Dorsaf Hamdani
Princesses du Chant Arabe
Sortie le 7 Février 2012
Label : Accords Croisés
Dorsaf Hamdani fait partie intégrante d’une génération de chanteuses du Maghreb et du Moyen Orient qui fascine par le contraste entre leur attachement aux traditions musicales liées au classicisme artistique, et leur modernité. Une génération de femmes libres, cultivées et résolument indépendantes dans des sociétés où l’évolution du droit de la femme et le combat féministe passe également par de fortes personnalités, issues des milieux de l’art et de la pensée.
Dorsaf Hamdani fait partie intégrante d’une génération de chanteuses du Maghreb et du Moyen Orient qui fascine par le contraste entre leur attachement aux traditions musicales liées au classicisme artistique, et leur modernité. Une génération de femmes libres, cultivées et résolument indépendantes dans des sociétés où l’évolution du droit de la femme et le combat féministe passe également par de fortes personnalités, issues des milieux de l’art et de la pensée.
A l’instar de ces légendes qu’elle interprète, Dorsaf est aujourd’hui appréciée des amateurs de malouf et de chant classique arabe, respectée des médias et des maîtres de la musicologie arabe. Elle est également une artiste friande de rencontres. Elle savoure ses collaborations avec des artistes de différentes cultures, convaincue de l’importance de ces dialogues.
Dans son pays, c’est une artiste qui a toujours imposé sa personnalité, puisant sa richesse artistique dans une tradition arabe authentique. A l’image de la femme tunisienne moderne, à la fois attachée à ses racines et ouverte sur le monde.
Les princesses du chant arabe ? S’il faut en citer dix, vingt, cinquante, il n’est pas deux amateurs qui tomberont d’accord. Mais s’il faut donner seulement trois noms, ce ne peut être que ceux d’Oum Kalsoum, de Fairouz et d’Asmahan. Princesses, reines, impératrices, peu importe. Elles trônent au sommet de toutes les hiérarchies : la gloire, la puissance, la légende, la splendeur…
Dorsaf Hamdani les chante toutes les trois. Quelle chanteuse de langue arabe n’a jamais songé à se mesurer à l’Himalaya de sa culture, à l’immensité de l’œuvre d’Oum Kalsoum, disparue en pleine gloire en 1975 ? L’invention d’un genre à la fois populaire et classique, la capacité à faire s’envoler un énorme vaisseau de violons et de piano, la faculté d’ériger soudain la splendeur d’une voix plus sublime que tout autre…
Dorsaf n’a pas seulement approché ce monument-là. Elle aborde également le répertoire de Fairouz, qui a su bâtir des ponts avec l’Amérique Latine ou la grande variété internationale sans jamais faire cesser de battre le cœur arabe de son chant. Plus grande voix orientale de la fin du XXe siècle et du début du XXIe – elle a débuté en 1957, la chanteuse libanaise a osé beaucoup d’audaces formelles sans perdre le sens de l’émotion première du chant. Peut-être s’inspira-t-elle, au commencement, de la voix et du répertoire également bouleversants de sa compatriote Asmahan, disparue en 1944, à l’âge de vingt-six ans. La sœur de Farid El Atrache a eu le temps de donner au monde arabe des enregistrements d’une mélancolie singulièrement moderne, alliant les valeurs poétiques traditionnelles à la musique occidentale.
Dorsaf chante donc les trois héritages : la sophistication et la virtuosité d’Oum Kalsoum, les aigus et les goûts révolutionnaires de Fairouz, la profondeur sentimentale et le tropisme dramatique d’Asmahan…
Depuis qu’elle a découvert la musique, Dorsaf a toujours tendu les oreilles vers l’Est. Elle a toujours regardé au-delà des splendeurs de la tradition classique tunisienne. Son père, les jeudis soir de son enfance, réglait le poste de radio sur le concert d’Oum Kalsoum. Et, dans les fêtes de famille, sa grand-mère reprenait les grands classiques de la diva égyptienne mais aussi des succès d’Asmahan, la sublime chanteuse libanaise au destin si romanesque. Très jeune, Dorsaf a aussi succombé aux charmes plus contemporains de l’immense Fairouz.
Tout naturellement, devenir chanteuse était pour elle parvenir non seulement à la maitrise du malouf tunisien mais aussi devenir l’interprète de ces grands répertoires partagés par tout le Moyen-Orient, et non l’interprète de la seule musique tunisienne. Cela exige autant d’audace que d’humilité – ne pas perdre de vue les sommets de l’idéal, conquérir sereinement chaque étape qui y mène sans prétendre brûler les étapes…
Dorsaf a donc poli peu à peu sa voix, dans le malouf comme dans les genres semi-classiques nés au Machrek au XXe siècle, elle a appris le solfège occidental et tenté des expériences de fusion plus ou moins world, elle a accumulé les récompenses et les prix dans son pays et à l’étranger… Surtout, elle a voyagé, de master class en rencontres avec les maîtres, de festivals en IIIe cycle de musicologie à la Sorbonne. Elle chante à l’Opéra du Caire et collabore avec les plus grands maestros de la musique arabe comme Salah Ghoubachi ou Selim Sahab. En 2010, elle participe à la création Ivresses autour de la poésie d’Omar Khayyam, en compagnie du chanteur persan Alireza Ghorbani – un autre grand succès critique et public.
Depuis ses débuts en 1995, elle s’est continuellement aventurée dans l’échange et dans la relation pour enrichir sa pratique et ses attaches : « En m’éloignant de mon pays, dit-elle, j’ai défini quelle est ma culture. J’ai compris d’où je viens et ce dont j’ai envie. Je suis Tunisienne, mais pas seulement. » Elle s’est aussi définie dans le temps : « J’ai la nostalgie des grands films musicaux égyptiens, j’ai la nostalgie de ces grands interprètes qui sont au cœur de la culture de tous les pays arabes. Quand j’écoute Oum Kalsoum ou Asmahan, elles ne me transmettent pas seulement une technique et des beautés, mais un univers tout entier. »
C’est d’ailleurs une nostalgie très précise qui l’a conduite à ce projet. En 2004, elle participe à un hommage à Asmahan, qui commémore le soixantième anniversaire de sa mort tragique. L’émotion de Dorsaf et l’émotion du public lui laissent entendre que le temps est venu pour elle d’aborder les répertoires des trois plus grandes voix arabes de l’histoire. « Oum Kalsoum, Asmahan, Fairouz, c’est une bulle, c’est une entité, c’est un tout. »
Elle se lance alors dans l’élaboration de ce projet d’hommage à ces trois chanteuses. Mais elle ne veut pas de grands orchestres à cordes de cinéma ou des synthétiseurs de la modernité arabe. Oud, qanun, violon, ney, tar, derbouka : la petite formation d’un cabaret ou d’une salle de concert résolument intemporelle. Dorsaf reprend de grands classiques de ses trois aînées, mais aussi quelques pièces rappelant leur force d’invention et leur liberté artistique, comme Layali el ons, valse européenne mêlée de tarab créée par Asmahan. « Plus que leur perfection technique, j’essaie de comprendre ce qui les a installées dans la mémoire des peuples arabes. »
Bertrand DICALE
A l’instar de ces légendes qu’elle interprète, Dorsaf est aujourd’hui appréciée des amateurs de malouf et de chant classique arabe, respectée des médias et des maîtres de la musicologie arabe. Elle est également une artiste friande de rencontres. Elle savoure ses collaborations avec des artistes de différentes cultures, convaincue de l’importance de ces dialogues.
Dans son pays, c’est une artiste qui a toujours imposé sa personnalité, puisant sa richesse artistique dans une tradition arabe authentique. A l’image de la femme tunisienne moderne, à la fois attachée à ses racines et ouverte sur le monde.
Les princesses du chant arabe ? S’il faut en citer dix, vingt, cinquante, il n’est pas deux amateurs qui tomberont d’accord. Mais s’il faut donner seulement trois noms, ce ne peut être que ceux d’Oum Kalsoum, de Fairouz et d’Asmahan. Princesses, reines, impératrices, peu importe. Elles trônent au sommet de toutes les hiérarchies : la gloire, la puissance, la légende, la splendeur…
Dorsaf Hamdani les chante toutes les trois. Quelle chanteuse de langue arabe n’a jamais songé à se mesurer à l’Himalaya de sa culture, à l’immensité de l’œuvre d’Oum Kalsoum, disparue en pleine gloire en 1975 ? L’invention d’un genre à la fois populaire et classique, la capacité à faire s’envoler un énorme vaisseau de violons et de piano, la faculté d’ériger soudain la splendeur d’une voix plus sublime que tout autre…
Dorsaf n’a pas seulement approché ce monument-là. Elle aborde également le répertoire de Fairouz, qui a su bâtir des ponts avec l’Amérique Latine ou la grande variété internationale sans jamais faire cesser de battre le cœur arabe de son chant. Plus grande voix orientale de la fin du XXe siècle et du début du XXIe – elle a débuté en 1957, la chanteuse libanaise a osé beaucoup d’audaces formelles sans perdre le sens de l’émotion première du chant. Peut-être s’inspira-t-elle, au commencement, de la voix et du répertoire également bouleversants de sa compatriote Asmahan, disparue en 1944, à l’âge de vingt-six ans. La sœur de Farid El Atrache a eu le temps de donner au monde arabe des enregistrements d’une mélancolie singulièrement moderne, alliant les valeurs poétiques traditionnelles à la musique occidentale.
Dorsaf chante donc les trois héritages : la sophistication et la virtuosité d’Oum Kalsoum, les aigus et les goûts révolutionnaires de Fairouz, la profondeur sentimentale et le tropisme dramatique d’Asmahan…
Depuis qu’elle a découvert la musique, Dorsaf a toujours tendu les oreilles vers l’Est. Elle a toujours regardé au-delà des splendeurs de la tradition classique tunisienne. Son père, les jeudis soir de son enfance, réglait le poste de radio sur le concert d’Oum Kalsoum. Et, dans les fêtes de famille, sa grand-mère reprenait les grands classiques de la diva égyptienne mais aussi des succès d’Asmahan, la sublime chanteuse libanaise au destin si romanesque. Très jeune, Dorsaf a aussi succombé aux charmes plus contemporains de l’immense Fairouz.
Tout naturellement, devenir chanteuse était pour elle parvenir non seulement à la maitrise du malouf tunisien mais aussi devenir l’interprète de ces grands répertoires partagés par tout le Moyen-Orient, et non l’interprète de la seule musique tunisienne. Cela exige autant d’audace que d’humilité – ne pas perdre de vue les sommets de l’idéal, conquérir sereinement chaque étape qui y mène sans prétendre brûler les étapes…
Dorsaf a donc poli peu à peu sa voix, dans le malouf comme dans les genres semi-classiques nés au Machrek au XXe siècle, elle a appris le solfège occidental et tenté des expériences de fusion plus ou moins world, elle a accumulé les récompenses et les prix dans son pays et à l’étranger… Surtout, elle a voyagé, de master class en rencontres avec les maîtres, de festivals en IIIe cycle de musicologie à la Sorbonne. Elle chante à l’Opéra du Caire et collabore avec les plus grands maestros de la musique arabe comme Salah Ghoubachi ou Selim Sahab. En 2010, elle participe à la création Ivresses autour de la poésie d’Omar Khayyam, en compagnie du chanteur persan Alireza Ghorbani – un autre grand succès critique et public.
Depuis ses débuts en 1995, elle s’est continuellement aventurée dans l’échange et dans la relation pour enrichir sa pratique et ses attaches : « En m’éloignant de mon pays, dit-elle, j’ai défini quelle est ma culture. J’ai compris d’où je viens et ce dont j’ai envie. Je suis Tunisienne, mais pas seulement. » Elle s’est aussi définie dans le temps : « J’ai la nostalgie des grands films musicaux égyptiens, j’ai la nostalgie de ces grands interprètes qui sont au cœur de la culture de tous les pays arabes. Quand j’écoute Oum Kalsoum ou Asmahan, elles ne me transmettent pas seulement une technique et des beautés, mais un univers tout entier. »
C’est d’ailleurs une nostalgie très précise qui l’a conduite à ce projet. En 2004, elle participe à un hommage à Asmahan, qui commémore le soixantième anniversaire de sa mort tragique. L’émotion de Dorsaf et l’émotion du public lui laissent entendre que le temps est venu pour elle d’aborder les répertoires des trois plus grandes voix arabes de l’histoire. « Oum Kalsoum, Asmahan, Fairouz, c’est une bulle, c’est une entité, c’est un tout. »
Elle se lance alors dans l’élaboration de ce projet d’hommage à ces trois chanteuses. Mais elle ne veut pas de grands orchestres à cordes de cinéma ou des synthétiseurs de la modernité arabe. Oud, qanun, violon, ney, tar, derbouka : la petite formation d’un cabaret ou d’une salle de concert résolument intemporelle. Dorsaf reprend de grands classiques de ses trois aînées, mais aussi quelques pièces rappelant leur force d’invention et leur liberté artistique, comme Layali el ons, valse européenne mêlée de tarab créée par Asmahan. « Plus que leur perfection technique, j’essaie de comprendre ce qui les a installées dans la mémoire des peuples arabes. »
Bertrand DICALE