Deolinda

Cancão ao lado 
Sortie le 20 avril 2009
Label : World Connection
Deolinda est un projet né en 2006 à Lisbonne. Il nous livrent « Cancão ao lado » (la chanson d’à côté), un premier album irrésistible qui évoque une suite d’histoires et de scénettes de la vie quotidienne à Lisbonne. Sorti fin 2008 au Portugal, cet album est devenu immédiatement un phénomène devenant très rapidement disque de platine.
Joué live lors de flamboyants concerts, "Canção ao lado" très intrigant concept-album draine des audiences de trentenaires, mais aussi des grands-parents, des jeunes enfants... Le secret d’une telle popularité réside dans des prestations exubérantes, parfois comiques, des mélodies douces et entraînantes, des guitares doucement mélancoliques, une musique truffée de références émotionnelles au fado et à d’autres traditions musicales moins proéminentes. Les chansons racontent le personnage de Deolinda - toujours expliquées par Ana Bacalhau ("morue salée" en portugais), la dynamique et charismatique chanteuse qui incarne Deolinda au fil de ses histoires.

Les quatorze chansons de l’album sont construites autour de cette jeune femme lisboète qui vit dans un appartement avec ses chats et son poisson rouge et regarde vivre le monde par sa fenêtre. Deolinda et ces gens qui passent ont été inventés par Pedro da Silva Martins, auteur-compositeur du projet et guitariste, et sont interprétés par Luis José Martins (du conservatoire) à la guitare, ukulélé, petit cavaco portugais, guitarlele et violon alto, et par le contrebassiste Zé Pedro Leitão ("cochon de lait" en portugais), qui apporte tout son background classique et jazz.

Le Deolinda Project a débuté en 2006, inspiré par l’incroyable succès de Mariza, le phénomène qui a situé le Portugal et le fado sur la carte du Monde. Les musiciens avaient auparavant fait partie de diverses aventures musicales au Portugal et Ana était chanteuse de jazz. A l’origine, Pedro da Silva Martins a écrit deux chansons sur le personnage de Deolinda, mais ses amis en ont redemandé, alors il en a composé quatorze autres, pour l’album. Ana se souvient que lors des répétitions pour mettre en place leur musique, "un personnage féminin s’est petit à petit incarné, qui passait des journées entières à écouter les disques que sa grand-mère lui avait laissé et à regarder vivre ses voisins à travers ses rideaux en dentelle. Elle parle des gens qu’elle voit passer dans la rue et y ajoute ses propres pensées. Toninho (dans "Fado Toninho") est l’un de ces types qui marche dans la rue comme s’il la possédait, s’imaginant si chaud. Elle l’apprivoise - par l’amour." Deolinda chante des histoires d’amour entre des femmes fortes et des hommes durs "qui ne les aiment pas mais ne les soumettent pas, mais ce sont eux les perdants."

Désirant voyager avec le moins de bagages possible, le groupe est parti sur les routes avec une structure réduite à deux guitares, une contrebasse et une voix, propageant le mythe de Deolinda par le bouche à oreille. En 2007, ils ont enregistré les chansons, très étonnés de ce succès grandissant.

Le titre de l’album, "Canção ao lado" fait référence à ses diverses influences musicales, le fado bien sûr, son cousin proche le morna (du Cap Vert) et la musique brésilienne. Un peu plus sombre et introspective que les autres, la chanson douce "Não sei falar de amor " (je ne sais pas parler d’amour) est en connexion directe avec le Brésil, "un rappel que nous ne pouvons pas oublier Elis Regina et Chico Buarque, etc... " précise Ana.

"Clandestino " recrée l’atmosphère du Portugal d’avant la Révolution, du temps du dictateur Salazar. "Elle parle d’un couple ; la femme a été harcelée par la police et ne sait pas si son amoureux va rentrer cette nuit-là. Il revient, en apportant un cadeau pour elle et leur bébé, mais la police arrive et elle se met à chanter, "je l’ai embrassé et l’ai pris dans des mes bras…". Nous laissons la chanson inachevée car elle fait facilement le lien avec le thème universel de l’amour interdit, explique Ana.

Le fado traverse tout leur album, bien que Deolinda ne soit pas un groupe de fado en soi. Les textes y sont moins doux, bien qu’agrémentés d’harmonies de guitare gentiment lyriques, et surtout, il manque à la plupart des chansons cette atmosphère blues et introspective du fado, au contraire d’une Mariza par exemple. D’ailleurs, Ana évite ces grands châles noirs devenus la marque de fabrique de cette dernière, le symbole dans le fado de ces femmes au destin tragique. A la place, elle préfère des tenues aux motifs éclatants, inspirées des traditions rurales du Portugal (dont Madère et l’Extramadure), autant de couleurs en écho à la musique, dont l’éventail des influences va de la musique traditionnelle à la pop.

De vibrantes peintures-caricatures de João Fazenda donnent vie aux histoires de Deolinda sur la pochette du disque. Une vue de groupe réunit tous les musiciens et leurs icônes, dont Madredeus et Amália Rodrigues, ainsi que les personnages des chansons, le fou aux cheveux gris qui chante "Lisboa não é a cidade perfeito" (Lisbonne n’est pas une ville parfaite), St Antoine le Saint Patron de Lisbonne, le joueur de tuba du désinvolte "Fon-Fon-Fon " et la Brésilienne blonde de "Garçonete da casa de fado ", qui travaille dans un club de fado, mais se rebelle contre sa tristesse en le chantant à sa manière optimiste. "

Les chansons de fado viennent du fond du cœur et sont inévitablement liées à la "Saudade ", le concept à la base de la nostalgie qui irrigue le fado. La chanson "Le mau d’é de não de fado d’O" (le fado n’est pas mauvais) est une vitrine bluesy sur mesure pour la voix d’Ana - qui y chante son rapport à l’envahissante mélancolie du fado et son ambivalence. Elle jure ne jamais le chanter parce qu’il altère l’âme avec des démons ", mais concède, "sans fado et sans amour, que reste-t-il ? "

D’autres chansons sont l’occasion de commentaires sur la culture et le style de vie portugais, dont l’ironico-comique "Movimento perpétuo associativo", une pique sur l’identité nationale portugaise. Un fan a même récemment mis en ligne une pétition pour faire de la chanson le nouvel hymne national du Portugal. Ana explique : "Nous voulons changer des choses et faire la révolution mais quand il s’agit de passer à l’acte, nous inventons des excuses et rien ne se passe."