Guillaume Juhel
Gipsy Traffic
Sortie le 17 mai 2018
Label : Musiques Sauvages
De tous les styles que compte le jazz, celui qu’on dit manouche est sans doute le plus près de constituer une musique traditionnelle. Django Reinhardt et Stéphane Grappelli ont délimité son champ d’action, lui ont offert un swing et un son reconnaissables entre mille. Plus encore, ils lui ont prêté un esprit empreint de liberté vagabonde, de poésie et de légèreté. Aussi l’abord de cette musique immédiatement identifiable par sa « pompe » rythmique aussi bien que par son harmonie, et dont l’âme est si profondément gitane, ne peut-il être que délicat. Paradoxalement, dans ce contexte à la fois étroit et ouvert, il peut aussi sembler risqué de s’aventurer vers une évolution, d’oser de nouveaux brassages. C’est l’éternelle question posée à toute tradition : même fixée par des codes inamovibles qui l’attachent à une culture précise, il lui faut accepter une part d’innovation sous peine de se momifier et de disparaître.
De tous les styles que compte le jazz, celui qu’on dit manouche est sans doute le plus près de constituer une musique traditionnelle. Django Reinhardt et Stéphane Grappelli ont délimité son champ d’action, lui ont offert un swing et un son reconnaissables entre mille. Plus encore, ils lui ont prêté un esprit empreint de liberté vagabonde, de poésie et de légèreté. Aussi l’abord de cette musique immédiatement identifiable par sa « pompe » rythmique aussi bien que par son harmonie, et dont l’âme est si profondément gitane, ne peut-il être que délicat. Paradoxalement, dans ce contexte à la fois étroit et ouvert, il peut aussi sembler risqué de s’aventurer vers une évolution, d’oser de nouveaux brassages. C’est l’éternelle question posée à toute tradition : même fixée par des codes inamovibles qui l’attachent à une culture précise, il lui faut accepter une part d’innovation sous peine de se momifier et de disparaître.
Venu au jazz manouche par une sorte de coup de foudre, Guillaume Juhel a parfaitement senti cette nécessité. Plutôt que d’y voir une restriction castratrice, ce guitariste accompli a choisi de l’accepter pleinement et de composer une musique qui vibre d’amour pour le mode de vie gitan tout en restant ouverte à des métissages variés. Django lui-même n’improvisait-il pas sur un blues comme sur un air espagnol ou russe, sur un concerto de Bach, une chanson de Trénet ou la Marseillaise ? Entouré d’une tribu de musiciens talentueux (Thierry Faure au piano, Ilan Abou à la contrebasse, tous deux aux arrangements et à la réalisation ; Stéphane Chausse à la clarinette, Rémi Oswald à la guitare, et Pierre-François Dufour à la batterie) et de quelques invités prestigieux (l’accordéoniste Lionel Suarez, le violoniste Mathias Levy, le trompettiste Claude Egea, le tromboniste Didier Havet ou encore la chanteuse Zaz, qu’il a accompagnée durant des années jusqu’à devenir son musicien fétiche), Juhel s’attache à déambuler d’une scène poétique à l’autre, quittant le Paris populaire magnifié par Renoir et Carmé pour un dancing de la Nouvelle-Orléans, se rappelant du Quai des Orfèvres noir anthracite de Clouzot pour repartir vers un Stuttgart automnal et fêter l’aube naissante dans un cirque dixieland. Qu’il traîne son blues, s’abandonne à la nostalgie ou s’étourdisse de sa propre virtuosité, Guillaume Juhel n’oublie jamais la grande leçon du jazz manouche : sourire à la vie, envers et contre tout. L’influence de Richard Galliano est sensible – et logique, car du musette au manouche, il n’y a que trois pas de valse, comme l’a bien démontré Jo Privat –, celle de Django naturelle. Pourtant, une individualité forte transparaît dans ces douze pièces conçues et enregistrées sur la route, de chambres d’hôtel en répétitions précédant un concert.
Guillaume Juhel n’avait pas d’autre moteur que le plaisir et l’envie de le partager avec des amis. Cela s’entend partout, aucun titre qui ne soit sous-tendu par cette intention. Semblable positionnement est peut- être le meilleur à adopter, d’ailleurs, à l’égard d’un genre musical qui ne pourra jamais être entièrement professionnalisé, son essence même étant libertaire. Aux carrures pro, aux sophistications du studio, Juhel a substitué la confiance longuement établie, l’envie de s’amuser, de jouer, de s’autoriser quelques flâneries hors des sentiers battus, non pour rouler des épaules, mais pour répondre à une impulsion profondément ressentie. Juhel joue juste parce qu’il ne prétend à rien d’autre qu’à être lui-même. Gitan, il ne l’est pas. Mais guitariste de jazz manouche, il l’est, et ce disque le prouve, jusqu’au bout des ongles.
Venu au jazz manouche par une sorte de coup de foudre, Guillaume Juhel a parfaitement senti cette nécessité. Plutôt que d’y voir une restriction castratrice, ce guitariste accompli a choisi de l’accepter pleinement et de composer une musique qui vibre d’amour pour le mode de vie gitan tout en restant ouverte à des métissages variés. Django lui-même n’improvisait-il pas sur un blues comme sur un air espagnol ou russe, sur un concerto de Bach, une chanson de Trénet ou la Marseillaise ? Entouré d’une tribu de musiciens talentueux (Thierry Faure au piano, Ilan Abou à la contrebasse, tous deux aux arrangements et à la réalisation ; Stéphane Chausse à la clarinette, Rémi Oswald à la guitare, et Pierre-François Dufour à la batterie) et de quelques invités prestigieux (l’accordéoniste Lionel Suarez, le violoniste Mathias Levy, le trompettiste Claude Egea, le tromboniste Didier Havet ou encore la chanteuse Zaz, qu’il a accompagnée durant des années jusqu’à devenir son musicien fétiche), Juhel s’attache à déambuler d’une scène poétique à l’autre, quittant le Paris populaire magnifié par Renoir et Carmé pour un dancing de la Nouvelle-Orléans, se rappelant du Quai des Orfèvres noir anthracite de Clouzot pour repartir vers un Stuttgart automnal et fêter l’aube naissante dans un cirque dixieland. Qu’il traîne son blues, s’abandonne à la nostalgie ou s’étourdisse de sa propre virtuosité, Guillaume Juhel n’oublie jamais la grande leçon du jazz manouche : sourire à la vie, envers et contre tout. L’influence de Richard Galliano est sensible – et logique, car du musette au manouche, il n’y a que trois pas de valse, comme l’a bien démontré Jo Privat –, celle de Django naturelle. Pourtant, une individualité forte transparaît dans ces douze pièces conçues et enregistrées sur la route, de chambres d’hôtel en répétitions précédant un concert.
Guillaume Juhel n’avait pas d’autre moteur que le plaisir et l’envie de le partager avec des amis. Cela s’entend partout, aucun titre qui ne soit sous-tendu par cette intention. Semblable positionnement est peut- être le meilleur à adopter, d’ailleurs, à l’égard d’un genre musical qui ne pourra jamais être entièrement professionnalisé, son essence même étant libertaire. Aux carrures pro, aux sophistications du studio, Juhel a substitué la confiance longuement établie, l’envie de s’amuser, de jouer, de s’autoriser quelques flâneries hors des sentiers battus, non pour rouler des épaules, mais pour répondre à une impulsion profondément ressentie. Juhel joue juste parce qu’il ne prétend à rien d’autre qu’à être lui-même. Gitan, il ne l’est pas. Mais guitariste de jazz manouche, il l’est, et ce disque le prouve, jusqu’au bout des ongles.