Flox

Square
Sortie le 10 juin 2022
Label: Underdog Records
Flox est square. Carré, précis, direct.

Il aime aller droit à l’essentiel, ne pas se
perdre en considérations superflues. « Je n’ai pas le temps de faire de la merde », résume-t-il.

Alors, son septième album s’intitule Square.
Square correspond à un virage majeur dans la carrière du pionnier du nu reggae, extraordinaire artisan du studio qui joue de tous les instruments, s’enregistre, se mixe et se produit mais, pendant une douzaine d’années, montait sur scène avec des musiciens. Après avoir enregistré Square, il a commencé à tourner seul, équipé d’une machine qu’il a dessinée et construite avec des contrôleurs Midi pour lancer samples et boucles qu’il a enregistrés lui-même – une autarcie assumée d’un bout à l’autre de la chaîne. « Il faut maîtriser tous les outils pour délivrer ce que l’on veut », répète-t-il depuis longtemps...

Pourtant, son Square est largement ouvert : rythmiques old style ou voisines de la techno, effluves dub vintage ou échappées futuristes, buissons sonores touffus ou mélodies raclées à l’os...

Tout cela, c’est Flox, solide routier de l’innovation qui n’en finit pas de renouveler son nu reggae, artisan maniaque qui règle au millipoil des titres d’une parfaite simplicité d’accès. Sa marque, c’est cette forme de reggae très spatialisée, au son enveloppant, qui semble prendre l’artiste et l’auditeur dans une même bulle à la fois ouatée et tendue.

Un savoir-faire? Ce doux quinquagénaire franco-britannique au crâne lisse sourit, gentiment moqueur : « Il y a tellement d’outils si faciles qui permettent de sortir des albums alors que l’on est encore en phase d’apprentissage ou d’acquisition que beaucoup se brûlent les ailes. » Il pratique le niveau expert dans tous les compartiments du jeu...
Flox sait si bien combien son chemin a demandé de patience, de précision et de passion. Il y a quelques décennies, il sort diplômé en reliure de ses cinq ans à l’École Estienne. Il est en pleine période punk et ne se voit pas travailler pour les vieux clients bourgeois des relieurs. Alors il devient informaticien et son premier salaire sert à payer la première traite d’une table de mixage à 25000 francs. Après tout, Florian Gratton n’a jamais manqué de détermination et sait prendre des décisions tranchées. Avant lui, sa mère moitié kabyle, moitié française, s’est évadée en Grande-Bretagne à l’adolescence, a rencontré un acteur moitié anglais, moitié irlandais et ne revient en France qu’après la victoire de Mitterrand à la présidentielle de 1981. Florian a onze ans et se met à la batterie, son premier instrument. Peu à peu, il saura jouer d’un peu tout. « Je suis plus curieux que vraiment multiinstrumentiste. Je n’apprends de chaque instrument que ce qui me suffit pour faire de la musique. C’est un apprentissage ciblé. Il me faut des notes bien appuyées et bien placées. »
Qu’on ne s’attende pas à une trajectoire classique de reggaeman. Sa porte d’entrée pour la musique jamaïcaine est franchement britannique avec Police, avant le drum’n’bass et le choc de la dub poetry de Linton Kwesi Johnson. « À part ça, j’ai autant été nourri de Bob Marley que des Pink Floyd. » À vingt ans, commence le temps des groupes. À trente ans, il dirige une batucada de trente percussionnistes. Mais il s’est fixé comme un cap de faire son premier album avant trente-cinq ans. Take My time.
Dix titres conçus et enregistrés avec tout le sérieux d’un square. Mais personne n’en veut, jusqu’à ce que Maxime Péron, cofondateur d’Underdog Records, trouve la maquette de Flox au fond d’un carton dans un bureau d’une autre maison de disques. Et ce nu reggae totalement inattendu commence, la même semaine, à être diffusé par Nova, France Inter et FIP – « les radios que j’écoutais ». Depuis, Flox est devenu un carrefour de cultures musicales et d’expériences. Il a déposé presque mille titres à la Sacem quand il travaillait pour la publicité, il produit des projets de Vanupié et Jason Mist... Quant à ses propres productions, « il faut que j’entende quelque chose. Ce peut être une ligne de basse, un oiseau, quelqu’un qui siffle dans la rue, une phrase à la radio – il n’y a pas de règle. » Et alors, il construit patiemment ses titres en studio, les remettant volontiers en chantier pour la scène. L’essentiel, c’est la simplicité, la clarté, l’efficacité. Que chaque sensation soit énorme.
Bien square.