Ballaké Sissoko & Derek Gripper

Ne vous méprenez pas : il s’agit ici d’une rencontre entre des instruments et non des traditions. Le dialogue entre la kora de Ballaké Sissoko et la guitare de Derek Gripper représente une complète symbiose entre deux maestros au sommet de leur art jouant avec totale maîtrise et liberté.

Et cela ne fait ici aucun doute : deux taureaux peuvent s’épanouir ensemble dans le même enclos et ce malgré le fait qu’ils soient issus d’univers musicaux bien différents et lointains : la tradition de Sissoko en matière de Kora et sa lignée traversent l’empire autrefois puissant connu sous le nom de Kaabu. Il traversait la Gambie, le sud du Sénégal et la Guinée Bissau. Gripper vient quant à lui de la guitare classique européenne. Cependant, nous ne retrouvons pas ici ces 2 traditions sous forme de dialogue. Nos deux protagonistes se rejoignent sur les fondements sonores de la kora, l’instrument à 21 cordes historique des griots, le vecteur sonore du sacré et du profane, de l’histoire et de la sagesse. Ce terroir musical est implanté sur le terrain de Sissoko. Et après deux décennies d’engagement et d’études, c’est sur celui-ci que Gripper amène la guitare européenne moderne à la rencontre de sa cousine.

D’ailleurs, l’album de Gripper intitulé ‘One Night On Earth’, sorti en 2012, racontait son parcours dans l’adaptation de la musique plus ‘classique’ de la kora vers la guitare. Il incluait d’ailleurs une composition de Sissoko. Sa réussite dans cette entreprise et sa maîtrise unique de la musique Jeli sur cet instrument représentent une nouvelle direction fascinante dans l’histoire moderne de la guitare en Afrique et dans le monde. Sissoko est quant à lui vénéré comme le représentant moderne le plus innovant de la kora. Il est d’ailleurs reconnu à l’international comme le garant d’une tradition qu’il a contribué à mettre en mouvement et à transformer. Ainsi, malgré le fait que les deux hommes ne partagent pas la même langue et parce que la musique est un langage universel, ils entretenaient déjà un dialogue profond bien avant de se rencontrer pour la série de concerts londoniens qui a permis d’aboutir à cette séance d’enregistrement. Le fruit de ce dialogue est le disque que vous tenez entre vos mains : une session qui allie une profonde communion à une improvisation pétillante, poussant une tradition vivante vers de nouveaux espaces sonores, ouvrant ainsi un canal de communication direct entre la kora et la guitare. Dans ce réseau complexe de thèmes et de variations musicales élaboré par les vingt et une cordes de Sissoko et les six de Gripper, une nouvelle théorie des cordes africaines voit ainsi le jour. C’est à travers les vibrations envoûtantes de ce réseau qu’un nouvel universel musical insoupçonné a pu voir le jour.