Cheick Tidiane Seck

Guerrier
Sortie le 4 février 2013
Label : Universal Jazz
A Paris comme à Bamako, tout le monde connaît Cheick Tidiane Seck, chacun sait la valeur du guerrier des claviers ! Un guerrier au son aussi redoutable que pacifique comme le suggère son surnom Black Buddha.
A Paris comme à Bamako, tout le monde connaît Cheick Tidiane Seck, chacun sait la valeur du guerrier des claviers ! Un guerrier au son aussi redoutable que pacifique comme le suggère son surnom Black Buddha.

Sur les quatre-vingt-huit touches noires et ivoire, son sens de l’attaque, sa manière de bombarder des phrases au groove implacable, ont fait du Malien l’un des hommes de mains loué par tous. « Je suis un musicien, qui peut passer d’une simple mélodie folklorique à des harmonies modernes et sophistiquées. », a coutume de dire Cheick Tidiane Seck, pilier du Super Rail Band et disciple de Jimmy Smith qui s’est illustré dans tous les registres, aussi à l’aise sur le terrain mandingue qu’en terre jazz, jouant aux avant-postes de la jungle londonienne ou auprès des cadors de la scène hip-hop parisienne. Et pourtant il aura attendu son heure, le cap de la cinquantaine, avant de signer de son seul nom une paire de disques supersoniques, « Mandingroove » puis « Sabaly ».

Le voilà de retour, pour un nouveau jeu de multipistes enregistrées entre Paris, Londres et Bamako, cette fois seul aux manettes de cet ovni qui aurait très bien pu se baptiser « Kelena Foli », texto « la musique tout seul » en bambara. « Je me suis fait plaisir. Je savais que j’en étais capable, mais c’est la première fois que je franchis le pas sur disque. » Enfin ! Du coup, il prend en main les claviers de tout type : Fender Rhodes et synthés, orgue Hammond ou B3, Wurlitzer et Bosendorfer…

EN CONCERT

FESTIVAL AU FIL DES VOIX

SAMEDI 9 FEVRIER 2013

L’ALHAMBRA - PARIS

Du coup, il prend en main les claviers de tout type : Fender Rhodes et synthés, orgue Hammond ou B3, Wurlitzer et Bosendorfer… Mieux il touche tout autant à tous les autres instruments : basse, percussions, guitare, calebasse, batterie… Il assure même comme un grand le chant : haut parleur et soul enchanteur, phraseur et même en chœur ! Pas une note qui ne soit signée du natif de Ségou. « Tout mon ADN est là. »

Pas de doute, ce global mix post-rétro-futuriste traverse toutes les voies qu’il a empruntées, un spectre sonore vaste comme le monde de la musique, des traditions d’Afrique, de l’Ouest au Sud, aux citations aux mondes arabes ou asiatiques. La soul, le jazz, la pop, le funk, le r’n’b, le rap, le reggae ont tout autant leur place ici. Pas d’exclusion, l’homme est ouvert à l’autre, curieux par nature. Telle est la personnalité de Cheick Tidiane Seck, qui résiste aux grilles de lecture basiques. Il est à la fois ceci et ceux-là, ancré dans des chants immémoriaux inscrits à son patrimoine génétique, arrimé à l’urbanité dans laquelle il baigne depuis tant d’années.

C’est cette intimité, faite d’une généreuse profusion, à laquelle Cheick Tidiane Seck se livre en tombant le masque du sideman dévoué. « Je n’osais pas chanter comme ça avant, sauf pour la direction d’orchestres. » Et pourtant, il a de quoi faire entendre sa différence, une voix qui brille de mille éclats. Une voix qui se hisse avec gravité dans les aigus, tout juste accompagnée par le grand piano, pour entamer un blues du souvenir en mémoire d’Assetou, la petite fille qu’il a perdue en 1979, terrassée par une méningite foudroyante. Une voix qui prône les valeurs cardinales, fondamentales : « respect des aînés, de l’esprit de la famille, sans soumission, juste par éthique » (« They Say ») ; « méfiance des a priori et des mauvaises pensées qui polluent nos relations » (le soulful « Miri Djougou »)) ; « l’honnêteté, l’honneur » sur Horongna, un drôle de riddim reggae composé en 1978, « un an après avoir joué avec Jimmy Cliff qui avait découvert le secret des Yelas une ethnie peulh ». Une voix qui s’élance avec tendresse pour entonner un hymne à l’amour dédié à Hadja Koumba, tandis qu’elle prend plus de profondeur à l’heure d’honorer la mémoire des musiciens du Mali tombés ces dernières années, dans la formidable ballade afro-mandingue « Saya » : Kanté Manfila, Ali Farka Touré, Zani Diabaté, Tidiane Koné, Tino Dramane… « Tous nos justes sont là. » Et sa guitare raisonne telle la mémorielle kora. Ce phrasé typique que l’on retrouve pour la ballade nocturne « The Blessing », un certain type de bleu pour un hommage à Stevie Wonder. « Say it loud ! Black and proud ! De toutes les couleurs, seulement moi ! »

Le soul father n’est pas le seul convoqué sur l’autel de la fraternité afro. Cheick Tidiane Seck invoque aussi la Mama Africa Myriam Makeba sur « Liwa Wechi », un titre congolais dont la Sud-Africaine fut la porte-parole et que le Malien fit sien pour les jeux panafricains d’Alger en 2011. « Cette artiste que j’ai rencontrée en 1983 est un exemple pour moi, comme pour tout le continent. Son combat pour les droits de tous, sa spiritualité au service d’une certaine idée de la révolution, restent d’actualité. » Car si Cheick Tidiane Seck se livre à coeur ouvert, il délivre aussi ses quatre vérités. « Je suis un guévariste, résistant, militant, altermondialiste en musique.

Je souhaite une meilleure hygiène de vie pour tous sans céder à la démagogie. » Le ton est d’ailleurs donné d’emblée avec « Sunshining » qui suinte le groove malien trempé dans le grand bain numérique des années 2.0 : « Un peuple, un but, une foi… Le soleil brille pour tous ! » Simplement, le musicien veut faire bon usage du terme politique, trop connoté de coups bas : « Je parle, je dénonce des situations. Il était temps de dire les choses. Essayons de nous regarder en face, de nous entendre : c’est cela ma vision de la politique. » Un message de paix et de tolérance qu’il décline sur un rythme afro-funky de « Fere Na Fera » », ou sur un pied plus soul lorsqu’il s’adresse à son peuple (« People »), une vieille mélodie recyclée où fort de son histoire il met le doigt sur la crise qui agite son pays. « Le Mali est seul. Nous ne serons pas sacrifiés pour qui ce soit. Nous sommes un pays, tous unis. Toutes les ethnies doivent se respecter. » Et toutes les nations se doivent d’être au diapason, au lieu d’être soumises à une société d’exclusion, des murs d’incompréhension et des siècles de rétentions sur lequel se heurte l’« Immigrant ». Un triste sort qu’il a connu, comme trop, qu’il exorcise en empruntant le jazz, la musique matrice d’une dignité retrouvée. « Quand je suis arrivé en France, en 1985, j’en ai beaucoup bavé. J’étais déjà bien connu en Afrique de l’Ouest et là je devenais plus rien. Moi qui suis né Soudanais français, j’étais considéré comme un étranger. Quelle ironie ! Il m’a fallu attendre dix ans avant d’obtenir un titre de carte de séjour. Quelle est donc la peur qui fait que l’immigration est devenue un problème ?! La fortune dans le monde est et sera toujours mal distribuée. Et c’est pour ça que les gens ont le droit de migrer librement. » À cet instant-là, l’intime confession du guerrier paisible mais toujours pas apaisé rejoint les convictions d’un autre vieux Lion, toujours prompt à reprendre le combat, Stéphane Hessel.