.
L’idée de me remettre à les manipuler sur les feutrines a commencé à me titiller il y a six ou sept ans, quand j’ai attaqué ma série de compilations Beach Diggin’. L’odeur des caisses poussiéreuses explorées pendant des heures, les perles dénichées, le plaisir de les associer à d’autres merveilles de leur genre. Ca plus ça, plus ça, ont fait revenir l’envie de reprendre les dj sets. Comme une accoutumance de laquelle j’avais décroché malgré moi et qui s’est rappelée à mon bon souvenir.

Alors j’ai replongé.
Quand, dans les années 80, le hip hop est venu abattre ses cinq disciplines sur nos têtes adolescentes, certains ont pris un micro, d’autres une bombe de peinture. D’autres encore ont investi dans un carré de lino pour se mettre à la danse. Moi, ça a été le djing. Avant de m’intéresser aux machines et au beatmaking, avant de savoir à quoi pouvait ressembler une session studio, un arrangement ou la composition d’un morceau. Avant de produire et de diriger moi-même des artistes, les platines ont été mes premières amours.

Des heures à scratcher, pass-passer, cuter, mixer des disques qui, au fil des années, ont constitué une collection et, surtout, une partie intégrante (et imposante !) de ma vie.

L’idée de me remettre à les manipuler sur les feutrines a commencé à me titiller il y a six ou sept ans, quand j’ai attaqué ma série de compilations Beach Diggin’. L’odeur des caisses poussiéreuses explorées pendant des heures, les perles dénichées, le plaisir de les associer à d’autres merveilles de leur genre. Ca plus ça, plus ça, ont fait revenir l’envie de reprendre les dj sets. Comme une accoutumance de laquelle j’avais décroché malgré moi et qui s’est rappelée à mon bon souvenir.

Alors j’ai replongé.

Depuis quelques années, quand je ne suis pas en studio ou sur scène, je passe une partie de ma vie à sillonner le monde, installé derrière les deux plateaux, la mixette et le cross-fader, à danser parfois presque autant que les gens sur la piste.

Pour chacun de mes sets, j’emporte avec moi une centaine de références dans lesquelles je pioche en fonction de l’envie ou l’état d’esprit du moment. Un stock de musique où des disques entrent et d’autres sortent, où nouveautés et classiques se croisent, où les dernières découvertes arrivent en continu. Certains morceaux y restent quelques semaines, d’autres plusieurs mois. Il y en a même qui ne font qu’un rapide aller-retour

Et puis, il y a un noyau dur qui n’en bouge jamais. Une poignée de titres qui sont de tous mes voyages, de tous mes sets, peu importe le pays ou la saison. Des titres saveur afro-tropicale diggés en Afrique, aux Antilles ou en Amérique du Sud. Des titres que j’ai édités, dont j’ai parfois découpé les parties ronronnantes pour ne garder que les moments percutants. Des titres nettoyés en profondeur ; restaurés en en conservant le charme et l’identité, sans gommage des aspérités ni mise à mort du son d’origine.

Straight From The Decks, ce sont ces dix sept titres qui constituent l’essence même de mes dj sets.

Un dj set à écouter chez vous, pour vous rappeler l’ambiance qui y régnait lorsque vous y avez, peut-être, assisté. Ou pour vous donner envie d’assister à un prochain !...

Pura Vida

Guts.



01 / OS TUBAROES - TABANCA

Deux façons de jouer ce titre dans le set. Soit en ouverture pour la montée martiale des cuivres qui annonce le début imminent des hostilités ; soit en milieu, pour créer une rupture et laisser les danseurs reprendre leur souffle avant de remettre les gaz. Aucun des membres d’Os Tubaroes (Les Requins en portugais) n’était professionnel, la musique était leur passion et pourtant, en huit albums et presque vingt ans de carrière, ils sont devenus les ambassadeurs de de la musique Capverdienne. Me concernant, ils sont surtout les ambassadeurs du feu !

02 / PINDUCA " MISTURA DE CARIMBO COM CIRANDA "

Je n’ai jamais fait un set sans le passer, pas un ! C’est la première grosse cartouche que je tire sur le public après une vingtaine de minutes de musique enchaînée. Celle avec laquelle je lui fais comprendre qu’on ne va pas passer la soirée, eux sur la piste, moi derrière mes platines, mais qu’on va être ensemble. Depuis ma collaboration avec lui sur mon album Philantropiques, ma relation avec Pinduca et sa discographie est forcément particulière. Mais depuis longtemps, ce disque et moi, nous étions déjà inséparable. A partir du moment où je le joue, le public et moi, nous devenons, pour quelques heures, inséparables

03 / EVASION " VAN LA KA VANTE

Ligne de basse énorme et cuivres caniculaires, du méchant funk antillais. Une de mes plus belles découvertes sur le sujet. Mais un problème de taille au moment de le compiler : sorti sur Debs, le label du Godfather de la musique créole Henri Debs, les droits de tout le catalogue sont aux mains de deux autres parrains dans leur genre qui, pour ne pas voir la richesse de ce patrimoine musical bradée dans des rééditions approximatives ou déshonorantes, s’en réservent l’exclusivité pour leurs compilations. Sans entrer dans les détails, disons que j’ai bénéficié d’une sorte de passe-droit pour le faire figurer au générique. Ceux qui nous ont aidés se reconnaitront.

04 / BESSOSO - PARA DECIR QUE TE QUIERO

Les répercussions de la colonisation occidentale dans la musique m’ont toujours fasciné alors, quand un pays d’afrique comme la Guinée Equatoriale dispose de trois langues officielles - espagnol, français et portugais - ma curiosité pour ses artistes est dans le rouge. C’est la première qui a été choisie pour ce message d’amour, plein de tendresse et de romantisme, qui garde sa fraîcheur d’origine malgré les décennies qu’il a traversées. Le plus surpenant est qu’il se trouve en face B d’un maxi dédié à l’UDEAC, l’Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale, dont l’un des buts est de mettre l’accent sur le désarmement douanier entre les pays afin de… bon bref ! On n’est pas là pour parler de ça !

05 / KARINA BUHR - DO PILA

Mise à part la sacro-sainte batterie qui tabasse et qui rend la piste hystérique, c’est plutôt rare de placer un solo dans un set. Si l’on met de côté la luminosité toute brésilienne qui rend Do Pila si attrayant, c’est précisément pour son solo que je l’inclus régulièrement en soirée. Un solo de Fender. Une minute hors du temps, portée par ce piano électrique aux sonorités cristallines. Une minute pendant laquelle les danseurs ralentissent leurs pas, redescendent doucement et se mettent à parler entre eux. Mais sans jamais perdre l’ondulation qui leur permet de rester dans le rythme et de repartir le moment venu !

06 / EQUIPE RADIO CIDADE - BONS TEMPOS

Chic ou Sugarhill Gang. Good Times ou Rapper’s Delight. Chacun a sa référence quand la ligne de basse tonitruante de Bernard Edwards fait son entrée. En ce qui me concerne, elle me rattache aux deux. A ma culture hip hop faite de samples comme aux précieux disques que je me suis ensuite mis à chiner compulsivement, à la recherche des boucles originales. Cette version brésilienne dopée au clavinet est un 45trs promo hors commerce (réédité depuis) réalisé par un groupe de DJ’s radio brésiliens pour souhaiter à leurs auditeurs une bonne année. Mais le titre marche tout aussi bien en plein mois de juillet.

07 / VOILAAA - SPIES ARE WATCHING ME

Best seller de Favorite Recordings, le label parisien avait jusqu’alors repoussé toutes les demandes pour compiler cette déflagration afro-disco. Mais, musicaux comme amicaux, les ponts entre nous sont nombreux et solides. Voilààà a déjà remixé mon travail, Patchworks, et moi avons collaboré plusieurs fois ensemble. Alors, sans entrer dans les détails, sachez que si vous lisez ces lignes, c’est parce que vous avez acheté le CD ou le vinyle. Et que vous avez l’exclusivité d’un titre qui ne sera pas sur la version digitale. Poussez les meubles, mettez le volume à fond et dansez pour fêter ça !

08 / BLYK TCHUTCHI & LOY D’TCHUTCHI - MANDAMENTO DE DEUS

Prenez un album au hasard de Cesaria Evora, le nom de Toy Vieira est certainement cité quelque part. Compositeur, musicien, arrangeur, multi instrumentiste, Toy est un homme de studio qu’on retrouve dans les crédits d’une quantité impressionnante de disques du Cap Vert. Bien qu’il ne soit pas tête d’affiche de ce reggae digital hybride, impossible de se sortir de son maillage de claviers qui croise l’analogique et les synthés. Même si cette pièce rare n’est pas d’un dansant incandescent, elle a quoi mettre les danseurs captifs dès les premières minutes d’un set.

09 / GORDON HENDERSON - HIGHEST BIDDER

Après avoir largement contribué à répandre sur le monde le cadence lypso (fusion du kadans Haïtien et du calypso de Trinidad et Tobago) avec son groupe Exile One (60.000 ventes en France, un chiffre énorme pour ce genre de groupes), Gordon Henderson est parti pour des aventures solo. Caribéen et, en même temps, tellement boogie, Highest Bidder prend instantanément une dimension soul dès que la voix de Gordon s’invite. J’ai mon trick préféré quand je le joue en set : scratcher l’acapella du début avec le break de fin de Brand New Revolution de Bro Valentino. Les deux tournent autour de 100-110 BPM, l’enchaînement est parfait ! Mais ...je suis en train de livrer mes secrets de fabrication ou quoi ?!

10 / SIMON JURAD MACADAM

Ancien membre de l’éminent groupe martiniquais La Perfecta, fondateur de Opération 78, sa formation au nom de commando, c’est en solo que Simon Jurad capture les danseurs quand je passe ce titre zouk. Les quelques secondes d’introduction parlées agissent comme un appel à l’attention de tous et, en même temps, installent une effervescence. Après ça, les nombreux hooks qui truffent le morceau me permettent de faire participer le public et de le faire monter en pression et température à mesure des minutes. Et encore, je ne leur montre pas la pochette…

11 / MUBASHIRA MATAALI GROUP " EMAALI YA BAMULEKWA (ORPHAN’S PROPERTY)

Tribal et roots, comme capté live sur l’instant, on pourrait le penser sorti depuis des décennies, ramené à la lumière par des ethno-musicologues inspirés. Mais il est bien daté de 2018. Des voix et des percussions, des chants spirituels qui jouent des coudes dans mes sélections funk, afro et latine. Au milieu des cuivres, des grooves et des rythmes frénétiques, ce genre de titre dénote toujours. Comme un égaré d’une soirée voisine qui viendrait se perdre dans la mienne. Pourtant, c’est bien moi qui lui donne son pass all-access.

12 / EKO ROOSEVELT LOUIS - TONDOHO MBA

Si les choses s’étaient passées comme je les avais rêvées, Eko aurait été un des guests de mon album Philantropiques. La distance et quelques autres freins ont empêché la collaboration, mais pas grave ! Je reste un fan absolu de celui qui, pour moi, a tout compris à la manière dont doivent sonner la soul, le funk ou le disco. J’ai toute sa discographie : albums, maxis, 45trs, il ne me manque rien. Enfin ça, c’est ce que je croyais avant de découvrir ce titre exclusif enregistré pour la compilation Fleurs Musicales du Cameroun. Je n’ai pas eu Eko sur mon album, mais j’ai réussi à compiler ce titre rare. Ca me console à moitié…

13 / SLIM YOUNG - OTAN HUNU

Slim Young, on dirait le blaze d’un rapper 2019 qui fait de la trap ! Bizarrement, avec toutes les compilations de musique africaine tendance funk ou highlife qui sont sorties les cinq dernières années, celui-là a échappé à toutes les griffes des diggers. Moi y compris ! Après des années de recherches, c’est sur le net que je l’ai enfin trouvé. Le 45 tours que j’ai reçu était dans un état si proche de la mort clinique que j’ai dû en chercher (et trouver !) un deuxième exemplaire. Pas très vaillant non plus, celui-ci était uniquement en état de coma. Je l’ai nettoyé, restauré comme un archéologue. Le temps avait endommagé le support, mais absolument pas le contenu.

14 / JACINTA SANCHES & PEDRO RAMOS - VIZINHA CA BALI

Le digger ne sort jamais sans sa liste de wanted. Ajouter des références, en rayer d’autres : c’est sans fin. Depuis des années, ce disque est sur ma liste, impossible d’avoir la satisfaction de le barrer ! J’ai exploré toutes les pistes possibles qui m’ont mené à des deals qui ne sont jamais conclu, tant et si bien qu’au moment où j’écris ces lignes, je n’ai toujours pas mis la main dessus. Comment se fait-il qu’il soit alors sur la compile ? Là n’est pas la question… En tous cas, j’ai beau connaître ce titre par coeur, il a encore le pouvoir de me faire gesticuler tout seul derrière mes platines.

15 / ANDRÉ MARCELINE - CADENCEDISCO

C’est d’abord sa pochette kitsch qui m’avait inspiré, puis le son qui m’avait convaincu. Je l’avais acheté et rangé avec ses milliers de congénères, dans ma collection. Deux ans passent, je suis à un DJ set de mon ami Sumo Sui qui envoie un titre disco antillais fabuleux. “Sumo !? C’est quoi la référence ?! Ah. J’ai ce disque en fait”. Le quotidien d’un collectionneur… Classique des soirées afro-tropicales, il n’avait jamais été compilé auparavant. Ce sera ma petite fierté, ma manière de me faire pardonner de l’avoir tenu éloigné de mes platines pendant deux ans.

16 / MISUMAMI & FIRST TOUCH - PROVE YOUR LOVE

On se souvient parfois du contexte précis dans lequel on a exhumé un 45 tours au sillon rempli de poussière et à la pochette mangée d’humidité. Le jour, la couleur du pull du vendeur, tout... Et parfois, le trou noir. Je n’ai aucun souvenir de ma découverte de ce maxi, pourtant très récent. Face A, la version vocale habillée de la voix de Misumani. Face B, la version instrumentale. Ambiance house des années 90, bien huilée avec des retours disco flagrants et la pointe tropicale nécessaire pour devenir un classique de mes sets. Produit en Espagne, le grand voisin de ma petite île.

17 / ALMA LUMA - PRINCESA ISABEL

Si vous venez un jour à un de mes sets et que vous entendez ce morceau, vous saurez qu’il ne reste qu’une dizaine de minutes avant la fin. Brut et puissant, seule une piste de danse bien chaude peut encaisser un pareil bombardement de percussions et se laisser porter sans résister. C’est un des rares titres que je joue et qui n’existe qu’en CD. Et pourtant, le débusquer à été aussi dur qu’une expédition diggin’ au petit matin ! Disponible uniquement dans une boutique en ligne brésilienne et sur l’ogre marchand, c’est pour des questions de moyens de paiement que j’ai dû me résoudre à nourrir la bête numérique. La bonne musique circule malgré tout, c’est ma consolation...