Femi Kuti

Day By Day
Sortie le 27 octobre 2008
Label : Label Maison
Calquer note pour note la musique de son père n’a jamais été l’idéal musical de Femi Kuti. S’il accompagnait parfois les musiciens de Fela dans sa jeunesse, il décida très tôt, dés 1986, de s’émanciper pour bâtir son propre orchestre. En respectant toujours son héritage familial, Femi affine depuis vingt ans un afrobeat dont les nuances soul-jazz n’appartiennent qu’à lui.
Son parcours est plutôt original, de sa signature chez Motown dans les années 90, jusqu’à l’excellent album « Fight To Win » en 2001 par exemple, ou il se frotta au rap de Mos Def, de Common, et au funk de James Poyser, parmi d’autres stars américaines. Ces riches expériences n’ont fait que renforcer son ultime conviction : sa musique n’est jamais aussi intense que lorsqu’elle naît dans le chaudron nigérian, et qu’elle macère longuement dans l’atmosphère bouillante du Shrine, sa salle de concert à Lagos. Rappelons d’ailleurs l’importance de son laboratoire africain : Le Shrine est à la fois une maison d’accueil pour les plus démunis, un point de convergence de toutes les contestations populaires, et un lieu de culte célébrant la danse et la musique africaines dans son ensemble… Bref, un endroit qui dérange forcément les politiciens et les hautes autorités du pays. Les milices de l’état y font régulièrement des expéditions punitives, couteau et batte de base-ball au poing. Au printemps dernier, ils débarquèrent au milieu de la nuit, cassèrent le mobilier et blessèrent plusieurs personnes sans raisons apparentes. Les médias nigérians, tous à la botte d’un gouvernement gangrené par la corruption, continue d’ignorer les faits. Seules quelques brèves dans Libération ou sur RFI attestent que ces rafles violentes et gratuites ont bien eu lieu, sans en donner explicitement les causes.

Etait-ce parce que Femi avait recouvert les murs de la ville avec des affiches réclamant le retour de l’électricité dans son quartier miséreux d’Ikeja, incitant ainsi ses voisins à se révolter contre la détérioration des conditions de vie déjà précaires ? Ou était-ce simplement à cause d’un nouveau refrain contestataire harangué sur scène le lion indomptable, tel le morceau « Tell Me » que l’on retrouve sur cet album ? En tout cas, ces persécutions rappellent une évidence : L’afrobeat de la famille Kuti est d’abord, avant tout, une musique de combat. En immortalisant un « live » en 2004 (« Live At The Shrine »chez MK2/ Uwe), Femi souhaitait de façon brute et crue exhiber cette réalité aux yeux du monde. Trois ans plus tard, ce cinquième album relève un nouveau défi, en parvenant à recréer en studio l’énergie foudroyante de ses concerts. Trois titres du « live » ont d’ailleurs été réinterprétés pour l’occasion. Disons-le simplement : Il s’agit peut-être ici de la meilleure pièce de la discographie de Femi Kuti. Ces douze titres offrent un afrobeat plus singulier que jamais, enregistré avec son producteur Sodi, fort d’une complicité qui se renforce depuis quinze ans. « Day By Day », c’est le Nigéria dans tous ses états : On y trouve des canevas instrumentaux élaborés et déroutants, tant dans leur texture que dans leur structure (Demo Crazy), des refrains aussi soulfull que les bons vieux tubes de Curtis Mayfield (« Eh Oh »), et des brûlots imparables pour enflammer les dancefloors. Son groupe, Positive Force, en a jeté les fondations à Lagos puis, au fil des visites opportunes pendant les sessions parisiennes, d’autres artistes apportèrent leurs pierres à l’édifice. Les chanteuses Julia Sarr et Camille (!) se chargent des chœurs sur le titre « Day by Day », Keziah Jones fait swinguer sa guitare sur « Tell Me » et « Dem Funny », et Sébastien Martel illumine le reste du disque. Le jeune fils de Femi, Madé, a aussi rejoint l’aventure, participant à tous les morceaux de cet album millésimé à paraître le 27 Octobre.