Ibrahim Maalouf – Wind

Wind
Sortie le 6 Novembre 2012
Label : Mister Productions
Quatrième album d’Ibrahim Maalouf, Wind marque un tournant artistique pour le trompettiste. Auréolé du succès incontestable de sa trilogie entamée en 2007 avec Diasporas, Ibrahim change de braquet et nous offre une véritable bande originale d’émotions.

ARTISTE DE L’ANNEE / VICTOIRES DU JAZZ 2013
Quatrième album d’Ibrahim Maalouf, WIND marque un tournant artistique pour le trompettiste. Auréolé du succès incontestable de sa trilogie entamée en 2007, Ibrahim change de braquet et nous offre une véritable bande originale d’émotions.

Diagnostic était le 3ème volet d’un triptyque musical que le trompettiste Ibrahim Maalouf a entamé en 2007 avec Diasporas, son premier album, et enrichi avec Diachronism deux ans plus tard. Mieux qu’une continuation, ce disque était l’aboutissement d’un travail de recherche sur le jeu des harmonies, la dynamique des tonalités, leur acclimatation aux rythmes, les connivences insoupçonnables entre différents styles musicaux. C’était également une démarche personnelle, profonde, un véritable travail sur soi.

WIND, quant à lui est une démarche plus collective, organisée autour d’une nouvelle équipe de musiciens composée de Larry Grenadier (basse), Clarence Penn (batterie), Mark Turner (saxophone), Frank Woeste (piano).

En 2010, lorsque la Cinémathèque Française m’a proposé, avec le soutien du Fonds d’Action Sacem, de choisir un film parmi les quelques films muets du catalogue Albatros sélectionnés pour être réédités, je n’imaginais pas encore que cette expérience allait concrétiser plus que jamais deux rêves que j’avais depuis si longtemps.

Le premier était de composer une musique de long métrage. Quoi de mieux qu’un film muet pour ma toute première commande de musique de film ! Plusieurs longues minutes de silence à combler selon mon envie. Pas d’interdits, pas de règles. Juste une certaine cohérence artistique à trouver.

Le deuxième était d’écrire une musique qui pourrait profondément s’inspirer de celle de Miles Davis dans « Ascenseur pour l’Echafaud » réalisé par Louis Malle, mais avec cette trompette à quarts de tons.

La musique de ce film a longtemps hanté mes jours et mes nuits. Elle est l’une des rares musiques qui m’a fait aimer l’instrument que je joue. J’avais envie de reproduire cette atmosphère mystérieusement mélancolique et emplie de suspense en y apportant une couleur arabe forte mais discrète, mélangée au typique quintette de jazz exploité de nombreuses années par le mythique quintette de Miles.

Ce projet a donc réuni ces envies et c’est avec grand plaisir que j’ai choisi, dans la sélection proposée, « La Proie du Vent » réalisé par René Clair, dans lequel plusieurs thèmes semblaient correspondre aux atmosphères que je souhaitais développer pour l’image.

Le souffle avant tout. Le vent. Le voyage. La mélancolie de l’éloignement. Le déchirement entre le pays d’où le héros est visiblement originaire et le pays imaginaire appelé ironiquement « Libanie », où le héros du film, pilote d’aviation, atterri, après un périple dangereux de plusieurs heures, secoué violemment par le vent. Mais aussi la schizophrénie de la femme dont il tombe amoureux, l’ambiance mystérieuse de certaines scènes troublantes, l’humour de certaines autres, autant d’éléments de ce film qui allaient m’aider à trouver toutes les émotions que je souhaitais explorer avec ce quintette.

Le doute, la suspicion, l’attente, l’interrogation, l’attente encore, l’excitation, la certitude, la sensualité, les complications, les surprises, et le doute à nouveau ainsi que le mystère, sont les titres des morceaux de cet album, mais aussi les émotions que j’ai ressenties dans cet ordre en découvrant le film la première fois. Ce sont aussi les sentiments que j’éprouve dans ce même ordre lorsque je suis dans un processus de composition.

Au tout début, le doute face à l’infini de la création artistique. Puis vient la suspicion et la peur légitime d’être dans l’imitation, la répétition ou le non sens. L’attente qui est nécessaire pour mûrir un thème, une harmonie ou un rythme. Et viennent alors les questions et les réponses à ces questions qui parfois, tranchent dans le sens d’une idée, d’autres fois, dans le sens inverse. L’attente à nouveau. Le charme et la sensualité qui viennent qui mettent leur nez un peu partout lorsqu’il s’agit d’art et qui font basculer aussi les idées dans un sens ou dans l’autre. Les premières complications sérieuses auxquelles je doisfaire face, puis les bonnes surprises imprévues que je laisse me guider et m’envahir. Et c’est à nouveau le doute qui s’installe, et ainsi de suite le processus est à nouveau le même encore et encore. Ce n’est qu’à la toute fin de ce processus qu’intervient le mystère. Il est la toute dernière sensation éprouvée et il restera pour toujours un mystère. Celui du jour où l’on sent soudainement qu’une musique est terminée, qu’ajouter ou ôter un élément à cette musique la desservirait considérablement. Il arrive sans prévenir… Cet étonnant moment où chimiquement tout semble logique. Tout semble se tenir. Le moment où la mélodie, la composition, l’album, le film, prennent tout leur sens alors qu’à peine quelques heures avant j’étais encore dans une recherche qui me semblait infinie.

J’ai eu un immense plaisir à décrire musicalement ces sentiments qui représentent les battements de cœur de mon travail au quotidien. Hors de portée de toutes les difficultés de la vie, ils viennent me rappeler tous les jours que le souffle qui me construit est celui de la création. Que lorsque cette création s’interrompt, le souffle s’arrête, le cœur ne bat plus. Et qu’il est nécessaire et indispensable que ces sentiments, dans la musique ou dans le reste, continuent d’être vécus, afin de ne jamais s’arrêter de créer et d’évoluer.

Je dédie cet album à Miles Davis dont le génie a complètement inspiré mes compositions. C’est aussi la première fois que j’enregistre un album en « live studio » c’est à dire avec tous les musiciens sur place en même temps. C’est donc une première à plus d’un titre. L’album a été enregistré à New York City en une demi journée. Les morceaux ont été enregistrés en une seule prise. Pas d’artifice de post production. Le mixage a été réalisé le lendemain dans le même studio. J’ai également choisi de travailler avec des musiciens de jazz capables de flirter avec mes sonorités arabes, sans être déstabilisés. L’équipe New Yorkaise est un trio composé de Larry Grenadier (basse), Clarence Penn (batterie), Mark Turner (saxophone). Ces musiciens sont particulièrement respectés dans le milieu du jazz traditionnel et avant-gardiste pour leur ouverture d’esprit, leur créativité et leur musicalité. Et j’ai eu envie de faire intervenir le pianiste Frank Woeste dans les arrangements afin d’être le plus « juste » possible dans ma démarche musicale. Frank est aussi un excellent arrangeur et compositeur de jazz. Il m’a beaucoup aidé à améliorer l’aspect jazz de mes compositions en y apportant une dynamique légèrement plus conventionnelle.

C’est un rêve qui s’achève et le doute qui réapparaît comme toujours avec la sortie de cet album.

IBRAHIM MAALOUF