Manuel Rocheman

Tribute to Bill Evans
Sortie le 18 oct 2010
Label : Naïve Jazz
« Chanter au piano, pas seulement jouer des notes mais construire de belles mélodies, Bill Evans le plus européen des pianistes de jazz a superbement réuni Scriabine, Chopin, Ravel, Satie et le jazz, soit les musiques européenne et afro-américaine. Il incarne une forme de romantisme en jazz mais couplée avec la nervosité et la richesse du bop. Ses phrases sont toujours subtiles, élégantes et toujours chantantes, produites grâce à une expressivité maximale, sans jamais d’effets. Bill Evans m’a beaucoup inspiré et je tiens ici à lui rendre hommage ».
Manuel Rocheman

Manuel Rocheman piano
Mathias Allamane bass
Matthieu Chazarenc drums

01 M.A.S.H. 6’31
02 Send in the clowns 5’25
03 We will meet again 5’28
04 Da niel’s waltz 5’13
05 For Sandra 4’22
06 Only Child 3’50
07 Rhythm Changes 3’07
08 The touch of your lips 4’55
09 La valse des chipirons 3’32
10 Liebesleid 3’00
Manuel, parle-nous de ton nouveau projet…

Manuel Rocheman

La musique de Bill Evans m’a toujours accompagné et inspiré, j’ai voulu ici rendre hommage à ce fabuleux musicien en apportant ma touche personnelle. C’est un projet longuement mûri, et je lui rends aujourd’hui cet hommage avec sérénité.

Un projet sur Bill Evans en tant que pianiste, n’est-ce pas un peu risqué ?

M.R. J’adore le risque… et les projets audacieux : Bill Evans possède son propre univers, il a été excessivement copié car son esthétique est très

séduisante et très profonde à la fois. Je lui rends hommage non pas en cherchant à l’imiter, ce qui serait sans intérêt, mais en restituant toute la musique qu’il a fait naître en moi depuis longtemps et qui a maintenant mûrie. Ce n’est pas un album « à la manière de ».

Quel répertoire y figure ?

M.R. Le fabuleux thème de « m.a.s.h. », qu’il a immortalisé, et « we will meet again », qui figurent tous deux sur l’album You must believe in spring. « Only child », « The touch of your lips » qu’il aimait beaucoup jouer. « Send in the clowns », puis des compositions personnelles qui sont le reflet de mon univers musical dans lequel Bill Evans a une place parmi d’autres influences musicales.

Comment conçois-tu la formule du trio et comment as-tu choisi tes partenaires musicaux ?

M.R. Le trio, pour moi, permet de décupler mes idées musicales, c’est

comme un écrin, un des grands trios de piano de référence est sans aucun

doute celui de Bill Evans, le piano est totalement mis en valeur, et donc la

musique aussi. L’interaction est le réacteur central qui permet de fondre

la musique en une unité indivisible et d’irradier sans pour autant mettre en

danger la santé d’autrui ! J’ai été séduit par la plénitude et la finesse du jeu

de Matthieu Chazarenc, toujours très inventif. Mathias Allamane tient au sein du trio un rôle qu’on pourrait qualifier d’accompagnateur, sans aucun côté péjoratif, au contraire, car c’est la grande classe, doublée d’élégance.

Quand et comment as-tu découvert le piano, puis choisi d’apprendre cet

instrument ?


M.R. J’ai commencé le piano classique à l’âge de six ans, je n’étais pas très

attiré par le classique, je jouais plutôt des boogie-woogie et autres thèmes de jazz que m’avait appris ma baby-sitter qui était une noire américaine qui chantait le blues et du gospel, et connaissait bon nombre de standards de jazz. Elle était une amie de « Philly Joe » Jones. Puis un peu plus tard lorsque j’ai écouté Oscar Peterson, j’ai immédiatement été séduit par la grande liberté d’expression, de swing par son jeu harmonique et technique très développé et son toucher qui n’a rien à envier à un pianiste classique.

Tu as été élève de Martial Solal, Quel souvenir particulier gardes-tu de vos cours, de ce qu’il t’a apporté ?

M.R. J’ai travaillé avec Martial Solal à l’âge de quinze ans pendant un an et

demi à raison d’un cours par mois. C’est par l’intermédiaire de Bob Vatel que je l’ai rencontré. Il ne donnait pas de cours particuliers, mais j’ai eu la grande chance qu’il accepte de s’occuper de moi. Il ne

s’est jamais mis au piano en me disant « joue comme-ci ou comme ça », mais au contraire, il m’a incité à improviser le plus possible en cherchant de nouvelles idées et en les notant lorsqu’elles en valaient la peine. J’ai pu, grâce à lui, me forger un vocabulaire, chose qui me manquait à l’époque. Il m’a appris à utiliser un domaine harmonique plus large que celui habituellement employé dans le jazz. À cette époque, Martial Solal composait son répertoire pour big-band, je me souviens des premiers concerts. J’étais fasciné : la richesse de l’écriture et de l’invention étaient à l’image de son jeu de piano.

Tu as joué et /ou enregistré avec Anthony Ortega, Dusko Goykovich, Al Foster, Rick Margitza, Scott Colley, Antonio Sanchez, Olivier Ker Ourio, Sara Lazarus, Sylvain Beuf, Laurent Naouri, Patrice Caratini, André Ceccarelli, Aldo Romano, Chuck Israels, Eddie Gomez, George Mraz et Kyle Eastwood : qu’est-ce que ces différentes expériences t’ont

apporté sur le plan musical ?


M.R. La musique, et particulièrement le jazz, se nourrit de rencontres. Chaque musicien a quelque chose en lui que n’a pas l’autre, et vice-versa. La rencontre permet d’échanger, ce qui nourrit l’improvisation. Tout cela ne peut se faire sans l’écoute et le respect du ou des partenaires musicaux du moment. On grandit toujours de la rencontre.

Préfères-tu jouer en solo ou en formation, que t’apporte chacune de ces formules ?

M.R. J’aime tout à partir du moment où il y a de la musique. Le solo est très rigoureux et relève presque du « challenge » car tenir un public en haleine

pendant une heure et quart, seul sur scène avec son piano et sa musique,

n’est pas une mince affaire, il faut être un minimum « habité ». En petite formation ou grand ensemble, le problème se pose un peu moins dans la mesure où toute l’attention n’est pas centrée sur une seule et même personne.

Tu joues des standards. Considères tu qu’ils soient indispensables ?

M.R. Les standards sont un matériau de base inusable, ils permettent de

mettre tout le monde d’accord sur le développement d’une improvisation dans la pure tradition du « thème et variations ». Ils sont bien évidemment indispensables lors de l’apprentissage de l’improvisation. Quant à en jouer sur scène, c’est l’affaire de chacun. Personnellement, en tant qu’auditeur, j’apprécie un musicien qui s’exprime au travers d’un standard. Mon projet en hommage à Bill Evans perdrait de son sens sans la présence des quelques standards qu’il aimait particulièrement jouer.

BIOGRAPHIE

Manuel vient d’une famille de musiciens. Du côté maternel, sa grand-mère est professeur de piano, son grand-père flûtiste, sa mère, Danièle Alpers, violiste, sa tante violoniste. Son père, Lionel Rocheman (guitariste et comédien), crée le "Hootenanny" au Centre Américain à Paris, où viendront se produire des artistes du monde entier.

Lorsqu’à l’âge de dix ans, il reçoit en cadeau de son frère un beau disque d’Oscar Peterson en solo (il s’agissait de "Tracks"), Manuel a déjà derrière lui quatre années de pratique du piano. C’est un grand sentiment de liberté qu’il découvre à l’écoute du virtuose canadien, et le désir de suivre sa voie. Il est totalement séduit par l’harmonie et le rythme du langage du Jazz.

Le pianiste Bob Vatel l’invite à venir faire "le boeuf" dans des clubs de Jazz à Paris dès l’âge de douze ans. Manuel doit s’armer techniquement, il le fait en rencontrant, au C.N.R de Paris, Alberto Neuman, l’un des rares disciples d’Arturo Benedetti Michelangeli. Il développera considérablement à ses côtés sa technique pianistique. Il suit aussi les cours d’écriture et de percussion au Conservatoire. Parallèlement il travaille avec les pianistes de Jazz Nicolas Montier, Gabriel Garvanoff et Michel Sardaby.

En 1980, à l’occasion d’un séjour à New-York, il rencontre Tommy Flanagan et Jaki Byard qui l’encouragent fortement. Il restera en contact étroit avec eux jusqu’à leur disparition.

Cette même année il est présenté à Martial Solal par Bob Vatel et la chance voudra que Martial accepte de s’occuper de Manuel, qui deviendra son unique élève.

Dès 1983, il se produit professionnellement à Paris en Trio, en 1984 il joue à deux pianos avec Martial Solal au Festival de Jazz de Paris, et dès lors les engagements vont se succéder.

Très vite, les professionnels reconnaissent son immense talent : meilleur pianiste français au concours international de Piano Jazz Martial Solal en 1989.

En 91, Prix du meilleur disque décerné par l’académie du jazz pour son premier CD Trio Urbain.

En 92, Django d’Or du meilleur disque français pour son deuxième CD White Keys.

En 1998, il reçoit le Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz qui récompense le meilleur musicien de l’année.

Séduite par sa personnalité et son talent, la Fondation BNP Paribas, l’un des rares mécènes présent sur la scène du jazz, a accompagné le développement de sa carrière de 1995 à 2002.

Que ce soit en trio, en duo avec Olivier Ker Ourio ou Sara Lazarus, ou en solo, Manuel s’impose comme un des grands pianistes de notre époque. Des artistes de tous horizons font appel à lui, de Anthony Ortega à Sylvain Beuf, aux batteurs Al Foster et Aldo Romano, les contrebassistes George Mraz et Kyle Eastwood, l’Orchestre National de Jazz lui commande une oeuvre : " San Felipe " est créé pour l’ONJ et l’Orchestre Philharmonique de Montpellier. Depuis 2004, Manuel est membre de l’International Jazz Orchestra, dirigé par Dusko Goykovich.

Manuel a manifesté son talent de compositeur au fil de ses albums, notamment ceux enregistrés à New-York en compagnie de deux géants, le contrebassiste George Mraz et le batteur Al Foster, ainsi que Scott Colley et Antonio Sanchez pour son tout dernier album "Cactus Dance".