Bandé Gamboa

Horizonte - Revamping Rare Gems From Guiné-Bissau and Cabo Verde
Sortie le 12 juin 2020
Label : Heavenly Sweetness
Bandé-Gamboa est un All-Star band créé pour réinterpréter des morceaux extrêmement rares ou inédits de Guiné-Bissau et du Cap Vert, un projet explicitement dédié à la mémoire vivante d’Amílcar Cabral, la force intellectuelle et stratège derrière l’indépendance des deux pays, dont le rêve était de les voir réunis pour toujours. Le projet a été créé par le producteur exécutif / DJ / Digger, Francisco « Fininho » Sousa dans le but de mettre en lumière des compositions musicales qui n’ont jamais connu le succès malgré leur potentiel, ou qui n’ont jamais été éditées.

- Main Vocals (alternating) : Micas Cabral, Débora Paris, Iragrett Tavares
- Backing Vocals (alternating) : Débora Paris, Iragrett Tavares
- Music Direction and Bass : Juvenal Cabral
- Electric Guitar : Ivan Gomes
- Drums : Cau Paris
- Percussion : Ernesto da Silva
- Keyboard : Calú Ferreira
Bandé-Gamboa est un All-Star band créé pour réinterpréter des morceaux extrêmement rares ou inédits de Guiné-Bissau et du Cap Vert, un projet explicitement dédié à la mémoire vivante d’Amílcar Cabral, la force intellectuelle et stratège derrière l’indépendance des deux pays, dont le rêve était de les voir réunis pour toujours. Le projet a été créé par le producteur exécutif / DJ / Digger, Francisco « Fininho » Sousa dans le but de mettre en lumière des compositions musicales qui n’ont jamais connu le succès malgré leur potentiel, ou qui n’ont jamais été éditées. Le groupe ne comprend que des musiciens exceptionnels de Guiné-Bissau et du Cap Vert, mélangeant jeune et veille générations. Les morceaux du Cap Vert se concentrent principalement sur l’extension des possibilités des langages musicaux au sein du « Funaná », et les morceaux de Guiné-Bissau sont une interprétation moderne du rythme traditionnel « Gumbé », rarement joué dans les scènes du monde entier. L’album « Horizonte - Revamping Rare Gems From Guiné-Bissau and Cabo Verde » se situe donc entre une compilation et un enregistrement de groupe, mariant les connaissances d’une décennie de recherche sur la musique des deux pays avec le talent et la créativité de musiciens de classe mondiale.

Ding-Dong !

En juin 2018, GUTS est venu à Lisbonne sonner à ma porte. Il avait en tête de discuter la possibilité d’une collaboration entre Heavenly Sweetness et moi-même afin de produire une compilation. J’étais évidemment honoré par cette proposition, mais une semaine plus tard, j’ai suggéré de former deux groupes composés de célébrités, l’un venant du Guiné-Bissau et l’autre du Cabo Verde, avec trois chanteurs chacun et inspirés par l’une des plus brillantes figures de la libération africaine : Amílcar Cabral. Grâce au dur labeur de plus de 30 personnes, nous avons fini par réaliser ce rêve. En voici l’histoire. Bon voyage !

Après tout, pourquoi ce disque a-t-il été fait ?

Avant de répondre à cette question, trois choses à garder en tête :

1. Vu le manque d’alternatives, j’utiliserai l’expression « l’Ouest » pour faire référence avec pragmatisme principalement à l’Europe et à l’Amérique du Nord et à d’autres territoires dont la matrice principale est la culture occidentale.

2. Grâce à mon expérience de chercheur/DJ et, plus récemment, grâce à mon travail de producteur dévoué depuis plus d’une décennie à la diaspora africaine de Lisbonne, j’ai l’opportunité d’observer ce qui est disponible actuellement en termes de musique africaine chez les disquaires de l’Ouest. Mon point de vue est souvent celui des communautés africaines Lusophones tout particulièrement de Lisbonne, la ville où j’habite et où, non sans turbulence, toutes ces communautés se mélangent. Mon approche dénonce cet état de fait et j’imagine que vous, lecteurs, vous le savez également.

3. Ce projet comprend deux groupes, l’un provenant du Guiné-Bissau et l’autre de Cabo Verde. Pour simplifier, je les appellerai respectivement, le groupe GB et le groupe CV.

Commençons ! Tout projet pour moi, aussi exaltant et inspirant qu’il puisse être, commence d’abord par le constat d’un manque. Depuis approximativement le début de ce millénaire, le travail assidu et agile de nombreux labels indépendants a donné le jour principalement à des centaines de compilations de musique vintage et de rééditions de disques provenant de divers pays africains dont la musique avait largement été ignorée par l’Ouest. Il n’était donc pas surprenant que cette vague de vieille mais fraîche (pour les oreilles occidentales) musique ait eu un impact majeur sur les mélomanes, chercheurs et DJs. Pendant les deux dernières décennies, chaque mois sortait chez des disquaires partout dans les villes un nombre de compilations et de rééditions de musiques jamais entendues auparavant et qui véhiculaient des langages et influences exotiques. Ces nouveaux sons, allant des pionniers cubains au rock psychédélique brésilien, du funk du sud est asiatique aux Master Bass Players du Congo, ont donné aux mélomanes plus de diversité avec laquelle jouer, plus d’idées dont ils pouvaient s’inspirer et de nouvelles idoles à vénérer ! Une des conséquences de cet afflux de culture vintage africaine était ce que l’on appelle aujourd’hui la scène « Tropical Music », atteignant les foules via les fêtes Cumbia à l’ancienne, influençant des groupes indépendants et remettant sur le devant de la scène les chemises à fleurs, bariolées de couleurs. En d’autres termes, l’engouement pour cette « nouvelle » musique était célébré par tous, de toutes les façons possibles. Cette scène « Tropical Music » est distincte de la scène « Musique du monde » (REF. 1) qui s’est développée dans les années 80 pour la simple raison qu’elle rejette l’influence occidentale dans la composition et (parfois) dans le style et qu’elle préfère des enregistrements authentiques qui donnent le ton du moment et de l’endroit où ces enregistrements ont été faits.

Après avoir passé deux décennies à explorer avec obsession disques et CD chez les disquaires et ailleurs, il me semble qu’on peut déterminer trois aspects pour définir ces rééditions contemporaines de musique africaine.
En premier lieu, ces disques sont très rarement achetés par des Africains ou des descendants d’Africains, ce qui défie toute logique, mais peut être expliqué pour deux raisons : parce que ces rééditions vintages et ces compilations sorties à l’Ouest mettent en lumière des artistes célèbres dans leurs pays d’origine et donc moins intéressants si vous les connaissiez déjà et parce que les vieux disques ne plaisent plus à une nouvelle génération, peu inspirée par le passé colonial.
En second lieu, pratiquement toute la vieille musique africaine sortie à l’Ouest se retrouve dans les genres suivants (ou dans des genres très proches de ceux-ci ) : Reggae, Soul, Funk, Highlife, Rock psychédélique joué par des musiciens non-occidentaux, Ethio-jazz, Afrobeat, Soukous. Ne vous méprenez pas : j’adore la plupart de la musique provenant de ces catégories et ma vie est grâce à elles bien meilleure. Que serait notre monde sans Fela Kuti, Mulatu Astatke ou Tabu Ley Rochereau ? Cependant, la richesse de la culture africaine est tellement immense qu’il est étrange que seulement une infime partie de sa culture soit promue et célébrée à l’extérieur de l’Afrique. Par exemple, le Guiné-Bissau, petit pays de l’Afrique de l’Ouest – dont la musique est célébrée ici – a une population de 1,7 millions d’habitants, mais 32 groupes ethniques distincts avec chacun leurs propres rythmes et grooves.
En dernier lieu, les goûts actuels des disquaires occidentaux penchent plutôt pour la musique africaine des années 60 et 70 avec beaucoup de notes de guitares électriques, de grooves funky avec du Rhodes, de voix puissantes et rugueuses et d’énormes coupes afros. La plupart des sorties se focalise avec une telle intensité sur un moment musical spécifique et sur une imagerie à l’ancienne que, pour de simples raisons de goûts, ce moment devient plus ou moins représentatif de la musique africaine pour l’Ouest, rejetant la musique africaine contemporaine et urbaine en la considérant inauthentique, kitsch ou bon marché bien qu’elle soit respectée et innovante dans son pays d’origine.

Sélection des morceaux

J’ai gardé depuis 16 ans un dossier digital avec tous les morceaux dont les compositions m’ont vraiment fasciné, mais qui comportaient de sérieux problèmes les empêchant de devenir des morceaux accomplis. La raison pour cela pouvant être une mauvaise intro, une voix sonnant faux ou simplement un mauvais mix. Certains de ces morceaux originaux sont inconnus même des mélomanes locaux, d’autres étaient connus depuis leur sortie mais localement seulement.
Ayant été DJ dans le duo Celeste/Mariposa à travers toute l’Europe, il m’a toujours intrigué de voir comment de petites erreurs très subtiles en studio pouvaient changer des morceaux dance et groovy en des morceaux plats et sans énergie et la manière la plus efficace de tester des morceaux « dancefloor », c’est d’être un DJ observateur. Certains morceaux marchaient avec un certain public et pas avec un autre, mais d’autres morceaux, malgré mon insistante fascination, ne marchaient jamais quel que soit l’endroit, l’ heure ou comment ils étaient mixés. Pourtant, je restais convaincu de la qualité de ces titres, même si j’ai vite compris que la seule manière de partager mon enthousiasme pour ces morceaux serait probablement de les reprendre à zéro sous un nouveau jour. Ce qui est précisément ce que nous faisons ici !
Pour le groupe CV, j’ai choisi dans mon dossier les morceaux qui, selon moi, avaient le plus de potentiel et qui représentaient aussi le vrai son de Praia.
Pour le groupe GB, le processus de sélection était plus complexe. Alors que « Pé Di Bissilon », « Citi Cu Liti » et « Dunia Bé Téné » avaient déjà été sortis dans le passé, « Tchon Di Guiledi », « Nô Guiné » et « Riba Bas Di Mi » étaient tous des morceaux inédits que nous ne connaissions que par des enregistrements de la Radio Nationale de Bissau.

Au goût de qui ?

Ce disque est fait pour être apprécié par les mélomanes de tous bords, mais il vise particulièrement à être admiré, célébré et dansé par tous les jeunes de Guiné-Bissau et Cabo Verde, MAINTENANT. C’est une magnifique idée, mais captiver deux types de public (le public occidental et celui de chaque pays d’origine) avec des goûts très différents s’avère extrêmement ambitieux et nécessite des choix difficiles. Par exemple, les riffs graves et distordus de guitare électrique rock sont à la mode dans de nombreux styles africains comme le Semba, le Kizomba, le Gumbé et le Socopé en Afrique de l’ouest, mais ils sont perçus par l’Ouest comme des éléments ringards de Trash métal, critiqué pour leur destruction du « vrai » groove africain. D’autre part, les sons crasseux des synthés analogiques et les voix rugueuses des enregistrements africains des années 70 influencent fréquemment les groupes occidentaux à la mode, mais sont vus par les publics africains comme archaïque et sans intérêt. Alors quelle stratégie devrait-on adopter ? Le son doit-il se plier aux goûts occidentaux quitte à ignorer nos propres convictions ? Ou doit-il répondre aux exigence des publics africains et alors risquer de se vendre dans le mauvais hémisphère ?
J’ai une hypothèse qui est la suivante : aujourd’hui, probablement pour la première fois, il y a suffisamment de mélomanes à l’Ouest qui sont assez cultivés et ouverts d’esprit pour apprécier de la musique africaine qui n’est pas paternaliste et pour ne pas consommer une version filtrée ou esthétique de bonnes musiques. C’est ce en quoi je crois et c’est ce qui rend, je pense, ce disque spécial : l’ambition hors du commun de réunir d’un côté un disque joyeux et groovy qui va toucher les gens et les faire danser et d’un autre côté un disque qui évite tout ce qui m’a frustré en tant qu’ acheteur de disques et producteur.

Que veut dire Bandé-Gamboa ?

Amílcar Cabral était le stratège politique derrière la libération du Guiné-Bissau et du Cap Vert et sans aucun doute l’un des plus brillants et éloquents révolutionnaires africains. Il était né à Bafatá, au Guiné-Bissau, en 1924 mais est allé à l’école à Mindelo, au Cap Vert. Il disait souvent que ces deux pays étaient complémentaires. Car si le Cap Vert était un archipel de dix îles comprenant essentiellement des montagnes, le Guiné-Bissau, lui, était sur le continent et principalement plat. Alors que le Cap Vert connaissait rarement la pluie, la pluie du Guiné-Bassau était abondante. Pendant la libération, il a défendu avec enthousiasme l’unité des deux pays pour des raisons stratégiques, mais il rêvait aussi qu’un jour il existe un pays indépendant, ce qui est arrivé pendant seulement six ans entre 1974, quand la guerre de libération a été gagnée, et 1980, quand le coup d’état de Nino Vieira a mis fin à la présidence des deux territoires par Luis Cabral. Amílcar n’a pas pu voir cela car il a été assassiné en 1972. Le nom de ce projet , Bandé-Gamboa, fait référence à une connexion entre un quartier vivant et fier de Bissau qui s’appelle Bandé et la célèbre plage de Gamboa, juste devant la capitale du Cap Vert, Praia, le berceau du Funaná. La route Atlantique était utilisée pour transporter des esclaves capturés au Guiné-Bissau jusqu’au marché esclavagiste de l’île de Santiago, mais ici elle est vue comme le symbole d’une connexion ombilicale entre les deux pays qui est due à leur histoire et à leur culture communes et à leur combat côte à côte pour l’autodétermination.

Pourquoi avons-nous travaillé avec des groupes live ?

Ce disque, qui met en avant deux excellents groupes combinant de vieilles légendes avec de jeunes artistes ayant pour tâche commune de renouveler leur propre tradition musicale, est la somme de moments uniques et créatifs enregistrés au premier semestre 2019 à Lisbonne. Pour être plus clair, ce disque existe avec comme objectif principal de partager avec le monde entier ce qui s’est passé pendant cette rencontre. En tant que producteur, il était particulièrement appréciable de voir la réaction des artistes à cette liberté créative, de les voir s’approprier le projet arrivant chaque matin avec de nouvelles suggestions, de voir chaque génération de musiciens être fascinées par la compréhension du groove de l’autre. Mon problème était alors de trouver des façons d’intégrer tant de bonnes idées tout en respectant la cohérence du projet.
N’est-ce pas le rêve de tout bon producteur ?

Chaque groupe a son propre objectif

Parce que les objectifs de chaque groupe étaient différents, je jouais selon le groupe différent rôles en tant que producteur. Pourquoi cela ? Ce projet a pour but de révéler à la fois le Gumbé et le Funaná à de nouveaux publics, mais ce sont des défis de différentes natures selon les contextes. Le Gumbé est le résultat d’un mélange musical réussi conçu à Bissau au milieu des années 50. C’est la fusion de l’héritage musical de plus de 32 groupes ethniques habitant la ville avec les influences d’Amérique latine (spécialement la Cumbia) qui définit le rythme unique et complexe du Gumbé moderne. Plus tard, dans les années 70, une période fascinantes de vitalité culturelle voit le jour. Des groupes comme N’Kassa Cobra, Super Mama Djombo et Cobiana Jazz ont revitalisé des rythmes traditionnels et les ont mélangés avec des influences modernes occidentales pour créer une musique psychédélique, sophistiquée et grave soutenant un message pour la libération, la paix et l’autosuffisance. Selon moi, la façon avec laquelle ces groupes ont étudié les traditions anciennes pour créer le son du futur constitue l’un des plus grands bonds que l’histoire de la musique ait jamais connu. L’avenir du gumbé semblait brillant, mais un coup d’État en 1980 et une instabilité politique permanente ont fait que plus récemment des noms comme Tabanka Djaz et Justine Delgado sont devenus des stars malgré un contexte extrêmement difficile. Ils ont dû s’épanouir dans un environnement artistique où il n’y avait plus l’euphorie et l’optimisme ressentis pendant la guerre de libération lorsque les artistes étaient perçus comme des figures centrales pour l’identité et l’unité nationales.
Aujourd’hui, malgré son caractère unique, une large diaspora et un grand nombre de musiciens talentueux, le Gumbé est rarement mis en avant dans le monde de la musique internationale, obligeant de nombreux artistes établis à faire des compromis pour diffuser leur musique.
Nos intentions avec le groupe GB étaient multiples. D’abord, les artistes dans ces groupes étaient conscients que le Gumbé était indéfinissable à l’inverse de styles immédiatement reconnaissables comme le Reggae ou le Soukous. Le Gumbé aujourd’hui n’est pas suffisamment homogène pour être reconnu comme un genre en tant que tel par le grand public. Il a été enregistré par de nombreux artistes qui avaient des idées très différentes et des rythmes différents, tous regroupés sous la même bannière « Gumbé ». Le premier défi était donc de présenter un nombre de morceaux vraiment variés tout en conservant une matrice commune et solide. Un autre objectif était de livrer des versions nouvelles et contemporaines de chaque morceau, grâce à une collaboration étroite entre deux générations qui ne se comprennent pas toujours.

Quant au groupe CV… Le Funaná, genre desormais bien documenté, est un type de musique au tempo rapide provenant de l’île de Santiago au Cap Vert. Au départ, le Funaná était joué avec un accordéon diatonique et accompagné par un « ferrinho », une barre en fer de 60 centimètres en forme de L, provenant souvent d’un sommier de lit, qui une fois raclée avec un couteau à beurre, crée un son métallique et tendu. Les autorités portugaises sont connues pour avoir interdit le Funaná, principalement parce que les joueurs de « ferrinho » avaient, après tout, deux dangereuses armes entre leurs mains, mais aussi parce qu’elles craignaient que les morceaux de Funaná deviennent la bande originale de soirées agitées, où paroles subtilement anticoloniales se mêlent aux grogs et aux danses endiablées.
Les années 70 ont apporté au monde la révolution Funaná lorsque des groupes comme Kolá, Bulimundo ou Pedrinho ont présenté dans leurs morceaux de la batterie, de la basse électrique, des claviers, de la guitare électrique et des percussions. Pendant ce temps, Paulino Vieira avait commencé son extraordinaire aventure visant à créer de la musique moderne provenant du Cap Vert. En passant d’influences aussi bien américaines, caribéennes qu’ africaines, il a catapulté le Funaná à un autre niveau. Certains disques contemporains dédiés au Funaná comme la compilation Space Echo (à laquelle j’ai participé) d’Analog Africa ou Synthezize the Soul d’Ostinato Records donnent une bonne idée de l’univers qui était alors crée. En fait, la musique prospérait au Cap Vert qui était indépendant contrairement à ce qui se passait au Guiné-Bissau. Quand le Cap vert était occupé, le pays était de loin la plus privilégiée des colonies avec un taux alphabétisme et d’éducation bien supérieur aux autres pays africains occupés par le Portugal, l’idée étant que les habitants du Cap Vert pourraient mieux servir les Portugais en participant à l’administration coloniale des pays africains du continent. Une fois que l’euphorie liée à l’indépendance était retombée, le coup d’État de Nino Vieira a divisé le Guiné-Bissau et le Cap Vert en deux pays distincts. Contrairement au Guiné-Bissau, le Cap Vert a continué à être un pays plus stable et en évolution grâce à une diaspora d’artistes qui sont partis à l’étranger, enregistrer à Lisbonne, Rotterdam, Paris et Boston où ils ont pu trouver des studios bien équipés. Dans les années 80 et 90 , le Cap Vert et sa diaspora ont produit toute une variété de musique avec une vraie star, Cesária Évora, dont le succès mondial a crée un intérêt général et culturel pour l’archipel.
Le Funaná a aussi beaucoup évolué. Après les innovations uniques de Codé Di Dona et Sema Lopi, qui tous deux eurent un impact énorme sans avoir jamais vraiment enregistré de bons albums studios. Dans les années 90, des virtuoses comme Tchota Suari, Bitori Nha Bibinha et le groupe Ferro Gaita ont remporté un grand succès et façonné un son dur, précis, provocateur qui est devenu à partir de 2016 graduellement accessible au public occidental. Tout en restant très loin du succès de l’Ethio-Jazz ou du Highlife nigérian, le Funaná a connu très récemment un peu de reconnaissance au niveau mondial. Sa gamme plus limitée de rythmes empêche aussi le Funaná d’avoir des problèmes d’identité comme avec le Gumbé. Notre objectif avec le groupe CV pour ce projet a donc été justement de partir dans la direction opposée : tester les limites du Funaná en le mélangeant avec d’autres textures, rythmes, en ralentissant le tempo, etc. Nous voulions essentiellement tester la versatilité du Funaná en examinant jusqu’à quel degré il serait capable d’absorber harmonieusement d’autres langages musicaux.

(REF 1) L’appellation « Musique du Monde » a été créée par nécessité par les journalistes musicaux dans les années 80, à une époque où certains artistes majeurs et certains labels sortaient de la musique qui ne trouvait pas sa place dans les catégories établies et qui produite spécialement pour des oreilles occidentales, bien qu’elle soit enregistrée dans de nombreux endroits de la planète. L’appellation « Tropical music » est cependant bien moins connue, mais elle est utilisée partout à l’Ouest. Quand je fais référence à « la scène ‘Musique tropicale’ », je fais référence aux disques sortis, aux fêtes organisées et au type de « vibe » liés à un public jeune, urbain et éclairé, principalement interéssé par de la vieille musique enregistrée dans des pays de l’hémisphère Sud.