Andy Palacio

Watina
Sortie le 12 avril 2007
Label : Cumbancha
Cumbancha, nouveau label dédié aux rythmes et aux sons du monde est heureux de vous présenter « Wátina », l’album d’Andy Palacio & The Garifuna Collective.

Deuxième sortie internationale du label crée par Jacob Edgar (de longue date Directeur artistique de Putumayo et ethnomusicologue), « Wátina » explore en musique la culture garifuna, à l’histoire, la richesse et l’émotion inouïe.

Une découverte pour certains, une évidence pour d’autres, une profonde émotion pour tout le monde.
EPAVES, TEMPÊTES ET RENCONTRES INOPINÉES

Le peuple Garinagu (ou Garifuna) existe depuis que deux grands navires négriers européens transportant leur cargaison d’esclaves d’Afrique, sombrèrent au large des côtes de l’île de Saint Vincent dans les Caraïbes en 1635.

De nombreux africains survécurent et furent sauvés d’une mort certaine par les Indiens Caribes (Arawaks), créant ainsi en quelques décennies, la communauté afro-amérindienne garifuna, une langue (mélange de créole, de maya, d’arawak, de yoruba, d’anglais, d’espagnol et de français) et une culture très singulière, fortement dépendante de la musique, de la danse et des récits des conteurs lors d’innombrables veillées et rassemblements.

Férocement indépendante, la communauté garifuna résista fièrement à la colonisation européenne et surtout aux britanniques (en leur infligeant notamment quelques cinglantes défaites, seulement armés d’arcs et de flèches) qui n’urent de cesse de faire disparaître ce peuple rebelle. C’est ainsi qu’ils furent déportés massivement (notamment sur l’île Roatàn, au large du Honduras en 1797) et que des milliers d’entre eux disparurent, emportés par la maladie lors de ces voyages.

Mais en bons piroguiers et habiles navigateurs, ils sont toujours revenus et se dispersèrent sur les côtes du Belize, du Honduras et du Nicaragua, pour devenir dorénavant non plus une nation libre, mais de petites communautés minoritaires. C’est la farouche détermination et le courage de ces survivants, profondément attachés à leurs racines et à leurs traditions, ont permis la sauvegarde et l’épanouissement de l’héritage culturel garifuna.

Mais les migrations économiques, la discrimination ethnique et l’absence totale de la langue des garifuna du système scolaire au Belize mettent en péril sa transmission ainsi que celle des traditions culturelles et de la musique, indissociable de cette identité.

La musique étant un élément fondateur de cette culture, c’est une importante prise de conscience de certains musiciens qui a permis dans les années 80 de re-sensibiliser les plus jeunes générations à cette inestimable réhabilitation.

PRISE DE CONSCIENCE DES ARTISTES ET DES MUSICIENS

Andy Palacio fait figure d’exception au milieu de ces fâcheuses circonstances. Élevé dans le bastion garifuna de Barranco au Belize, Palacio parlait la langue garifuna à la maison et grandit entouré de musique et autres traditions. Il ne réalisa même pas l’étendue de la menace qui pesait sur sa culture avant l’âge de 18 ans, lorsqu’il se rendit au Nicaragua et y rencontra un vieil homme, qui était parmi les derniers de son pays à parler encore cette langue. Ce dernier n’en crut pas ses oreilles lorsqu’il entendit le jeune Palacio le saluer en garifuna. Il s’écria alors : « Tu dis la vérité ? » Andy répondit : « Oui, mon oncle, je suis un garifuna tout comme toi », et l’homme le serra dans ses bras, refusant de le laisser partir. Il ne pouvait s’imaginer que quelqu’un de si jeune puisse s’exprimer dans cette langue ayant si souvent pensé qu’elle disparaîtrait avec lui.

Ces retrouvailles riches en émotion conduirent Palacio à prendre conscience du fait que la disparition de la culture garifuna au Nicaragua présageait tout simplement de ce qui risquait de se produire dans son propre pays, d’ici une à deux générations.

C’est alors que Palacio décida de s’adonner à sa passion pour la musique garifuna, l’utilisant comme vecteur de promotion de la culture, tout en incitant les jeunes à être fiers de leur héritage. Il atteignit une célébrité locale et internationale en tant qu’interprète de punta rock, une musique propice à la danse tout aussi populaire qu’enlevée, basée sur le rythme garifuna du nom de punta, le tout allié à des styles trans-caribéens comme le zouk ou la soca.

ANDY PALACIO & THE GARIFUNA COLECTIVE « Wátina »

Entre alors en scène Ivan Duran, un musicien et producteur bélizien, qui fonda en 1995 le label Stonetree Records, avec pour principale mission d’enregistrer et de promouvoir la richesse des traditions musicales du Belize. Duran finit par convaincre Palacio de la nécessité de se concentrer sur des formes moins commerciales de musique garifuna, tout en explorant plus en profondeur l’esprit et les racines de cette dernière. Duran et Palacio décidèrent alors de créer un ensemble, le Garifuna Collective, composé d’un parterre de stars réunissant toutes les générations, avec certains des meilleurs musiciens garifuna du Guatemala, du Honduras et du Belize.

Les premières séances d’enregistrement se déroulèrent sur une période de 4 mois dans un studio improvisé au cœur d’un petit cabanon au toit de chaume, situé en bord de mer dans le petit village d’Hopkins au Belize. Dans cet environnement informel, les musiciens passèrent de nombreuses heures à jouer ensemble jusque tard dans la nuit, peaufinant les arrangements des chansons qui devaient finalement figurer sur cet album. Ils s’inspirèrent d’une grande variété de styles garifuna, comme la paranda aux accents latinos, ou encore les rythmes sacrés que sont le Dügü (bien que les garifunas soient catholiques ils pratiquent ce rituel animiste dédié aux ancêtres, rituel de guérison et de réconciliation), la punta et le gunjei.

Même si les traditions furent source d’inspiration, les musiciens agrémentèrent le tout d’éléments contemporains, qui permirent de mettre les chansons en adéquation avec leur contexte moderne. Une fois les enregistrements terminés, Ivan Duran travailla d’arrache-pied dans son studio pour confectionner ce qui est sans doute le summum de la production musicale garifuna à ce jour.

Les chansons présentes sur Wátina débordent de messages et de symboles forts, qui rappellent la nécessité pour les garifunas de défendre et de célébrer leur héritage. « La musique garifuna s’est rendue récemment populaire au travers de la punta et de la parranda, des formes musicales tournées vers la danse, idéales pour les carnavals ou les pistes de danse », déclare Palacio. « Mais sur cet album, nous attirons l’attention sur des chansons qui n’ont rien à voir avec cela. Par exemple « Weyu Larigi Weyu », qui signifie « Au jour le jour », utilise des rythmes extraits d’une musique rituelle du nom de dügü, qui fait référence à une cérémonie curative traditionnelle, réunissant les membres d’une même famille à travers toute l’Amérique Centrale. C’est une prière implorant la bénédiction de Dieu pour notre peuple, afin qu’il nous montre la voie et qu’il apporte force et apaisement à un monde affligé ».

« Ámuñegü », qui signifie « En ces temps à venir » en langue garifuna, pose la question suivante : « Qui s’adressera à moi en garifuna en ces temps à venir ? Qui jouera du dügü ? Qui saura interpréter la chanson arumahani en ces temps à venir ? Nous devons préserver la culture garifuna dès aujourd’hui, avant qu’elle ne disparaisse pour nous tous en ces temps à venir ».

Palacio est accompagné par Paul Nabor, une légende garifuna âgée de 75 ans, sur « Ayó Da », une chanson que Nabor a composé il y a 60 ans pour annoncer à la famille d’un de ses amis que leur fils avait disparu lors d’une partie de pêche sur un fleuve. « Toutes les chansons garifuna sont très personnelles en ce sens », déclare le producteur Duran. « Ce sont toutes des histoires vécues. Cette chanson raconte comment il annonça la nouvelle à tout le monde. Il n’en fait pas mention dans la chanson, mais Paul nous a confié qu’il pensait qu’un crocodile avait dévoré son ami. Le titre de cette chanson signifie tout simplement « Au revoir, mon cher ».

Une autre chanson, « Baba », a été composée par un jeune compositeur garifuna qui répond au nom d’Adrian Martinez. « Cette chanson est devenue une sorte d’hymne que l’on interprète dans chaque église garifuna » explique Duran. « Elle parle du destin. Baba a de nombreuses significations différentes : Père, Père dans le sens de Dieu, mais cela peut aussi faire référence à un ancêtre de votre famille, aujourd’hui décédé. Les ancêtres jouent un rôle majeur dans la culture garifuna ».

L’histoire poignante de ce peuple résonne en filigrane tout au long des chansons de « Wátina ». Frappés sur des percussions garifuna reconnaissables entre mille, du nom de primero et de segunda, les rythmes rappellent l’esprit d’une Afrique disparue depuis fort longtemps, où le mystère plane sur leurs véritables origines. Les mélodies sont empreintes d’une mélancolie à vous déchirer le cœur, qui reflète un désir de réponses aux questions énigmatiques concernant aussi bien le passé que l’avenir, mais aussi de joyeux cris de louanges, pleins de reconnaissance envers les traditions euphorisantes, dont ils ont été bénis. Les paroles traitent des défis quotidiens de la vie, de la foi face à l’adversité, et du fait de rallier des cris d’espoir et de solidarité. Il y a également une veine satirique très importante dans ces chansons, qui sert notamment à moquer certains comportements.

Chaque titre présent sur cet album se base sur un rythme garifuna traditionnel et l’intégralité des paroles est en langue garifuna, une langue unique, toutefois menacée, qui trouve ses origines dans la langue Arawak, avec des influences antillaises, françaises et probablement ouest africaines. En 2001, l’UNESCO a déclaré la langue, la musique et la danse garifuna Chefs-d’œuvre de l’Héritage Oral et Intangible de l’Humanité. En tant que représentant du Ministère de la Culture du Belize à l’époque, Andy Palacio a joué un rôle majeur dans le respect de cette proclamation. Il fait aujourd’hui partie des rares musiciens à avoir un pied dans le monde de la diplomatie culturelle et un autre sur les scènes de concert. Son nouvel album est la somme de ses deux passions : la sauvegarde de la culture et une production musicale moderne, ancrée dans les traditions garifuna, celles des seuls noirs du continent américain à ne jamais avoir été esclaves.