Daby Touré
Amonafi
Sortie le 18 septembre 2015
Label : Cumbancha
Le chanteur et compositeur Daby Touré issu de Casamance et basé à Paris livre un nouvel album, Amonafi rempli d’énergie et portant un regard perspicace sur l’Afrique..
Amonafi, texto il était une fois. Le titre du nouvel album de Daby Touré donne le diapason de ses intentions. « J’ai souhaité exposer ma vision de l’histoire de l’Afrique, de sa relation au monde, de ce qui s’est passé vraiment, et non colporter toujours les mêmes clichés et contre-vérités. » Au-delà d’un hommage à la mère Afrique, qui le vit naître en 1975, on peut entendre dans cette phrase la volonté de ne pas se faire enfermer dans des codes esthétiques d’un autre temps. Pas question d’enfiler la panoplie « traditionnelle » que beaucoup aimeraient lui faire porter depuis trop longtemps, le chanteur a toujours affiché son goût pour la pop music, Stevie Wonder, Police,michael Jackson and co, tous ceux qui lui ont donné le désir de passer de l’autre côté du miroir. Fidèle à sa démarche, ce poète choisit de suivre sa voix, sa voie tout autant, un sillon singulier où résonnent les multiples influences qui ont irrigué son identité.
Né en Mauritanie, grandi au Sénégal, Daby Touré vit depuis désormais plus d’un quart de siècle à Paris, vibre dans le monde entier. Enfant de l’entre-deux-mondes, des rives des continents qui se rapprochent pour faire jaillir d’autres créations, l’afropéen revendique pleinement sa double nationalité, tout comme il affirme clairement sa double appartenance. Ni l’un ni l’autre, Daby Touré est le citoyen d’un monde en perpétuelle reconfiguration : Touré Touré, le groupe qu’il fonda il y’a quelques années avec son cousin Omar, constituait déjà un premier pas vers cette volonté de tracer des ponts entre l’Afrique et l’ailleurs, au-delà. Au début du nouveau millénaire, il s’était retrouvé tel qu’en lui-même au sein du label de Peter Gabriel, Realworld, une ouverture vers le monde des musiques, dans leur diversité. Avec d’en percevoir les limites, un son bien identifié qui devint un carcan pour ce musicien pétri de liberté. Il était temps d’en changer, de bouger vers son futur. Et ce devenir s’écrit aujourd’hui à la lecture du passé. « Bien sûr je porte l’Afrique en moi, je chante dans toutes les langues de mon pays peulh, soninké, wolof… Mais avec ce nouvel album, je m’approche de ce qui me plaît le plus, la soul, la pop, une musique que l’on peut chanter au-delà des affaires de frontières », un « enfant » de la sono mondiale qui joue à saute-moutons avec les catégories.
No way, ce cinquième album s’inscrit dans le prolongement d’une carrière débutée en solo voici dix ans, dans le droit fil de tous ceux qui l’ont précédé, chansons parfois douces-amères, plus lutines aussi, dans une veine folk soul, afro pop. Auteur inclassable, compositeur prolixe, chanteur subtil, le multi instrumentiste a encore une fois réalisé tout seul ce recueil, façonné maison. Artiste jusqu’au bout des lèvres, artisan jusqu’au bout des doigts : « J’interviens à tous les moments. Je veux maîtriser toute la chaîne de conception. ». On y perçoit une identité en transit, loin des clichés, une image raccord avec la bande-son, une suite de vignettes qui bout à bout esquissent une pensée jamais fixée.
C’est de cette oreille qu’il faut écouter Daby Touré nous conter « comment l’histoire s’est passée ». Tout commence en Casamance, avec « Woyoyoye », le village où il a grandi. Puis, le thème éponyme « Amonafi » réexpose « des bases d’une histoire commune entre la France et l’Afrique. Il est temps d’en prendre conscience et une fois que l’on est d’accord sur ça, on peut imaginer des super créations ! » Suit « Kiba », où il évoque les pirogues, l’exode, les enfants qui partent en quête d’un autre destin. « Nul ne peut les empêcher, car de toute façon c’est dans la nature de l’homme de bouger. Mais le problème, c’est que le continent a besoin de cette jeunesse. Il faut prendre conscience que ce sont nous qui allons construire demain. » L’instant d’après « Oma » rappelle que Paris n’est pas l’eldorado pour tous. « Cela veut dire ‘Appelle-moi’, en référence à une roumaine qui fait la manche près de chez moi. Un jour elle m’a parlé, et j’ai pris conscience de toute sa souffrance, de son humanité. Oma, c’est le cri de cette femme. »
Le « deuxième » sexe est très présent dans son univers : « Debho » constitue un hommage aux femmes, qui « portent toute la société, qui font les hommes… », « Little Song » évoque avec malice « une femme qui fait courir un homme »,Plus d’une fois, comme il malaxe les rythmes, il joue sur les mots, entre peulh et soninke. « Je le fais souvent. C’est ma manière de rapprocher les peuples. je suis l’enfant d’une mère mauresque, Hassanya, et d’un père soninke, ce qui n’est pas fréquent en Mauritanie. »
Encrée dans le quotidien, arrimée à des rêves plus lointains, l’histoire qui nous est contée parle à tous, cette folle course du monde, que Daby Touré regarde avec perspicacité, « mais positivité ». « On est sur le bon chemin. » Les mots se font plus direct, lorsque sur « Emma » il interpelle la communauté sur des pratiques encore trop marquées par la colonisation…Et « Ndema » , que l’on peut traduire par « aide-moi ! » en woloof, illustre le cauchemar d’un chômeur. « Trop souvent, il cherche quelque chose qu’il ne peut pas trouver, car ce quelque chose n’existe pas ! »
Tout n’est pas si sombre dans cette histoire, bien au contraire. A l’opposé– ou plutôt comme un remède à ce mal contemporain de tous les citadins – « Kille », le chemin en soninke, reprend la piste qui mène au village de Daby Touré, Djeol, au sud de la Mauritanie. « Je parle de tous ces fondamentaux, parfois des trucs très basiques, qui m’ont servi de piliers dans la vie, des trucs qui peuvent me manquer aujourd’hui. J’ai besoin de me ressourcer constamment. » Un besoin auquel fait écho « Soninko », hommage au peuple soninke. « J’essaie de raconter ma version des faits : mettre en avant nos penseurs, comme Cheikh Anta Diop. Nous sommes une grande civilisation ! Dire que certains ont osé dire que nous étions un continent sans mémoire ! » Et la mémoire, Daby l’a cultivée pour mieux se projeter demain.
Emblématique de tout cet album, « Khone », coécrit avec son père Hamidou Touré et Bacary waiga, dont il délivre une version superbement dépouillée. « Il s’agit d’un extrait d’une chanson du format d’un opéra, composée en 1969 au festival panafricain d’Alger. C’était un long texte sur l’émancipation des Noirs. Je l’ai réarrangé pour en faire un a capela, où je redis qu’il faut prendre conscience de toute notre histoire, qu’il faut enseigner cette mémoire. Nous sommes tous responsables aujourd’hui du passé. »
Né en Mauritanie, grandi au Sénégal, Daby Touré vit depuis désormais plus d’un quart de siècle à Paris, vibre dans le monde entier. Enfant de l’entre-deux-mondes, des rives des continents qui se rapprochent pour faire jaillir d’autres créations, l’afropéen revendique pleinement sa double nationalité, tout comme il affirme clairement sa double appartenance. Ni l’un ni l’autre, Daby Touré est le citoyen d’un monde en perpétuelle reconfiguration : Touré Touré, le groupe qu’il fonda il y’a quelques années avec son cousin Omar, constituait déjà un premier pas vers cette volonté de tracer des ponts entre l’Afrique et l’ailleurs, au-delà. Au début du nouveau millénaire, il s’était retrouvé tel qu’en lui-même au sein du label de Peter Gabriel, Realworld, une ouverture vers le monde des musiques, dans leur diversité. Avec d’en percevoir les limites, un son bien identifié qui devint un carcan pour ce musicien pétri de liberté. Il était temps d’en changer, de bouger vers son futur. Et ce devenir s’écrit aujourd’hui à la lecture du passé. « Bien sûr je porte l’Afrique en moi, je chante dans toutes les langues de mon pays peulh, soninké, wolof… Mais avec ce nouvel album, je m’approche de ce qui me plaît le plus, la soul, la pop, une musique que l’on peut chanter au-delà des affaires de frontières », un « enfant » de la sono mondiale qui joue à saute-moutons avec les catégories.
No way, ce cinquième album s’inscrit dans le prolongement d’une carrière débutée en solo voici dix ans, dans le droit fil de tous ceux qui l’ont précédé, chansons parfois douces-amères, plus lutines aussi, dans une veine folk soul, afro pop. Auteur inclassable, compositeur prolixe, chanteur subtil, le multi instrumentiste a encore une fois réalisé tout seul ce recueil, façonné maison. Artiste jusqu’au bout des lèvres, artisan jusqu’au bout des doigts : « J’interviens à tous les moments. Je veux maîtriser toute la chaîne de conception. ». On y perçoit une identité en transit, loin des clichés, une image raccord avec la bande-son, une suite de vignettes qui bout à bout esquissent une pensée jamais fixée.
C’est de cette oreille qu’il faut écouter Daby Touré nous conter « comment l’histoire s’est passée ». Tout commence en Casamance, avec « Woyoyoye », le village où il a grandi. Puis, le thème éponyme « Amonafi » réexpose « des bases d’une histoire commune entre la France et l’Afrique. Il est temps d’en prendre conscience et une fois que l’on est d’accord sur ça, on peut imaginer des super créations ! » Suit « Kiba », où il évoque les pirogues, l’exode, les enfants qui partent en quête d’un autre destin. « Nul ne peut les empêcher, car de toute façon c’est dans la nature de l’homme de bouger. Mais le problème, c’est que le continent a besoin de cette jeunesse. Il faut prendre conscience que ce sont nous qui allons construire demain. » L’instant d’après « Oma » rappelle que Paris n’est pas l’eldorado pour tous. « Cela veut dire ‘Appelle-moi’, en référence à une roumaine qui fait la manche près de chez moi. Un jour elle m’a parlé, et j’ai pris conscience de toute sa souffrance, de son humanité. Oma, c’est le cri de cette femme. »
Le « deuxième » sexe est très présent dans son univers : « Debho » constitue un hommage aux femmes, qui « portent toute la société, qui font les hommes… », « Little Song » évoque avec malice « une femme qui fait courir un homme »,Plus d’une fois, comme il malaxe les rythmes, il joue sur les mots, entre peulh et soninke. « Je le fais souvent. C’est ma manière de rapprocher les peuples. je suis l’enfant d’une mère mauresque, Hassanya, et d’un père soninke, ce qui n’est pas fréquent en Mauritanie. »
Encrée dans le quotidien, arrimée à des rêves plus lointains, l’histoire qui nous est contée parle à tous, cette folle course du monde, que Daby Touré regarde avec perspicacité, « mais positivité ». « On est sur le bon chemin. » Les mots se font plus direct, lorsque sur « Emma » il interpelle la communauté sur des pratiques encore trop marquées par la colonisation…Et « Ndema » , que l’on peut traduire par « aide-moi ! » en woloof, illustre le cauchemar d’un chômeur. « Trop souvent, il cherche quelque chose qu’il ne peut pas trouver, car ce quelque chose n’existe pas ! »
Tout n’est pas si sombre dans cette histoire, bien au contraire. A l’opposé– ou plutôt comme un remède à ce mal contemporain de tous les citadins – « Kille », le chemin en soninke, reprend la piste qui mène au village de Daby Touré, Djeol, au sud de la Mauritanie. « Je parle de tous ces fondamentaux, parfois des trucs très basiques, qui m’ont servi de piliers dans la vie, des trucs qui peuvent me manquer aujourd’hui. J’ai besoin de me ressourcer constamment. » Un besoin auquel fait écho « Soninko », hommage au peuple soninke. « J’essaie de raconter ma version des faits : mettre en avant nos penseurs, comme Cheikh Anta Diop. Nous sommes une grande civilisation ! Dire que certains ont osé dire que nous étions un continent sans mémoire ! » Et la mémoire, Daby l’a cultivée pour mieux se projeter demain.
Emblématique de tout cet album, « Khone », coécrit avec son père Hamidou Touré et Bacary waiga, dont il délivre une version superbement dépouillée. « Il s’agit d’un extrait d’une chanson du format d’un opéra, composée en 1969 au festival panafricain d’Alger. C’était un long texte sur l’émancipation des Noirs. Je l’ai réarrangé pour en faire un a capela, où je redis qu’il faut prendre conscience de toute notre histoire, qu’il faut enseigner cette mémoire. Nous sommes tous responsables aujourd’hui du passé. »