Souad Massi

Oumniya
Sortie le 11 octobre 2019
Label : Naïve
Oumniya (mon souhait) signe le grand retour de Souad Massi, l’icône chaâbi-folk algéroise. Un sixième album qui résonne résolument moderne et dont les thèmes sont ancrés dans l’actualité. L’Algérie, la politique, l’amour, la liberté ou l’émancipation sont autant de sujets qui nourrissent une artiste à la sensibilité à fleur de peau.

LINE UP

Souad Massi : chant, guitare
Rabah Khalfa : derbouka
Mehdi Dalil : mandol, guitare
Mokrane Aldani : violon alto
Adriano Tenorio : percussions
Oumniya (mon souhait) signe le grand retour de Souad Massi, l’icône chaâbi-folk algéroise. Un sixième album qui résonne résolument moderne et dont les thèmes sont ancrés dans l’actualité. L’Algérie, la politique, l’amour, la liberté ou l’émancipation sont autant de sujets qui nourrissent une artiste à la sensibilité à fleur de peau.

Il est peu aisé de définir la musique folk. L’Américain Woodie Guthrie la codifia vers 1940, voix, guitare, racines populaires et esprit contestataire. Son cadet, Pete Seeger s’arma d’un banjo, Bob Dylan d’un harmonica, et avec le chant de Joan Baez, ils menèrent la révolte de la jeunesse contre la guerre au Viêt Nam et pour les Droits civiques dans les années 1960.

Alors oui, en ce sens, Souad Massi est folk, mais avec mandole, l’instrument roi du châabi et de la chanson kabyle. Un folk léger, mélodique, un équilibre presque pop, dont témoigne Oumniya, sixième album de Souad Massi depuis Raoui (2001).

Il y a toujours eu chez Souad Massi une passion du mélange : baignée par la chanson populaire algéroise (le châabi), la poésie d’Aït Menguelet, chantre de la Kabylie résistante, l’Algéroise place de-ci de-là un trait de reggae, ou encore un grain de fado, par exemple dans Oumniya, ou la douleur de la trahison, qui ouvre cet album bâti en treize chansons, la plupart interprétées en dialecte algérois et imaginées par Souad Massi. Ainsi l’Algéroise a-t-elle ajouté à ce folk du Nord de l’Afrique, un violon arabo-andalou (Mokrane Adlani), renforcé la guitare folk par un mandole (Mehdi Dalil), et la derbouka (Rabah Kalfa) par des percussions latines (Adriano Tenorio).

Chansons d’amour ou chansons politiques, Souad Massi est au plus près de l’humain. Depuis le début de l’année 2019, l’Algérie est parcourue d’un formidable mouvement protestataire. La rue, « des jeunes, des grands-mères, des anonymes, formidablement courageux », s’est mobilisée contre un cinquième mandat du président Bouteflika et contre la corruption.

Voici Fi Bali, tout en métaphores « pour décrire un ex-président déconfit, une oligarchie qui dirige le pays dans l’ombre, un pays qui ressemble à un bateau qui va couler, parce que depuis l’indépendance en 1962, aucun dirigeant n’a voulu préserver les trésors de l’Algérie, ses forces, son passé, ses montagnes, ses forêts, son désert, ses cultures multiples. Depuis cinquante-sept ans, rien n’a été construit. C’est comme si l’histoire du pays avait commencé à l’indépendance, ce qui est évidemment faux ».

Née en 1972 sur les coteaux d’Alger, à Bab-el-Oued, Souad Massi a eu vingt ans au cœur des « années noires » de l’Algérie en proie à la double pression des islamistes, qui ont pris le maquis, et des militaires, qui ont pris le pouvoir. Mais Souad Massi a eu cette chance, celle d’être combattive, d’apprendre la guitare, le répertoire arabo-andalou et la musique classique occidentale à l’Association de l’Ecole des Beaux-Arts. Elle a eu la chance d’avoir un père cadre à la Compagnie des eaux, une mère qui la convainc de faire des études d’urbanisme (institut de travaux publics à Kouba, Alger), un frère, Hassan, compositeur, et un copain qui collectionne les disques country des années 1940.

Mais la jeune Souad, « kabyle comme de nombreuses Algériennes et de nombreux Algériens, doit se frayer un chemin artistique entre le raï alors tout puissant, la chanson kabyle et la pop moyen orientale. Elle opte pour cette « Alger, ville ouverte », longtemps célébrée. Elle passe par la case flamenca avec le groupe Triana d’Alger originaire de Séville, ancienne capitale d’Al Andalus, puis par la case heavy metal avec Atakor, tout en écoutant Emmylou Harris, folkeuse pop. Venue à Paris en 1999 pour chanter au Cabaret Sauvage, sa première cassette sous le bras, Souad Massi est repérée par le label Island-Mercury. Et la voici intégrée dans la prolifique troupe des joueurs de musiques du monde, un secteur alors en plein essor.

Exilée, Souad Massi ne l’est pas. Tout au plus éloignée volontaire. Elle a bien sûr écrit sur l’exil, sur les souvenirs envahissants de la terre natale – c’est avec Mesk Elil (l’odeur du chèvrefeuille) qu’elle remporte une Victoire de la Musique en 2006. Elle aurait pu en rester là mais Souad Massi est une femme qui avance.

L’art de Souad Massi passe aussi par la langue française, et Oumniya propose deux titres francophones. « Dans un avion au retour d’Espagne, mon ingénieur du son, Yann Lemêtre, m’avait fait écouter une chanson, Pays Natal, et j’avais eu la chair de poule, le texte est magnifique ». « Pour sentir l’odeur du pain au sésame ou au cumin, fallait faire la queue longtemps dans ce pays… » : ce sont les mots de Françoise Mallet-Joris sur une musique de Marie-Paule Belle « que je ne connaissais pas alors ». Pour compléter la section française, Magyd Cherfi, le Toulousain engagé a donné Je chante à Souad Massi.

En 2015, l’album El Mutakallimûn (Les Orateurs) s’inscrivait en faux contre l’obscurantisme et le déni, en mettant en musique de grands poètes arabes, du Libanais Elia Abu Madi (XIXè siècle) à l’Irakien El Moutanabi (Xè siècle). « J’avais été surprise de voir que de nombreux spectateurs, lettrés, souvent Occidentaux, connaissaient bien la poésie arabe et l’aimaient ». En bonus du nouvel album, voici ajmalou hob, (Mon plus bel amour « Je t’aime comme la plante qui sort de la roche »), mise en musique d’un texte du poète palestinien Mahmoud Darwich. Et puis, Salam, écrit en dialecte égyptien par le song writer Nader Abdallah, rencontré au Caire, sur une musique de Khaled Eize.

Depuis We Shall Overcome et Woodstock, le centre de la lutte s’est déplacé. Le respect des droits des femmes est désormais au coeur de la dynamique de changement et des droits de l’Homme. « Oui, dit Souad Massi, j’appartiens à une culture où les femmes doivent se faire respecter.

Mais partout, elles doivent se battre pour exister et prendre le droit à la parole ». Le nouvel opus de Souad Massi s’insurge contre des pratiques honteuses, comme le mariage forcé de petites filles qu’on empêche ainsi de s’instruire (Je veux apprendre). Mais il appelle aussi à l’extrême honnêteté de l’introspection (Wakfa, l’épreuve du miroir) et à la définition des choix intimes (Yadra, l’envie d’évasion). Le tout d’une voix empreinte de chaleur humaine, valeur fondamentale.

DISCOGRAPHIE

 2001 - RAOUI
 2003 - DEB
 2005 - MESK ELIL
 2010 - Ô HOURIA
 2015 - EL MUTAKALLILMÛN
 2019 - OUMNIYA

LINE UP

 Souad Massi : chant, guitare
 Rabah Khalfa : derbouka
 Mehdi Dalil : mandol, guitare
 Mokrane Aldani : violon alto
 Adriano Tenorio : percussions