Smadj

Spleen
Sortie le 2 juin 2015
Label : Jazz Village
Smadj le chaman du oud utilise acoustique, électricité et machines pour sculpter avec ses acolytes un album de blues mutant aux par- fums d’éternité. Un superbe puzzle musical dont l’effet séducteur vient de l’affectueuse complicité entre tradition(s) et modernité.
Né en Tunisie, Jean-Pierre Smadja alias Smadj a grandi en écoutant de la musique orientale, du funk et de la soul, de la musique brésilienne et des musiques folkloriques. Après un premier album sorti en 1994, Tatoom, ce n’est pourtant qu’en 2000 qu’il est reconnu sur la scène internationale avec Equilibriste, un disque qui fusionne déjà l’acoustique avec l’électronique et qui lui vaut la quatrième position au classement des "European World Music Charts".

En 2002 Smadj s’associe à Mehdi Haddab pour fonder le duo DuOud qui transporte ce vieil instrument qu’est le luth arabe dans le vingt-et-unième siècle. Leur premier album Wild Serenade se distingue dans toutes les nouvelles musiques de l’époque et il en résulte deux ans d’une tournée mondiale et une large reconnaissance, symbolisée notamment par un prix dans la catégorie "meilleur album" des presti- gieux BBC World Music Awards.

En 2003, Smadj trouve néanmoins le temps de rejoindre le maître percussionniste et chanteur turc Burhan Öçal pour le projet Burhan Öçal & The Trakya All Stars. Installé à Istanbul, la ville où l’Ouest rencontre l’Est qui devient l’un de ses ports d’attache réguliers, il joue et compose beaucoup au fil de ses séjours et de ses rencontres, tout en menant un travail de réalisateur artistique, notamment avec le pianiste Laurent de Wilde dont il produit à Paris l’album Stories pour Warner Jazz. D’autres réalisations jalonneront sa carrière (avec les chanteuses turques Aysu et Kivilcim, les percussionnistes Artkonik et Burhan Öçal pour deux autres albums et d’autres à venir comme Bilek...). Et les connaisseurs savent que Smadj mène aussi une carrière parallèle de remixeur, de Rokia Traoré au Kocani Orkestar en passant par Les Yeux Noirs.

L’année suivante Smadj publie Take It and Drive sur le label anglais Most Records, s’inscrivant ainsi dans une esthétique électronique plus « lounge » ; il y fait intervenir Talvin Singh, Amit Chatterjee, Rokia Traoré, Mehdi Haddab et Dom Farkas. En 2005 il poursuit son travail avec Mehdi Haddab avec la sortie d’un nouvel album de DuOud, Sakat, enregistré au Yemen avec des musiciens traditionnels de la région - lors d’une résidence le duo s’était arrêté à Sanaa, fasciné par les poésies chantées et la singulière manière de jouer du oud des Yéménites. C’est aussi cette année que sort le disque Smadj Presents S.O.S., un travail en trio réalisé avec Orhan Osman au bouzouki et le clarinettiste Savas Zurnaci, deux virtuoses turcs qui mélangent leurs visions musicales à la sienne.

2009 est une année fertile puisque Ping Kong, le troisième (et dernier) album de DuOud, voit le jour sort chez World Village, et que le musicien concrétise l’un de ses rêves, la réalisation d’un disque de chansons d’amour instrumentales dédiées à sa compagne, gravé en compagnie d’Erik Truffaz et Talvin Singh.

Depuis, Smadj a travaillé sur les musiques traditionnelles et sacrées alévies en compagnie de son ami le joueur de saz Cem Yildiz (un album est sorti en Turquie en mars 2010 et un peu plus tard en France). Il a aussi composé et dirigé le programme Le oud selon Smadj, donné à la basilique de Saint-Denis en juin 2010 avec la participation de Natacha Atlas, Ibrahim Maalouf, Mehdi Haddab et Alok Verma, sans oublier un ensemble de cordes. Parmi d’autres projets récents, citons sa série de créations au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles où il a été artiste résident (Maqâm Project, Sringz quintet, Duo avec Ballaké Sissoko, Smadj and friends...), et enfin cet album Fuck the DJ dédié de manière décalée et très imaginative à la dance culture, publié en 2012.

Dans Spleen, ce nouveau disque qui marque son retour au centre des métissages modernes, Smadj plus que jamais chaman du oud utilise acoustique, électricité et machines pour sculpter un superbe puzzle musical. Propulsé par ces trois ingrédients complémentaires, son effet séducteur provient directement de l’affectueuse complicité que son auteur réussit à installer entre la tradition et la modernité – ces deux termes pouvant être facilement employés au pluriel car toutes deux sont multiples.

Pour incarner ces visions chatoyantes qui scintillent tels les lumières du crépuscule méditerranéen qui orne la pochette de l’album (les photos de l‘album sont aussi signées Smadj, comme autant de vignettes qui accompagnent ses partitions), quelques complices ont répondu présent, tels les deux chanteurs Arash Sarkechik et Sofiane Saidi, le trompettiste Ibrahim Maalouf, le pianiste Bojan Z, le joueur de kora Ballaké Sissoko, ou encore le spécialiste du bandonéon William Sabatier. Autour de Smadj, tous participent à la confection de cette mosaïque sonore, de ce puzzle musical Orient / Occident dont les ramifications vont jusqu’à l’Afrique et aux Balkans, et que le musicien producteur a enregistré comme un carnet de voyages de 2010 à 2015 en France, en Turquie et en Belgique, avant de peaufiner et de mixer l’ensemble avec le fidèle Philippe Teissier du Cros, lui-même compagnon de tant d’aventures sonores « différentes », dans son atelier studio parisien. L’auditeur peut savourer le résultat de ce travail au long cours : un album de blues mutant aux parfums d’éternité.

« Je me suis passionné à travailler sur ces thèmes chers à mon cœur : la nostalgie, l’exil, la mélancolie, le blues, bref... le spleen. Mon instrument, le oud, dont j’ai choisi d’explorer encore davantage ici la version électrique, est propice à ces introspections sentimentales et là encore plus qu’ailleurs, cet album retrace une part de vie avec son lot d’histoires projetées. La saudade, le fado, tous les blues - celui du désert comme le blues américain -, le tango, le flamenco, la musique classique arabe... Autant de variantes stylistiques qui abordent ces sujets de prédilection que les musiciens, comme les poètes, ont toujours exprimé en laissant des traces, des pièces et des chansons éternelles... » SMADJ