Richard Galliano

New Jazz Musette
Sortie le 17 février 2017
Label : Ponderosa
« Je ne suis pas à l’âge des bilans, mais… »
Mais ça fait trente ans ! Trente ans et même plus, depuis que Richard Galliano a provoqué un choc en osant rendre jeunesse, audace et élégance à l’accordéon et au musette avec Spleen. Cet album fondateur marquait les débuts du New Musette Quartet, et il s’en est suivi trente ans d’aventures aux formes et contenus extrêmement variés.

Pas de bilan, donc. « Mais je pense que j’ai réussi mon coup », admet Richard Galliano. Il est devenu une référence de l’accordéon, à la fois comme musicien du jazz et comme aventurier de plusieurs esthétiques, de la chanson à la musique classique, de la musique brésilienne au tango. D’ailleurs, l’impulsion libératrice était venue d’Astor Piazzolla. Le maître argentin avait dit à son cadet français : « Vas-y ! Fais avec le musette ce que j’ai fait avec le tango. »
« Je ne suis pas à l’âge des bilans, mais… »

Mais ça fait trente ans ! Trente ans et même plus, depuis que Richard Galliano a provoqué un choc en osant rendre jeunesse, audace et élégance à l’accordéon et au musette avec Spleen. Cet album fondateur marquait les débuts du New Musette Quartet, et il s’en est suivi trente ans d’aventures aux formes et contenus extrêmement variés.

Pas de bilan, donc. « Mais je pense que j’ai réussi mon coup », admet Richard Galliano. Il est devenu une référence de l’accordéon, à la fois comme musicien du jazz et comme aventurier de plusieurs esthétiques, de la chanson à la musique classique, de la musique brésilienne au tango. D’ailleurs, l’impulsion libératrice était venue d’Astor Piazzolla. Le maître argentin avait dit à son cadet français : « Vas-y ! Fais avec le musette ce que j’ai fait avec le tango. »

À l’époque, l’accordéoniste est agacé par l’image vieillotte et rassie de son instrument. Richard Galliano en joue depuis l’enfance, a emporté une myriade de prix prestigieux, sué sang et eau sur des partitions de haut vol et il entend toujours qualifier l’accordéon d’instrument ringard et sommaire. Dans ces années 80 où les poses modernistes se doublent encore de beaucoup de mépris, afficher le nom du musette est d’une audace rare. Mais Galliano a la conviction que l’accordéon a pleinement sa place dans le paysage des musiques de son temps et il construit son premier quartet : « Le quartet avec guitare, contrebasse et batterie était la formation type du jazz musette avec Gus Viseur ou Tony Murena. A l’époque, il s’agissait plutôt de guitare acoustique dans le style de Django Reinhardt. Je suis parti de cette formation en l’élargissant à la guitare électrique. »

Pour New Jazz Musette, quelques décennies plus tard, la formation est la même, avec un casting renouvelé : Sylvain Luc à la guitare, Philippe Aerts à la contrebasse, André Ceccarelli à la batterie – aristocrates de la mélodie, de la limpidité, de la précision.

L’album traverse tout le répertoire de Richard Galliano, avec les titres décisifs de son quartet New Musette mais aussi des thèmes composés dans d’autres contextes, comme pour Claude Nougaro ou pour sa rencontre avec Gonzalo Rubalcaba et Charlie Haden. La seule composition inédite de l’album est Nice Blues, à la fois « joli blues » et « blues pour Nice », dédiée après l’attentat du 14 juillet 2016 à la ville qui lui est si chère.

New Jazz Musette est enregistré en trois jours – six titres par séance, un rythme soutenu qui préserve la spontanéité et l’élan. Galliano a choisi un accordéon au son plus doux et moins typé que sur l’album New Musette, historique manifeste paru en 1991. Après ses explorations à succès de Bach, Mozart et Vivaldi chez Deutsche Grammophon, il voulait un accordéon qui ne charrie ni la géographie, ni l’histoire de l’instrument. « Je préférais un accordéon qui n’ait pas l’accent de Paris », avoue-t-il, de même qu’il s’est un peu éloigné du « vieux registre qu’on a longtemps demandé dans les studios. Je ne me l’interdis pas sur scène et j’y reviendrai peut-être. Après tout, c’est le son que l’on entend derrière Piaf ou Brel. »

S’il a beaucoup écouté de grands aînés alors à leur apogée comme Joss Baselli et Marcel Azzola, l’accordéon de Richard Galliano s’est énormément nourri des musiciens vénérés dans son adolescence – Herbie Hancock, Bill Evans, Chick Corea, John Coltrane… « Ils sont plus présents qu’Emile Vacher, par exemple, quand je compose une valse. »

Sans doute est-ce aussi pour cela que Richard Galliano a « réussi son coup » : en une trentaine d’années, l’accordéon a changé d’image, les vieux préjugés se sont évanouis. Son rêve d’adolescent s’est accompli, d’album en album, de collaboration en collaboration. Certes, il n’est pas l’heure des bilans mais le musicien constate que « c’est peut-être la fin d’un cycle ».

Autrement dit, un âge adulte du new musette, qui n’a plus à prouver ni ses fidélités, ni ses ruptures, qui n’a pas plus à convaincre les censeurs et les arbitres des élégances, qui n’a plus à affronter les méfiances des conservateurs ou des rebelles diplômés. La réussite éclatante et sereine d’un musicien qui a affronté l’histoire de son instrument et en a triomphé.

La musique est le seul domaine culturel où les révolutions construisent plus qu’elles ne détruisent, où les révolutions édifient des formes qui, à leur tour, fondent des univers. Richard Galliano est un de ses révolutionnaires. Aujourd’hui, son new musette entre peut-être dans le classicisme, comme le point de départ de révolutions futures.

Et cet album peut être pris comme le passage de relais vers un accordéon à venir. En attendant qu’une autre génération se lève, on se délecte de l’œuvre d’un grand maître.