Vakia Stavrou

Alasia
Sortie le 4 novembre 2016
Label : Accords Croisés
À l’île de Chypre, la culture grecque a donné un de ses noms les plus beaux, Alasia. Les étymologistes lisent dans ce nom un lien avec la mer – celui d’une île dans, de et par la mer, d’une terre que le poète dit « embrassée par la mer ». Ainsi peut se comprendre la fécondité, la singularité, l’éclatante splendeur d’une île entourée de peuples, de civilisations, de fracas, de frissons d’Histoire, et pourtant miracle de lumière intouchée, de dignité songeuse, de souffles antiques.
À l’île de Chypre, la culture grecque a donné un de ses noms les plus beaux, Alasia. Les étymologistes lisent dans ce nom un lien avec la mer – celui d’une île dans, de et par la mer, d’une terre que le poète dit « embrassée par la mer ». Ainsi peut se comprendre la fécondité, la singularité, l’éclatante splendeur d’une île entourée de peuples, de civilisations, de fracas, de frissons d’Histoire, et pourtant miracle de lumière intouchée, de dignité songeuse, de souffles antiques.

Vakia Stavrou situe son Alasia au cœur du monde, au centre d’une Méditerranée des cœurs et des intelligences. Ce n’est pas tout dire que de parler de sa voix pure, de son inspiration radieuse, des sortilèges d’une sensibilité s’exprimant en plusieurs langues… Il y a chez elle une sophistication qui tient de ces miracles que les Anciens attribuaient à l’imagination fertile de Dieux inspirés – celle qui leur faisait dessiner au bord d’un modeste chemin l’éclat majestueux d’une fleur sublime, celle avec laquelle ils tissaient sur la nuit des constellations résumant en quelques étoiles les destinées extravagantes de héros compliqués. De la même manière, Vakia Stavrou chante en portugais accompagnée d’une seule guitare et l’on songe au cristal de Bill Evans seul à son piano ; elle délivre un folk en grec et l’on croirait à une bossa existentielle que Tom Jobim n’aurait su écrire…

Avec Vakia Stavrou, tout est affaire de peu. Peu de notes, peu de gestes, peu d’instruments. Et tout survient de cette sage économie : la mélancolie et le soleil, la contemplation et la tempête du sentiment, le cœur à nu et le vertige de l’âme.

En grec, en portugais et en anglais, elle délivre des beautés instinctives et lettrées, transcende les frontières de genre et de culture, fait entendre la vaste beauté de sa voix mais aussi une écriture contemporaine et enracinée. Elle appartient à cette génération qui a écouté Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Édith Piaf, Maria Bethânia, Chet Baker ou Charles Aznavour (« des artistes qui ont en commun de n’être pas bavards », note-t-elle aujourd’hui) tout en désirant une langue musicale qui lui corresponde. Quand elle quitte Nicosie pour un Conservatoire supérieur, c’est à Prague qu’elle s’envole, en classe de voix contemporaine – ailleurs que les routes balisées.

Elle avait commencé à écrire et composer à l’adolescence, alors qu’elle s’était aussi prise de passion pour les langues étrangères. Vakia va tout naturellement déborder du grec. Alors que, rentrée de Tchéquie, elle collabore avec plusieurs sommités de la scène grecque, son premier EP révèle Sozinha, complainte d’une femme abandonnée qu’elle a écrite en portugais. À Lisbonne, les médias croient à l’interprétation contemporaine d’un fado traditionnel…

Peu à peu, elle se construit une identité d’artiste plurielle mais résolument cohérente – obsédée de mélodies limpides et de mots sensibles. Elle bâtit un groupe à la suite de rencontres à Paris, autour du guitariste et arrangeur brésilien Carlos Bernardo. Avec eux, un percussionniste cubain, Inor Sotolongo, qui utilise beaucoup de rebuts du quotidien pour fabriquer des sons – du papier, des sacs en plastique, des clés… L’écrin de ses accompagnateurs est complété par Guillaume Robert à la contrebasse et Octavio Angarita au violoncelle – « une chance d’avoir ces musiciens », avoue-t-elle volontiers. Tout naturellement, elle a joué avec eux live, sans superposition de pistes séparées.

« L’idée de cet album était de créer une ambiance intime, de donner l’impression que le groupe joue tout près, dans un salon, pour des amis. » Il est vrai que les chansons de Vakia Stavrou ont des couleurs de confidences. Dans Xehases, c’est la tragédie amoureuse : « Tu as oublié toutes ces nuits, tu as oublié et tu m’as jetée dans le noir, si loin que je ne pourrai jamais revoir la lumière ». Dans Mais um beijo, c’est la promesse de la félicité : « Un baiser de plus, je t’en prie ; pour cette nuit d’amour, je veux des fleurs, je veux des couleurs, plus de poèmes, plus de chansons ». Dans Black bossa, la dernière chanson écrite pour cet album, l’amoureuse jubile : « Tu t’emboites au coin de mon œil, tu t’emboites entre deux baisers et dans le geste que j’ai perdu il y a longtemps, tu t’emboites même plus profond, et il est vraiment trop tard pour effacer tous les mots que tu as gravés sur mon corps ».

La parole amoureuse de Vakia Stavrou a troublé le romancier José Luis Peixoto : « Je venais de lire Le Cimetière de pianos quand il m’a contacté. Il avait écouté Sozinha et me proposait de m’écrire des textes. » L’écrivain portugais lui donne O meu peito diz et Dia sem mim, seules chansons de l’album Alasia qu’elle n’ait pas écrites. Mais elles appartiennent à la même famille que les siennes – des chansons aux couleurs franches, aux lignes pures, à la lumière ou à la nuit également irradiante, aux sentiments vifs. Comme si chanter était un acte tectonique, primal, hors d’atteinte du temps. Comme s’il s’agissait d’une œuvre humble et géante à la fois, comme s’il s’agissait de faire entendre le baiser de la mer.

DISTRIBUTION :

VAKIA STAVROU : Chant, guitare, composition

CARLOS BERNARDO : Guitare, arrangement

GUILLAUME ROBERT : Contrebasse

INOR SOTOLONGO : Percussions

OCTAVIO ANGARITA : Violoncelle